Critique du film Creepy – Kiyoshi Kurosawa (2016)

Creepy est un film japonais de Kiyoshi Kurosawa sorti en 2016 au Japon et en France le 14 juin 2017. Il a été présenté hors-compétition à la Berlinale en 2016.

Il s’agit de l’adaptation du roman de Yutaka Maekawa, publié en France par les éditions « d’Est en Ouest » en mars 2017.

« un retour au thriller pour le réalisateur »

K. Kurosawa est un des cinéastes japonais les plus prolifiques de sa génération. Avec plus de 40 films et séries à son actif, le réalisateur fourmille de projet ces dernières années. Après l’étonnant « vers l’autre rive » et le récent « secret de la chambre noire »,  Creepy est un retour au thriller qui est le style qui a fait la renommée du réalisateur et marque le plus son identité.

Dans ce film, l’histoire se déroule dans un cadre ordinaire et familier. Afin de profiter de la tranquillité suite à une agression dans le cadre de son travail, un ancien inspecteur vient de s’installer avec sa femme et son chien max dans une maison de la banlieue de Tokyo.

Lui est désormais professeur à l’université et va progressivement s’intéresser à un mystère jamais élucidé par la police, la disparition d’une famille. Elle reste et s’occupe à la maison et va tenter de faire la connaissance de leurs voisins.

Le couple est une thématique récurrente dans la filmographie de Kurosawa, avec cette question presque identitaire : comment va-t-il surmonter les épreuves qui vont se dresser sur leur chemin ?

Creepy ne déroge pas à la règle. Au départ en parfaite harmonie, le couple se délite au fur et à mesure de l’avancée de l’intrigue. L’élément clé, c’est leur voisin Monsieur Yoshino, à la personnalité complexe et au comportement mystérieux.

Le film est construit en deux parties parallèles dont la jonction sera inéluctable.

D’une part la vie de famille, ou le comportement incohérent du voisin inquiète et constitue une source de disputes dans le couple.

D’autre part, la vie professionnelle de Takakura ou le mystère se lève progressivement sur les raisons de la disparation de la famille.

Les deux univers vont bientôt se confondre au fur à mesure que les personnalités s’effacent par l’injection d’une mystérieuse substance.

Le point positif du film est sans aucun doute son intrigue, qui monte en intensité au fur et à mesure. C’est du Kurosawa, ça se voit et ça fonctionne. Le spectateur est absorbé par le quotidien du couple et maintenu sous tension par l’avancée de l’enquête.

Toutefois, il n’est pas exempt de défauts. L’intrigue traine parfois en longueur et certaines scènes (notamment dans la pièce secrète) sont trop longues. Je trouve aussi que le coté fantastique tombe un peu à plat à la fin du film et manque d’explications. Au final, on se retrouve sans piste de réflexion sur les motivations du tueur ou les origines de la fameuse substance.

« La fête (des voisins) est finie »

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Kurosawa est un réalisateur engagé et critique sur la société japonaise actuelle. Chacun de ces film est un témoignage fort qui dresse un constat pertinent et pas forcément optimiste.

Dans Creepy, le thème sociétal principal est celui du voisinage.

Le message peut être résumé comme suit : Au japon, même si la famille constitue le ciment de la société, les liens de voisinage sont quasi inexistants. Au-delà de l’échange traditionnel de petits cadeaux lors de l’emménagement, les voisins ne se parlent presque pas. Ce que veut montrer Kurosawa, c’est que cet état de fait peut avoir de terribles conséquences.

Aujourd’hui, ce constat est déjà connu est qu’il n’est pas spécifique au Japon. Il peut même être généralisé aux pays occidentaux. Je trouve donc que le message de Kurosawa est (pour une fois) assez banal.

L’histoire du couple avec le mari policier montre aussi une certaine redondance avec le film Cure (est-elle assumée ? oui, si on se focalise sur la référence du prévenu au début du film qui demande une cigarette au policier).

Il en est de même pour l’image de la police japonaise dont la naïveté et l’inefficacité contraste avec son sérieux sa rigueur et ses certitudes. C’est un thématique récurrente chez Kurosawa que j’apprécie car elle apporte de la légèreté dans le film.

« Une réalisation soignée et épurée »

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Ce que j’aime chez ce réalisateur, c’est sa capacité à absorber le spectateur par l’image. A travers ses plans fixes et rapprochés, il parvient presque à nous hypnotiser.

Dans Creepy, on retrouve tous ces éléments. C’est là le génie de Kurosawa qui parvient toujours, au delà de l’intrigue principale, à  faire une proposition contemplative et artistique dans sa mise en scène.

Par exemple, les scènes dans la salle des prof à l’université ou la caméra est fixe mais la foule des étudiants s’anime en arrière plan générant un contraste saisissant.

Une autre scène marquante est celle de l’interrogatoire entre la jeune fille de la famille disparue et Takakura. Au fur et à mesure que les souvenirs d’une jeune femme traumatisée ré-apparaissent dans sa mémoire, la lumière s’assombrit à l’écran, comme si le monde entier devenait obscur. Une scène esthétiquement très réussie !

Visuellement, Kurosawa propose dans ce film un point de vue différent sur le Japon. Tourné en majorité en intérieur, il ne cherche clairement pas à magnifier le Japon mais plutôt à le présenter dans son plus simple appareil, dénué de ses apparats et de ses habits de lumière.

On se retrouve donc dans une petite bourgade terne, aux maisons ordinaires et sans charme. Le décor de la pièce secrète est lui déconnecté de la réalité pour mieux donner au film son aspect fantastique. Je trouve intéressant ce point de vue mais peut être qu’il s’explique simplement par un budget limité.

Coté direction d’acteur, c’est du propre. Les acteurs sont tous très bon et leur interprétation est juste. Un personnage sort clairement du lot, c’est Yoshino (qui est interprété par Teruyuki Kagawa) qui est vraiment étonnant et dont on sent que Kurosawa lui a laissé une liberté d’interprétation pour son rôle.

Enfin, la musique est réussie et maintient le spectateur sous tension tout au long du film.

Mon avis : Creepy n’est certainement pas le meilleur thriller de K. Kurosawa. La faute à une intrigue qui manque de profondeur et à certaines longueurs qui nuisent à la qualité du film. Si vous souhaitez découvrir l’univers du réalisateur, je vous conseille de passer votre tour et de vous tourner vers Cure ou Shokuzai.

Si comme moi, vous êtes un inconditionnel de ce réalisateur, il mérite quand même le détour mais n’apporte pas grand-chose à une filmographie déjà bien fournie.

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Critique du film – Creepy

Votre avis ?

3 commentaires sur “Critique du film Creepy – Kiyoshi Kurosawa (2016)”

  1. Bonjour,
    Ce film m’a beaucoup plus et effectivement il nous laisse avec des questions sans réponses :
    Quelle est cette fameuse drogue ?
    Et comment la femme de l’ex-policier c’est-elle faite avoir !? Ca manque de précisions car on ne voit presque rien à ce sujet !
    Et cette fille, Mio, pourquoi est-elle avec ce monsieur si elle ne prend pas cette drogue ? Elle pourrait fuir dans ce cas ?

    Voilà, je me dis qu’une suite est envisageable, où l’ex-enquêteur ménerait l’enquète pour trouver l’origine de cette substance/drogue et empêcher d’autres malades d’en faire le même usage ! Et ça apporterait des réponses !

     
    1. Oui beaucoup de questions sans réponse, la drogue semble faire apparaitre les émotions refoulées des personnes , donc la femme de l’ex policier a pu être plus facilement manipulable, car elle en veux a son mari .

      Si Mio l’aide c’est quelle avait le désir caché de faire du mal a sa famille, comme la première fille dont la famille a disparu ,et si elle semble avoir oublié les faits c’est qu’ elle est surement en partie responsable de leurs morts, qu’elle ne veuille pas reconnaitre le personnage interprété par Teruyuki Kagawa en est d’après moi la preuve.

      Le problème tout cela est plus suggéré que vraiment montré, mais ça me semble être le sujet du film plus que la manipulation , car le pauvre méchant est incapable de manipuler personne par la parole

       

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