Critique du film – Parasite

« Parasite » est un film Coréen réalisé par Joon-ho Bong. Il est sorti au cinéma en France le 5 juin 2019.

J’avais rédigé cette critique à chaud juste après avoir vu le film au cinéma, il y a quelque mois déjà en 2019. Sans surprise, j’ai adoré mais je n’avais pas eu le temps de la terminer. Aujourd’hui, plutôt que de la retravailler, j’ai décidé de vous la livrer brute, telle que j’ai ressenti le film. Je ne vous parlerai donc pas de toutes les récompenses obtenus. Je me concentre sur l’oeuvre, sur mon expérience « Parasite ». Comme lorsque j’ai écrit ces quelques lignes au milieu de la nuit noire, obscure et sombre.

L’histoire du film : La famille de Ki-taek est au chômage, et s’intéresse fortement au train de vie de la richissime famille Park. Un jour, leur fils réussit à se faire recommander pour donner des cours particuliers d’anglais chez les Park. C’est le début d’un engrenage incontrôlable, dont personne ne sortira véritablement indemne…

1) L’homme face à ses faux semblants

Critique du film - Parasite

Sans détour, le scénario est une des principales qualités du film. Une histoire fondée sur les apparences, pleine de faux semblants, où la vengeance vaincra les derniers maux.

Au début du film, on rencontre la famille Ki-taek, modeste qui vit dans un quartier populaire. Elle se compose d’une couple au chômage qui s’efforce de faire rentrer de l’argent et leurs deux enfants qui doivent ruser pour s’en sortir (même pour capter un peu de WIFI). On constate à travers eux l’absurdité d’une société ou toute une partie de la population est laissée à l’abandon. Une société où l’ascenseur social parait bloqué au sous-sol.

On découvre ensuite le quotidien de la famille Park riche, puissante. Ils vivent dans leur bulle. Le père occupé par son travail, la mère oisive à la maison et leurs deux enfants qui ne manquent de rien. On se rend compte qu’ils sont perchée au sens propre comme au sens figuré. Ils sont complètement déconnectés de la réalité. Il ne voient rien de la réalité sociale d’un pays dont ils ignorent tout et dont ils ne se méfient pas assez. Ou plutôt, ils refusent de voir, en prenant soin de se boucher le nez.

La base du film, ce sont ces deux univers que tout oppose en apparence. Sauf qu’ils vont se rapprocher lorsque les Park vont employer progressivement chaque membre de la famille Ki-taek, sans connaître le secret de leur lien familial. C’est là que le scénario devient original et passionnant. Le fils donne des cours d’anglais à la fille Park, la fille qui s’occupe du gamin capricieux, le père se mue en chauffeur dont le calme n’est qu’extérieur et la mère en parfaite maitresse de maison.

Tout au long de l’histoire, cette galerie de portraits (présenté dans les premières scènes) évolue en permanence. En tant que spectateur, on est toujours dans l’incertitude. Une satire sous tension hyper jouissive.

Au fur et à mesure, chaque personnage commence à se refléter dans l’autre, devient son parasite. Le spectateur se retrouve face à ce jeu de miroirs, aux reflets de leurs agissements et de leurs manigances. Un miroir en forme de lutte moderne des classes. Revisité et jamais vu au cinéma, qui s’anime à travers l’intelligence et la progression imprévisible du scénario.

Le vrai propos du film n’est pas de dresser les riches contre les pauvres. Il est de montrer jusqu’où l’homme est prêt à aller. Pendant tout le film, au fur et à mesure des multiples rebondissements, il redistribue les cartes de manière très subtile.

Au départ, les « parasites » sont clairement désignés. Ce ne sont pas les plus intelligents, ni ceux qui ont le plus de manières. Mais ils agissent, et font preuve malgré leur maladresse d’une véritable solidarité, d’une détermination et surtout d’un mérite qui force l’admiration. Le problème c’est que tout cela est basé sur d’énormes mensonges.

Tout le film est construit comme cela, avec des tiroirs qui s’ouvrent et se referment et un suspens de tous les instants.

Au XVIIe siècle, Hobbes dissait que « l’homme est un loup pour l’homme ». En 2020, cela n’a pas changé. Ce qui est différent, c’est que l’agneau n’est pas toujours celui que l’on pense.

2)Une mise en scène composée pour se décomposer

Critique du film - Parasite

Après avoir flirté avec les productions américaines, pour son septième film, Joon-ho Bong est de retour dans son pays, la Corée du Sud. Proche des siens, de ceux qu’il aime et cela se voit. Il s’est fait plaisir en réalisant ce film qui flirte avec l’intimité du réalisateur dans un pays dont il connait les inégalités sociales.

Ingénieuse et plein de surprises, la mise en scène se compose et se décompose, pour mieux se recomposer. Aussi précise et méticuleuse que les plans de l’architecte de la maison. A l’image de ce plan génial de l’angle de la fenêtre qui marque la démarcation entre les deux mondes dans le jardin. L’ancien propriétaire de la maison, c’est peut être le réalisateur mais aussi chaque spectateur.

Ce que j’aime aussi dans ce film,  c’est qu’il est à la fois complètement déjanté et plein de maitrise. Il met en lumière et renferme tous ce que j’aime dans le cinéma.

Dès la première scène, à travers le suberbe plan séquence qui présente la famille Ki-taek, on se croirait dans un documentaire tant l’impression d’immersion est grande. Ce thème de la précarité un peu comme dans le dernier Kore-eda, Une affaire de famille, Palme d’Or à Cannes une année auparavant (il fallait bien que je sorte quelques références au cinéma japonais 🙂

Le génie, c’est que la mise en scène nous pose aussi face à un véritable mille-feuille. Les lieux son figés mais se déforment au fur et à mesure que le destin de personnages se dessine puis se fracasse sur le mur de ses désirs. Les étages représentent autant de strates qu’il faut gravir pour être reconnu. Pour accéder à un niveau de liberté supplémentaire. Est-il seulement atteignable ?

A moins que ce ne soit le contraire. Le réalisateur nous invite à descendre d’un étage pour prendre conscience de la vraie vie, celle qui se dessine juste là, devant nous mais que l’on ne voit pas forcément. Faute de temps et d’attention.

3)Des escaliers en forme d’ascenseur social ?

Critique du film - Parasite

Je vois aussi ce film une métaphore du niveau social. On retient deux lieux marquant, qui sont les deux maisons. La prouesse du film, c’est qu’on arrive en seulement deux heures à s’approprier toutes les pièces de cette maison.,

Les escaliers sont le symbole de cette ascension sociale.

D’abord ceux situés à proximité de la maison des Ki-Taek. Cet immense escalier qui semble seul faire le lien entre le quartier pauvre et les quartiers riches.

Puis dans la maison de la famille Park, chaque étage a sa propre identité. Je les vois autant comme des refuges que comme des prisons. Tous sont liés les uns aux autres. L’escalier qui permet de rentrer dans la maison, passage obligé pour pénétrer dans ce que me fait penser à un théâtre de marionnettes où se mêlent mensonges, non dits et subterfuges. Tout cela dissimulé derrières les apparences comme le jeux de cow boys et d’indien, de gendarme et de voleurs.

A l’intérieur de la maison, l’escalier qui monte à la chambre de Yung à l’étage peut être le sommet de l’ascension sociale. Une pièce par laquelle le fils (Ki Woo) observe mal à l’aise cette réception indécente et pleine de contradictions dont les participants ignorent surement  les symboles (la mère évoque la tente de qualité et importée des États-Unis, des invités arborent un tee-shirt Che Guevara.) Presque irresponsable tant elle coupe avec la réalité extérieure, elle va déboucher sur la scène choc du film.

Enfin, l’escalier qui descend à la cave est caché, comme pour mieux effacer le passé. Une fois plongé dans cet espace secret, la tension et la détresse sont palpables. La souffrance pour la vérité aussi se dissimule aussi dans cet espace. Alors qu’à seulement quelques mètres au-dessus, la cuisine permet de jouir des plaisir de la table. N’est-ce pas l’apparence dans la maison qui cache les plus grands secrets ?

4)Un subtil mélange des genres 

Critique du film - Parasite

Parasite est une sorte de jeux de société cinématographique. Comme un rubik’s cube, il mélange énormément de registres (la satire sociale mais aussi le thriller, le huis clos le film de vengeance, le film comique par moment) avec un l’équilibre magistral.

A la fois déjanté et plein de maitrise. En fait, je crois qu’il manipule autant les personnages que nous, spectateurs. J’ai été happé, embarqué par cette intrigue qui se renouvelle sans cesse et je ne suis pas encore remis.

L’aspect « pièce de théâtre » est très présent. Plus de la moitié du film se déroule dans cette grande maison, en forme de partie du jeu du labyrinthe. Les personnages sont comme la bille qui cherche son chemin. La maison devient l’écrin ou se forge et se brise des destins. La femme de maison est licenciée.

Les touches d’humour sont habilement distillées. Le jeu des acteurs et en particulier Song Kang-ho (acteur fétiche de) y est pour beaucoup. J’aime beaucoup l’interprétation de la sœur par l’actrice

L’Aspect « Thriller » fait bien sur penser au film de Claude Chabrol « Que la bête meure ». L’aspect thriller à huis clos me rappelle beaucoup le film japonais « CREEPY » de K. Kurosawa (sorti au cinéma en 2017). Ce que je veux dire, c’est que ce film est plein de références et pourtant, il s’impose  sans conteste comme un nouveau modèle.

L’autre génie, c’est le pivotement des personnages dans chaque genre. Ils trouvent tous un équilibre dans leur déséquilibre. Comme « Shokuzai » de K. Kuruzawa,  je distingue trois parties, comme autant de catégories de personnages :

Ceux qui méprisent,

Ceux qui envient,

Et ceux qui ont tout perdu.

Ce qui est important de dire, c’est que toutes vos convictions vacillent et volent en éclats au fur et à mesure du film. Jusqu’à se recentrer à la toute fin, lors de la dernière scène. Comme pour donner enfin un sens en forme de nouvel objectif. Une scène de fin qui aurait peut-être mérité plus de mystère (Sorry, Inception m’a traumatisé 🙂

Conclusion : Parasite est tout à la fois. Unique et pluriel. Ordonné mais désaxé. Beau et dérangeant. Il est la démonstration que le cinéma n’est jamais aussi puissant que lorsqu’il prend le temps de s’intéresser aux gens, sans effets spéciaux.

Voir Parasite a été pour moi une véritable expérience, sans aucun doute la meilleure de l’année. Ce genre de film qui renforce ma passion pour le cinéma. Et quel bonheur de voir que ce genre de film existe encore en 2019.

Une expérience qui se prolonge après avoir le film. Le genre de film dont j’aime repenser plusieurs jours après, m’interroger pour l’analyser et mieux le comprendre. Un film qui va marquer l’histoire du cinéma, à l’image de cette ancienne pierre soi-disant magique qui forge en réalité la volonté. Comme le montre parfaitement la géniale affiche (ci-dessous), au bout du compte, qui sont les « parasites » ? Est-ce la partie visible, au soleil du rocher ou la partie immergé ?Posters sur le thème Parasite | Redbubble

La bande annonce :

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