Critique du film – Okko et les fantômes

« Okko et les fantômes » est un film d’animation réalisé par Kitaro Kosaka qui sortira au cinéma en France le 12 septembre 2018. C’est l’adaptation d’un livre pour enfants de l’auteure Hiroko Reijo très populaire au Japon (il s’est vendu à plus de 3 millions d’exemplaires).

L’adaptation au cinéma est produite par le studio MADHOUSE, studio fondé en 1972 par des anciens collaborateurs d’Osamu Tezuka. Il se distingue à partir des années 80 en produisant des longs métrages d’animation (Perfect blue, Summer wars) et plus récemment des séries à succès comme card captor sakura, monster, death note ou one punch man. Il est distribué en France par EUROZOOM.

En 2018, Okko et les fantômes fait partie de la sélection officielle du Festival international du film d’animation d’Annecy.

Quelques mots sur le réalisateur, Kitaro Kosaka. Il a débuté par une carrière d’animateur au sein du studio Ghibli, où il est rapidement adoubé par Hayao Miyasaki. Il a aussi participé à de nombreuses production du studio MADHOUSE tel que le magistral Monster. En 2014, il reçoit le prix du meilleur animateur aux Tokyo anime awards pour le film « le vent se lève » de Hayao Miyazaki.

L’histoire : OKKO, 12 ans, est une petite fille pleine de vie. Sa grand-mère qui tient l’auberge familiale la destine à prendre le relais. Entre l’école et son travail à l’auberge aux côtés de sa mamie, la jeune Okko apprend à grandir, aidée par d’étranges rencontres de fantômes et autres créatures mystérieuses.

« Les fantômes sont nos amis, il faut les aimer aussi »

Le film débute par une courte scène de festival traditionnel dans un village japonais ou Okko est venu assister avec ses parents. Un évènement va bouleverser le cours sa vie et précipiter son départ de sa maison.

Okko doit retourner à la campagne, dans le village de sa grand-mère. J’ai été assez déstabilisé par le début du film. Là où les films d’animation japonais commencent souvent de manière joueuse et enlevée, pour se familiariser avec les personnages, Okko et les fantômes prend un peu le contre pied avec une première scène marquante. Pour lever toute ambiguïté, Okko n’est pas un film négatif ou angoissant. Au contraire, c’est un film joyeux et positif qui fait la part belle au rire et à la fête.

D’ailleurs, on peut considérer que l’histoire ne commence réellement que lorsque Okko fait ses premiers pas dans cette nouvelle vie lorsqu’elle débute son apprentissage dans l’auberge.  Au départ maladroite, elle va tout faire pour aider sa grand mère. Elle va surtout rencontrer ceux qui vont devenir ses plus proches compagnons, les fantômes. Leurs âmes sont celles de proches des personnes qu’Okko côtoie au quotidien, mais il n’y a que elle qui peut les voir et les entendre.

La représentation du fantôme au Japon occupe une place particulière dans la culture japonaise. Ce film est une nouvelle preuve que dans la tradition japonaise, les fantômes ne sont pas de « vrais méchants ». La disparition corporelle ne signifie pas toujours la disparition spirituelle. Le surnaturel a sa place dans le monde réel. C’est une place invisible qui ne se manifeste sous la forme d’esprit. Le matériel et l’immatériel sont toujours mêlées dans la réalité.

Ainsi ceux qui ont laissé sur terre des chagrins, des colères, ou des regrets, ne peuvent pas quitter ce monde, et leurs âmes apparaît aux personnes touchées par le sort. Après son accident, Okko acquiert la capacité de voir les fantômes, de parler et encore mieux, de s’amuser avec eux.

Ce sont des compagnons hauts en couleurs, facétieux mais toujours bienveillant. Ils sont pour moi un des points forts du film car ils sont vraiment attachants. Mon préféré est Suzuki, le petit diablotin espiègle et gourmand. Comme dans de nombreux animés, chaque situation est propice au comique de situation. On rigole facilement. Pour les plus exigeants, sachez quand même que le réalisateur use beaucoup de cette forme d’humour, au risque de tomber dans l’écueil de la répétition.

A noter que ma critique du film « Okko et les fantômes » vient clore ma série d’articles sur le thème des fantômes. Si ce thème vous intéresse, vous pouvez retrouver les liens en fin d’article).

Qu’est ce que je pense de l’ambiance du film ?

En apparence, on pourrait lui reprocher sa simplicité, une histoire qui manque de relief ou la naïveté de ses personnages. Je trouve au contraire que ces caractéristiques font la force du film. En fait, il faut le considérer avant tout comme un divertissement, sans autre prétention, et l’apprécier en tant que tel. On se déconnecte alors progressivement de la réalité pour voyager au Japon par procuration.

Il présente un style finalement assez proche des dessins animés des années 80 qui, sans être parfait, avaient ce charme si particulier du divertissement enfantin. Malgré son apparente simplicité, je trouve aussi qu’il se dégage de ce film une vrai finesse, une délicatesse qui nous donne l’impression de replonger dans notre enfance.

Parlons maintenant de l’aspect visuel du film.

Il mélange plusieurs techniques (animation 2D, effets 3D…) et trouve un bon équilibre. Ce que j’ai préféré, ce sont les effets pastels (comme celui représenté sur l’affiche du film), mais qui trop peu présents à mon goût.

L’animation est donc classique mais de bonne qualité. Toutefois, je trouve qu’en 2018, elle est un peu dépassé (surtout quand on voit de quoi est capable par exemple Kyoto Animation avec des animés comme Violet Evergarden). Visuellement, la volonté du réalisateur de conserver un character design simple et enfantin (un peu aspect playmobil) ne m’a pas totalement convaincu. Au final, il faut se dire ce n’est pas très grave car l’intérêt du film est ailleurs.

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« Un séjour dans une auberge traditionnelle japonaise »

Ce qui m’a le plus intéressé, c’est de découvrir l’univers des auberges japonaise à travers un film d’animation. Certes le thème à déjà été abordé par plusieurs animés mais c’est la première fois qu’un long métrage d’animation l’aborde de manière aussi détaillée au cinéma. Bien sur, j’aurai aimé qu’il soit encore plus développé !

Au Japon, les auberges traditionnelles représentent une partie importante de la culture, avec ses codes et ses usages. Ce sont des logements extrêmement prisés, autant par les voyageurs japonais que par les touristes du monde entier. Il faut souvent réserver des mois à l’avance.

Il existe une multitude d’hébergements traditionnels pour accueillir les voyageurs. On en compte plus de 40 000 dans tout l’archipel. Ryokan et minshuku sont les deux formes les plus connues. Souvent situées à proximité de sources thermales, elles offrent l’opportunité d’effectuer une véritable coupure, de relâcher la pression, avec l’impression d’être dans un logement « hors du temps ».

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Le ryokan est la version « haut de gamme » des auberges japonaises. Il offre toutes les commodités et un certain luxe aux voyageurs. Mais rien ostentatoire (c’est un peu l’antithèse des hôtels de Vegas). En ryokan, on s’offre le prix de la tranquillité et du confort. L’ambiance est calme et raffinée. Par contre si l’excellence est au rendez-vous, les rencontres beaucoup moins. Ne vous attendez pas à boire un avec votre voisin ou à lui taper sur l’épaule pour engager la conversation. Dans le film, le ryokan est représenté par l’auberge de la très sophistiqué et capricieuse Matsuki, qui est la rivale d’Okko (La caricature est poussée au point de montrer l’influence occidentale dans l’architecture et le mobilier de certaines pièces).

L’autre forme d’auberge traditionnelle, c’est le minshuku. Un peu à la manière des chambres d’hôtes, les voyageurs sont accueillis simplement et chaleureusement. Ici l’ambiance est familiale, propice aux échanges et aux récits de voyages. Dans le film, c’est l’auberge de Mineko, qui tient cette auberge thermale dans la plus pure tradition japonaise.

Je trouve que cet univers est retranscrit avec beaucoup de fidélité. On a parfois l’impression de faire partie du personnel de l’auberge. On profite aussi des joies de la vie dans la campagne japonaise. En particulier, la scène avec les carpes au vent pour la traditionnelle fête des enfants (Kodomo no hi) est très réussie. C’est cette authenticité qui fait la force du film. Nul doute qu’il représente une parfaite introduction pour vous donner l’envie de partir au Japon avec votre famille à la découverte de la campagne japonaise.

« Un beau message d’ouverture sur les rencontres et le sens de la vie »

Une des phrases marquante est la devise de l’auberge « on ne rejette personne ». Cette phrase récurrente est le symbole de l’esprit d’ouverture que m’inspire ce film. La source de l’énergie d’Okko, c’est son désir d’oublier ses problèmes, de se faire plaisir et de tout faire pour le bien être de ses clients. C’est une des nombreuses sources du bonheur.

A l’heure de la problématique sur l’accueil des migrants en Europe et sur le déficit démographique du Japon (qui pose aussi la question du recours à l’immigration) cette question est lourde de sens.

Le film nous montre que chaque visite est l’occasion pour Okko de tisser des liens et d’enrichir ses expériences et sa personnalité. C’est aussi l’occasion de constater tous les bénéfices des notions d’accueil et de partage. La dernière rencontre sera certainement la plus problématique puisqu’elle sera confortée à un dilemme.

Même si certains personnages sont caricaturaux (la riche ingénue, la flambeuse, le mal élevé), aucun visiteur de l’auberge ne vous laissera insensible. De ce point de vue, le film gagne un peu en profondeur. Derrière chaque voyageur, se cache une histoire, un vécu, faits de réussites et d’échecs, d’espoirs et de regrets. Un message d’ouverture qui peut paraître simpliste et enfantin mais qui représente une belle leçon de vie.

Mais la succession des scènes s’avère parfois trop rapide. Ce que j’aime dans le cinéma japonais, c’est qu’il offre le temps à l’image. De ce fait, il laisse la place à la contemplation et laisse une certaine liberté d’interprétation au spectateur. Ici, j’ai eu l’impression qu’il a y trop de scènes, qu’elles s’enchaînent trop vite. Je pense notamment à la virée « shopping » à la ville, sur fond de j-pop, qui n’est pas vraiment utile et dans l’esprit du film. A vouloir investir tous les domaines (comique, drame, mode, tradition, musique…), le message devient un peu confus. A mon sens, le film aurait gagné en cohérence en présentant moins de personnages mais en misant davantage sur leurs histoires et leurs sentiments.

Ce bémol (qui rejoint celui sur la qualité de l’animation) s’explique certainement en grande partie par la volonté du réalisateur de faire un film avant tout destiné aux enfants, comme l’est l’œuvre originale. Il faut aussi relever que malgré sa solide expérience d’animateur, Kitaro Kosaka réalise seulement son premier film. Certes, Okko et les fantômes ne révolutionne pas le cinéma d’animation. Il n’atteint pas le niveau d’intensité ou de créativité des films du studio Ghibli. Mais il perpétue la tradition d’un cinéma d’animation généreux et enchanteur. Et c’est plaisant de retrouver ce type de film en 2018.

Conclusion : Okko et les fantômes est un film plein de vie et réjouissant. Un film d’animation à découvrir en famille, idéal pour prolonger un peu l’ambiance des vacances loin de chez soi. Un film qui vous fera voyager avec authenticité dans une auberge traditionnelle japonaise, ce mode de logement « hors du temps ». Et pourquoi pas vous donner l’envie de rejoindre Okko au Japon pour tenir compagnie à ces facétieux fantômes ?

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La Bande annonce :

Pour savoir si la vérité est ailleurs 😉 retrouvez mes articles sur la conception japonaise des fantômes :

https://japoncinema.com/chair-de-poule-a-lexposition-enfers-et-fantomes-dasie

https://japoncinema.com/mon-top-5-des-films-de-j-horror

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