Critique du film – Les enfants de la mer

« Les Enfants de la mer » est un film d’animation réalisé par Ayumu Watanabe. Sorti au Japon le 7 juin 2019, « Les Enfants de la mer » sortira au cinéma en France le 10 juillet 2019. Il s’agit de l’adaptation d’un manga écrit et illustré par Daisuke Igarashi.

Production : Studio 4°C

Distribution en France : Eurozoom

L’histoire du film : Ruka, jeune lycéenne, se consacre à sa passion, le handball. Hélas, elle se fait injustement exclure de son équipe le premier jour des vacances. Furieuse, elle décide de rendre visite à son père à l’aquarium où il travaille. Elle y rencontre Umi, qui semble avoir le don de communiquer avec les animaux marins. Ruka est fascinée. Un soir, des événements surnaturels se produisent.

1) Une sublime exploration des fonds marins

Critique du film - Les enfants de la mer

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sans détour, la principale qualité de ce film est sa représentation de l’univers marin. Jamais l’exploration de la mer et des océans n’avait été traité avec autant de diversité et de beauté dans un film d’animation.

Visuellement donc, le film est magnifique. L’animation revêt à la fois une dimension poétique et mystique. On se laisse porter par le mouvement de vagues. Il nous entraine sous l’eau, à la découverte de l’immensité des fonds marins. J’ai été époustouflé par ces majestueuses baleines à bosses qui fendent la mer pour s’envoler quelques instants dans les airs.

Le jeu des couleurs utilisées épouse la richesse de l’univers marin. Les poissons, les coraux, les nuances de bleus, on en prend plein les yeux. Regardez aussi la couleur de l’iris de Ruka. Elle change plusieurs fois, comme pour s’adapter à son environnement. Comme l’affiche du film (voir ci-dessus), on a vraiment cette impression de plonger dans des tableaux animés.

Les personnages sont animés avec un style très fidèle aux dessins du manga de Daisuke Igarashi.  Le chara design est signé Kenichi Konishi (connu pour le chef d’oeuvre « Tokyo Godfather » de Satoshi Kon). Il se caractérise par un trait mature, assez épais, que je trouve assez proche de certaines bandes dessinées (comme Corto Maltese). En même temps, il conserve une fragilité, qui renforce le coté sensible de certains personnages (en particulier Sora et Anglade que je trouve le plus charismatique de tous). Je trouve que le character design est réussi, même s’il peut déstabiliser au départ.

2) Une source d’évasion infinie

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Dès le début du film, j’ai ressenti comme une source d’évasion (moi qui suis plus habitué aux bruits des voitures qu’à celui des vagues). Cette impression s’accentue au fur à mesure que le film avance. Il procure aussi un sentiment de « lâcher prise », une bouffée d’air pur, plein de bonnes ondes que j’aime ressentir au cinéma. Une des principales raisons est qu’il ne reprend pas la traditionnelle opposition entre gentil/méchant. Ici, c’est la nature, et son caractère universel qui sont au centre de tout.

La réalisation délivre certains moments de grâce. En particulier, les scènes d’exploration de la mer (de jour et de nuit) ou l’on est littéralement entrainé sous les flots avec les personnages. Par exemple, j’ai adoré la scène où Umi entraine Ruka dans son sillage sous l’eau. L’impression de liberté est multipliée et l’immersion est totale. Les plans sur les baleines, ces géants des mers qui surgissent des fonds marins sont aussi très réussis. Mais le film ne se limite pas à cet aspect « carte postale ». J’ai aussi trouvé très intéressant la manière d’explorer les abysses, cet univers inexploré, inquiétant, qui regorge de multiples formes de vie.

J’ai apprécié aussi le fait que le coté réaliste et les dialogues (très présents au début du film), laisse progressivement place à une dimension plus abstraite où les symboles et les images prennent le pas sur les mots.

Coté défauts, je trouve que certains passages sont inutiles, voire carrément Wtf. Lorsque Ruka (en colère) pousse la table de sa classe, quand Umi manque de se faire écraser par un train, où les plans récurrents sur les chaussures. Peut être que ces scènes sont des retranscriptions précises du manga (dont je n’ai lu que le 1er tome) mais je ne vois pas ce qu’ils apportent au film.

3) Un message universel sur la biodiversité

L’autre aspect du film que j’ai vraiment apprécié, ce sont les thèmes abordés et surtout le lien qui est fait entre eux. Vous l’avez compris, le thème principal est la nature. L’originalité est qu’il est décliné de plusieurs façons.

D’abord, à travers la présentation de sa  diversité (les animaux du parc aquatique, la biodiversité dans la mer, et les animaux irréels) et de son écosystème. Océans et mers recouvrent 70% de notre planète. Ils connectent les hommes, fournissent nourriture et oxygène et régulent notre climat. Le film traite de l’environnement mais n’a pas ce coté démago de certains reportages et de tous les discours politiques.

Ensuite, car le film s’intéresse à la nature de l’homme. Les questions sur son environnement sont alors le vecteur de questions plus complexes sur son origine et son devenir.
A travers le destin de  chaque personnage, on voit apparaître plusieurs facettes de l’humanité. Au spectateur de se forger des réponses.
La propension de certains à se mettre au service d’autrui (le père de Ruka), à se renfermer et se détruire soi-même (la mère de Ruka), la volonté de protéger les autres (Jim et Andrade qui protègent Umi et Sora), le désir de transmettre son savoir (Dédé, l’aventurière des mers).

C’est à travers le parcours initiatique du personnage principal, la jeune Ruka, que le film nous invite à  constater que la vie est en perpétuelle évolution, que rien n’est figé. Et que nous disposons toujours de notre libre arbitre. Ruka aura le choix de pardonner à ses camarades à l’école. Depuis l’origine du monde, notre réalité dépend de nos choix, de nos prises de conscience ou au contraire des dérives et du laisser aller des hommes.

A mon sens, c’est en ça que le film possède un véritable message écologique. Celui de la responsabilité des hommes sur le destin du monde. Ce film aura certainement un écho tout particulier au Japon, un pays aux pratiques contestables et contestés sur la pêche de plusieurs espèces protégées.

C’est la cas pour les baleines. Fin 2018, le Japon a annoncé son retrait de la Commission baleinière internationale (la CBI) dans le but de reprendre une pêche massive à visée commerciale à compter de juillet 2019.

C’est le cas pour les dauphins, ces images insoutenables de chasse pratiquée à Taiji, dans la région de Wakayama dans l’ouest du Japon. Le long métrage « the Cove » (La baie de la honte) avait été couronné d’un Oscar en 2010 et avait attiré l’attention du monde sur cette pratique.

4) Écouter la nature pour libérer la vie

Critique du film - Les enfants de la mer

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En 1956, sortait au Japon, un film (aujourd’hui polémique) intitulé « le monde du silence » de Jacques-Yves Cousteau et Louis Malle.

En 2019, « Les enfants de la mer » nous confirme que la mer est tout sauf un monde de silence. Il révèle la musicalité de l’univers marin. C’est un vibrant hommage à tous ses sons émis par la nature que l’on entend mais que l’on ne prend pas toujours le temps d’écouter.

Le son des flots, à travers les nombreuses et somptueuses plongées, comme autant de découvert des fonds marins et de sa richesse. Le bruit du vent, à travers les voiles de ces magnifiques voiliers, comme autant de Calypso sur lesquels on aimerait naviguer. Le chant des baleines (plus difficile à écouter en méditerrané^^),  comme autant de moyens de communiquer, d’avertir d’un danger ou simplement de s’amuser. Un preuve que les animaux sont comme nous.

Cet aspect sonore est sublimé par la musique de Joe Hasashi, compositeur des films du studio Ghibli. Au départ, j’étais assez surpris de sa collaboration avec le studio 4°C. A l’arrivé, le résultat n’est pas une surprise. Sans être inoubliable, chaque musique colle parfaitement à l’animation.

Enfin, je vous invite a bien rester pendant le générique à la fin du film. Ne manquez pas le chef d’œuvre musical « Spirit of the sea » de Kenshi Yonezu. C’est pour moi la révélation musicale de ce film. Je l »écoute en boucle depuis que j’ai vu le film. Son clip a fait 10 millions de vues sur youtube en quelques jours donc je ne suis pas le seul à le penser.

Ne manquez pas non plus la scène post générique qui offre un éclairage important sur les différents degrés de lecture du film.

Il faut rester à l’écoute des autres et de la nature pour libérer la vie. A l’image de Ruka, savoir prendre du recul avant de prendre des décisions et savoir reconnaître ses erreurs. Un message simple qui nous concerne tous et qui vaut bien plus que tous les discours (politiques au autres).

5) L’adaptation « concentrée » des 5 tomes du manga

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le manga « les enfants de la mer » a connu un énorme succès au Japon puis dans le monde entier. Certains le considère plus comme un roman graphique qu’un manga. Ce qui est certain, c’est qu’il possède ce caractère universel (le fameux de 7 à 77 ans^^), qui plait autant aux enfants qu’aux adultes.

Il faut savoir qu’il existe pas mal de différences  entre le manga et le film d’animation. Le manga raconte l’histoire de Ruka une fois qu’elle est adulte. Elle se rappelle son enfance et n’est pas complètement au centre de l’histoire. Même si l’histoire est la même, l’angle est différent dans le film.

Le récit est divisé en 5 tomes de plus de 300 pages chacun (donc assez costaud) . Le défi de cette adaptation était de regrouper toute cette histoire dans un seul long métrage de 111 minutes.

Si la majorité de l’histoire est cohérente et franchement passionnante, je trouve que dans la dernière partie, le récit est trop condensé et complexe. En voulant trop donner sur la fin, le récit du film perd un peu en cohérence. Pour comparer, c’est le même reproche que je fais aux derniers films Evangelion (surtout 2.0) dont le message est trop complexe pour être accessible dans un format long métrage.

Ce que j’aime dans le cinéma d’animation japonais (et que j’ai trouvé dans les illustrations du manga dont j’ai lu le 1er tome), c’est ce coté contemplatif, qui donne le temps au lecteur/spectateur de s’approprier l’instant et se laisser porter par les émotions.

Enfin, j’aurai aimé certains personnages soient plus développées (quelle sont les histoires de Sora, d’Anglade, les traumatismes de la mère de Ruka, ou encore les motifs des tatouages de Jim^^). J’ai eu l’impression que le film ne révèle pas tout. Ce sont certainement les contraintes du format d’un long métrage qui ne le permettent pas.

Je me suis posé la question de savoir si cette histoire n’était pas plus adaptée pour un animé. Par forcement, car on aurait perdu l’expérience au cinéma, sur grand écran, qui donne à ce film toute sa dimension spectaculaire.

Conclusion : « Les enfants et la mer » est un film à part, insaisissable. Visuellement magnifique et captivant, il flirte avec l’œuvre d’art. Il procure des sentiments de « lâcher prise » et d’évasion qui font du bien au cinéma.

C’est aussi une film puissant, comme le flot des vagues, qui nous pousse à la réflexion. il contient des images sur la nature bien plus puissantes  que n’importe quel discours sur l’écologie. Il invite le spectateur d’aujourd’hui à devenir le protecteur de demain des mers et des océans. Enfin, je le vois comme un hommage au manga de Daisuke Igarashi. Il présente l’histoire sous un angle différent (avec plus de rythme) et m’a donné envie de me plonger dans la lecture des 5 tomes pendant l’été.

https://japoncinema.com/

http://www.christoblog.net/liste-des-blogs-cin%C3%A9ma-amateurs-et-individuels.html

 

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