Critique du film – Miraï, ma petite sœur

« Miraï, ma petite sœur » est un film d’animation réalisé par Mamoru Hosoda. Il est sorti le 26 décembre 2018 au cinéma en France.

Société de production : Studio Chizu (studio co-fondée par M. Hosoda)

Distributeur : Wild Bunch Distribution

De quoi parle le film ? : Kun est un petit garçon à l’enfance heureuse jusqu’à l’arrivée de Miraï, sa petite sœur. Jaloux de ce bébé qui monopolise l’attention de ses parents, il se replie peu à peu sur lui-même. Au fond de son jardin, où il se réfugie souvent, se trouve un arbre généalo-ma-gique. Soudain, Kun est propulsé dans un monde fantastique où vont se mêler passé et futur. Il rencontrera tour à tour ses proches à divers âges de leur vie : sa mère petite fille, son arrière grand-père dans sa trépidante jeunesse et sa petite sœur adolescente ! A travers ces aventures, Kun va découvrir sa propre histoire. 

« Une animation qui reflète les émotions et la magie de l’enfance » 

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Mamoru Hosoda est un réalisateur au style unique dans le monde de l’animation. Il cache derrière une apparente simplicité, un sens du détail impressionnant et surtout une capacité à transmettre les émotions. Visuellement, son style résulte de multiples influences (Ghibli, son apprentissage à la Toei, mad house, Disney…) et surtout. Dans Mirai, la réalisation est une réussite. Il confirme sa capacité à valoriser cet héritage mais affirme encore plus son identité.

Pour les personnages, elle se caractérise d’abord par un dessin simple, avec peu de détails et une animation traditionnelle (en 2D) qui domine sur la 3D. Il s’affranchit des effets de couleurs, d’ombres pour se concentrer sur le sens à donner aux mouvements et laisser les personnages exprimer au mieux leurs émotions. C’est ce style d’animation, plein de sensibilité que j’adore. Malgré l’apparente simplicité des traits, j’ai été bluffé par le réalisme des expressions et cette capacité à nous émerveiller et nous rendre curieux de tout.

Dans Mirai, l’animation parvient à retranscrire parfaitement les comportements, les attitudes, et les émotions les plus subtiles des adultes comme des enfants. Pour vous en rendre compte, regarder simplement une des premières scènes lorsque Mirai bébé ouvre et plisse doucement les yeux. Son expression et la réaction de Kun sont exceptionnelles de réalisme et d’émotions.

Pour le cadre et les paysages, au contraire, la « patte » d’Hosoda nous en met plein la vue. Les décors fourmillent de détails. La 3D est assez bien dosée (juste un peu confuse dans certaines scènes). Mirai nous permet surtout de mesurer l’ampleur travail réalisé sur la maison de cette famille japonaise. Hosoda a révélé avoir fait appel à un architecte, Makoto Tanijiri, pour concevoir la maison de la famille. C’est ce sens de la précision des détails, poussé à l’extrême, que je souhaite valorisé car cela apport un réel plus au film. Par exemple, on voit apparaitre le nom de chaque livre qui est rangé dans l’armoire du salon.

Le film est aussi un trésor de créativité. Certains effets rappellent les estampes du XVIII siècles. Les plans larges de la ville du bas vers le haut qui nous invite a regarder vers le haut,  à prendre de le hauteur. La gare de Tokyo, imaginée dans le futur, il incorpore des effets de style et de dessins très libres. Le résultat est génial.

Enfin, le dernier aspect que j’ai apprécié, c’est la manière dont Hosoda joue avec les éléments. Avec la neige lorsque l’on voit un Flocon fondre dans la main de kun. Le silence laisse la place à l’interprétation. On peut voir cette scène comme une métaphore du changement, ou du caractère éphémère des choses. La transformation est dans la nature des choses. Avec l’eau, lorsque kun se retrouve sous un déluge de pluie et qu’une goutte d’eau tombe dans une flaque, laissant éclore des ondes en forme de rond. Cet effet, on le retrouve dans de nombreux animés japonais. Elle reflète l’expérience d’Hosoda acquis dans ce domaine notamment lors de son passage à la Toei.

Seul bémol, la construction du film se révélé un peu décousue. On a l’impression d’assister à une succession d’épisodes, reprenant grosso-modo le même schéma (voyage dans le temps, nouveau personnage, apprentissage). Je trouve que ce choix de construction en segments nuit à la montée en intensité tout au long film. Le spectateur se retrouve un peu comme un surfer qui doit attendre la prochaine vague pour prendre son pied.

« Une vision moderne et sincère de la parenté »

Le film nous place avant tout du point de vie d’un jeune garçon, face à l’arrivée de sa petite sœur. Mais il aborde aussi le point de vue des parents, particulièrement intéressant à analyser.

Dans une vie de couple, l’arrivée d’un bébé est avant tout la source d’un immense bonheur. Mais c’est aussi le fait générateur de nombreux bouleversements dans la vie quotidienne, qu’il est impossible d’anticiper. Je trouve que ce aspect est très bien abordé dans le film, de manière décomplexée, avec beaucoup de réalisme et d’humour.

Tous les jeunes parents se reconnaitront dans les réactions des parents face à leurs enfants. La caricature du film rejoint souvent la réalité. Petit clin d’œil, le film fait aussi office de véritable « liste de naissance » pour les futurs parents avec un réalisme bluffant des équipements bébé (la chaise STOKKE, la poussette YOYO baby Zen…).

Il fait aussi échos à un sujet plus sérieux d’actualité au Japon. Suite à l’arrivée d’un enfant, est ce que le père et la mère restent libres de choisir leur place ?

Hosoda défend sa vision moderne du couple. Il nous incite à l’équilibre, la répartition des taches et à la communication. C’est une de clé la réussite de la vie de famille. Une belle leçon de vie.

Dans le film, le père est architecte et se lance en free lance pour mieux s’occuper des enfants. Il est maladroit dans les taches ménagères mais il prend son rôle à cœur fait toujours preuve de bonne volonté. Sa femme n’est pas réduite à un rôle de femme au foyer. Elle s’accomplit pleinement dans ses activités professionnelles pour laquelle elle est amenée à faire des déplacements.

Est ce le cas des couples japonais en réalité ?

Traditionnellement, la famille est basée sur un modèle bien ancré dans la culture japonaise. La liberté de choix de la femme est souvent limitée. Le mot « Shufu » désigne cette femme qui doit d’occuper seule de ses enfants et des taches domestiques.

Le père de famille, lui est dévoué et accaparé par son travail. Les entreprises désireuses de bichonner leurs employés masculins multiplient les activités extérieures en soirée ou le week end. Ce qui à pour effet d’éloigner encore plus les pères de la sphère familiale.

Heureusement, les choses évoluent dans le bon sens. Aujourd’hui, de plus en plus de femmes conservent leur travail après la naissance de leur 1er enfant. Et de plus en plus de pères aménagent leurs horaires de travail pour s’occuper des enfants et des taches domestiques. Le gouvernement tend même à le favoriser cette nécessaire évolution des mentalités.

Depuis 2010, la loi permet aux pères qui le souhaitent de prendre des congés  paternité, de six mois après la naissance de leur enfant. Les employeurs sont aussi tenus d’accorder des journées de six heures maximum à leurs actifs pères d’enfants de moins de 3 ans. Le ministère de la Santé et du Travail a même mis en place un site internet dans le but de recueillir les témoignages d’hommes au foyer, au sein du projet Iku-men (Iku-ji » qui signifie « éducation des jeunes enfants » et le mot « Men » pour hommes).

« Une subtile initiation à la culture Japonaise » 

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Tout au long du film, la maison de famille occupe un rôle central. De nombreuses scènes ont lieux en intérieur peuvent faire penser à une pièce de théâtre Kabuki.

Certains pourront regretter ce côté plus cloisonné par rapport aux précédents films d’Hosoda. Au contraire, je trouve que Mirai est une formidable source d’évasion, une invitation au voyage et une porte ouverte vers l’imaginaire. Car Hosoda se livre comme jamais sur sa vision du Japon et de son évolution.

Sur sa culture, notamment à travers la scène des poupées Hina, qui, selon la tradition, doivent être rangées le soir même sinon la fille ne pourra pas se marier.

Concernant la représentation de son environnement, avec le magnifique parc Negishi Shinrin à Yokohama.

Pour la reconstitution de son histoire, lorsque Kun fait un bond dans le passé, à la rencontre de son arrière grand père, blessé pendant la seconde guerre mondiale.

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Enfin, il rend un véritable hommage à son système ferroviaire. Il faut savoir que de très nombreux japonais vouent un culte au « train ». Je me souviens lors de mon vyage à Tokyo, dans le quartier d’Akihabara, m’être carrément perdu dans un magasin consacré exclusivement à des maquettes et des accessoires de train. C’est vrai que le modèle du « train japonais » fait des envieux dans le monde entier. Pratique, propre, ponctuel, confortable, moderne et innovant. A lui seul, il justifie presque votre voyage au Japon.

Dans le film, les locomotives et autres wagons et rails sont omniprésents. Ils ont envahi la maison de famille pour assouvir la passion du jeune Kun (qui veut même donner à sa petite sœur le prénom d’un modèle de train E 233 ou Azusa).

Le train est aussi une métaphore de sa crainte du futur avec une des meilleures scène du film, dans la gare futuro-fantastique de Tokyo. Le Shinkansen à destination du pays des « tout seul » se révèle plus effrayant qu’une maison hantée.

« Un pas en avant sur le chemin de l’apprentissage »

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Tout au long du film, Hosoda fait appel à notre imaginaire. Il nous balade entre le passé, le présent et le futur, entre le réel et le fantastique dans le but d’aider le jeune Kun dans sa quête initiatique. Lui qui était au centre de toutes les attentions de ses parents va devoir apprendre à partager et il n’est pas content.

Mirai, est certainement son film le plus intime car Hosoda s’est beaucoup inspiré de sa vie personnelle (comme dans le film, il est père de deux enfants).

Lorsque Kun descends les quelques marches qui séparent la maison de son jardin, il voyage dans le temps. Cette fugue temporelle lui ouvre les portes de son jardin intérieur.

Plus qu’un voyage, chaque saut dans le temps est une étape dans son apprentissage, une source de savoir et une leçon de vie qui va lui servir à comprendre et affirmer son identité, non plus en opposition mais aux côtés de sa petite sœur Mirai. Voici quelques illustrations :

Le 1er voyage est une leçon douverture sur les autres : il rencontre de sa sœur qui vient du futur (apparemment Trunks s’est encore fait tiré sa machine à voyager dans le temps). Elle lui enseigne que quand on est solidaire pour surmonter les obstacles, on se comprend mieux.

Le 4eme voyage est une leçon de courage sur les obstacles de la vie : il rencontre son arrière grand père, gravement blessé pendant la seconde guerre mondiale. Il lui apprend comment prendre confiance en soi, comment regarder au loin pour ne plus avoir peur de faire du vélo.

Le 5eme et dernier voyage est une quête identitaire : il se retrouve seul, face au monde, dans une immense gare à Tokyo. Il devra faire un choix : se replier sur lui même et fuir ses nouvelles responsabilités de grands frère ou s’ouvrir au monde et accepter ce lien fraternel intemporel et inconditionnel. Mieux le film, nous prend à témoin. Il nous interroge aussi sur les enseignements à tirer de notre histoire, pour donner un sens à notre futur.

Il délivre un message optimiste sur la jeunesse mais aussi de prises de conscience de ses responsabilités. Prendre de la hauteur, ne surtout pas fuir la réalité, vivre l’instant présent et accepter le changement. Voilà ce que signifie une des dernières phrases du film (prononcée par Kun avant de sauver sa petite qui résume très simplement cette idée : Il déclare « je suis le grand frère de Mirai ».

« Le meilleur film d’Hosoda ? »

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Avec peu de films dans sa filmographie Hosoda est déjà considéré (à juste titre) comme un réalisateur culte du cinéma d’animation.

On le connaissait pour ses univers féeriques, ses aventures enlevée et ses personnages ayant fait l’expérience de douloureuses épreuves. Dans Mirai, le prisme est un peu différent. Ici pas de monde à sauver. Mais les préoccupations d’un jeune enfant à travers les chronique de sa vie de Famille.

L’ambiance globale du film est intime et particulièrement immersive. Il nous entraîne dans un feu d’artifice magique de couleurs (les effets pastels), de mouvements (la balade à cheval puis à moto), de nuances (le nuage en forme de scorpion) à la frontière entre le rêve et la réalité.

Ce film est aussi plus introspectif car les lieux du film sont peu nombreux. Mais Hosoda met en œuvre des trésors d’ingéniosité pour nous surprendre : les allers retours dans le temps, qui permettent de rencontrer de nouveaux personnages et d’explorer différentes époques mais aussi l’architecture de la maison qui joue sur les effets et la profondeur de champ.

Je trouve aussi que Mirai, peut être plus que ces films précédents, est une synthèse de ses différents sources d’inspiration. La scène de la gare de Tokyo dans le futur est le parfait exemple. Délirante, on voit que l’équipe du film s’est laissé une totale liberté. On perçoit qu’Hosoda met pleinement à profit son expérience dans l’animé et cela confère un caractère moderne à son film. Par exemple, la scène ou il rencontre son double dans le futur m’a beaucoup fait penser à « Your name ».

On pourrait dire que Mirai est un film différent ou moins ambitieux que ses films précédents, qu’il occupe une place à part dans sa filmographie, qu’il est trop personnel. C’est vrai sur forme, mais sur le fond, je trouve qu’il témoigne d’une vrai continuité dans les thèmes qu’il aborde. Ce sont les thèmes la famille, du voyage dans le temps ou encore le dépassement de soi. On retrouve ces thèmes dans « Summer wars », « Les enfants loups », « le garçon et la bête ». Le débat est lancé mais ce n’est pas le plus important.

Pour moi, ce que je retiens de ce film, c’est sa modernité, sa manière d’aborder les relations familiales avec message positif tourné vers l’avenir. Une vision du futur résolument optimiste, sans jugement, qui met en avant le lien entre les générations. Une message fort (sur le fond) et délicat (sur la forme) sur la transmission avec de délicatesse et de sensibilité sur le rapport au temps qui passe : Mirai veut déjà se marier. Sa mère remonte le temps avec ses photos qu’elle montre à kun (sur son ordinateur pour les photos les plus récents puis sur un album pour les plus anciennes).

J’ai découvert un Hosoda plus léger, amusé et serein pour le futur, que j’admire encore plus.

Conclusion : Mirai est pour moi le meilleur film d’animation de l’année 2018. Visuellement, il m’a surpris par son univers riche et des personnages attachants. Il m’a conquis par sa capacité à capter la réalité et retranscrire les émotions de l’enfance. M. Hosoda réalise son film le plus intime, moins construit que ses films précédents mais tout aussi émouvant. Je retiens surtout un témoignage précieux sur l’apprentissage et le lien entre les générations. Jamais un film d’animation n’avait aussi bien abordé le thème de la parenté et des liens entre les générations, à travers le temps qui passe. N’attendez pas plus longtemps, foncez voir ce film !

La bande annonce :

https://japoncinema.com

https://www.youtube.com/channel/UCeLmCGO5ksnjMM5MLrhCEDw

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