Critique du film – Violet Evergarden

« Violet Evergarden : Éternité et la poupée de souvenirs automatiques » (Eien to Jidou Shuki Ningyou pour le titre original japonais) est un film d’animation réalisé par Haruka Fujita, Taichi Ishidate. Il est sorti au cinéma en France le 15 janvier 2020.

Distributeur : EUROZOOM. Le film est sorti au cinéma en séances évènements.

L’histoire : Dans un monde d’après-guerre, des jeunes femmes appelées Poupée de souvenirs automatiques aident des personnes à mettre sur papier leurs sentiments. Violet Evergarden explore les émotions issues des gens qu’elle rencontre. Mais son passé trouble la rattrape. On lui demande de se rendre dans une école de filles pour devenir la préceptrice d’Isabella York.

1) Une lettre ouverte sur les sentiments

A l’origine, Violet Evergarden est un light novel écrit par Kana Akatsuki et illustré par Akiko Takase, publié à partir de 2015 en 2 volumes. En 2018, Il a été adapté en animé de 13 épisodes diffusés sur Netflix, réalisé par Taichi Ichidate et Haruka Fujita et écrits par Reiko Yoshida (scénariste de Silent Voice). Ce film est le premier long métrage (un autre qui sera la suite de l’animé sortira en 2020 au Japon) d’une oeuvre très récente qui ne m’a pourtant jamais l’impression de bruler les étapes.

Ce film est l’adaptation d’une partie du Gaiden (histoire parallèle) sorti en livre en 2018 qui est une compilation de six petites histoires.

Point important : à mon sens, il n’est pas indispensable d’avoir vu l’animé pour voir le film, le comprendre et surtout apprécier l’expérience Violet Evergarden au cinéma.

Même si l’histoire reprend la même structure qu’un épisode de l’animé, elle est autonome. La raison est que le film élude tout flashback dans le passé de Violet, en particulier l’histoire de la guerre qui constitue le fil rouge de l’animé. En fait, voir ce film, c’est comme voir un long épisode qui développe beaucoup plus les sentiments des personnages principaux.

Le scénario délaisse donc l’action et se focalise sur la relation entre Amy Bartlett et Taylor, jeune orpheline qu’elle va recueillir et qui va devenir sa soeur adoptive. L’histoire présente les moments forts de la vie des deux jeunes filles. Malgré leur séparation, leur lien reste toujours aussi fort.

Un des point positif est que l’on rentre très rapidement dans cette histoire où s’entremêle les rencontres et les séparations. Pour moi, toute la réussite de cette histoire, c’est que dans chaque tranche de vie. Elle explore l’intimité des sentiments des deux personnages, avec beaucoup de douceur et de délicatesse.

Le film commence comme un épisode de l’animé. Violet rencontre Amy (qui  a renoncé a son identité pour devenir Isabella York). Elle l’accompagne dans sa vie de château dans le but de retranscrire ses sentiments dans une lettre qui sera adréssée à sa soeur. 

La première partie est la plus romantique, à travers la relation entre Isabella et Violet. Très vite, les deux jeunes femmes vont apprendre à se découvrir. Isabella subit un strict apprentissage et semble peu à l’aise avec les mondanités. Violet va l’aider à prendre confiance en elle et surtout à se libérer du poids de passé. 

Un des passages les plus émouvants du film est pour moi la scène où l’on découvre le passé d’Isabella dans son village. Le temps s’est arrêté lors de la séparation avec sa « soeur » de coeur.

Contrairement à l’animé, l’écriture puis l’envoi de la lettre ne marque pas la fin de l’histoire. Après avoir rempli sa mission, Violet quitte l’école et Isabella mais l’histoire continue.

La deuxième partie est plus dynamique. On fait un saut dans le temps, pour retrouver Taylor Bartlett qui a quitté son village et débarque en ville pour retrouver celui qui lui a remis la lettre (Benedict Blue). Elle va l’accompagner dans son travail et découvrir sa vocation de factrice. Avec beaucoup d’entousiame, elle souhaite rejoindre l’équipe des poupées de souvenirs automatiques.

On retrouve avec plaisir tous les membres de la CH Postal Company (Sī Eichi Yūbin-sha). Benedict Blue est certainement le plus développé. J’ai relevé un clin d’oeil vraiment sympa à l’animé est la scène avec Luculia (épisodes 1 et 6).

La dernière partie du film est plus prévisible mais remplie d’émotions. Naoko Yamada (réalisatrice de Liz et l’oiseau bleu) a participé à ce film et cela se voit clairement. Entre les lignes, on retrouve cette tendresse qui dépeint les relations humaines avec beaucoup de réalisme.

Au final, sans autre prétention que nous faire passer un bon moment (certains resteront peut être sur leur faim), l’histoire est portée par une joie simple et communicative. Pour ma part, cela me suffit et m’a fait totalement oublié le manque de relief.

2) L’animation magnifiée

Violet Evergaden est clairement une oeuvre qui m’a marqué par la qualité de son animation. Il y a un avant et un après Violet Evergarden, c’est évident. La raison, c’est cet esthétisme hyper travaillé, où le sens du détail est poussé à l’extrême, sur chaque plan. Au cinéma, on se rend encore plus compte de ce travail incroyable, les animateurs de Kyoani sont de vrais magiciens.

La encore, ce film ressemble trait pour trait à l’animation de l’animé. La différence, c’est que sur grand écran, tout est magnifié. Le soin apporté aux couleurs, les traits des personnages, le jeu des mouvements (la magnifique valse entre Violet et Isabella)..L’animation PREND VIE sous nos yeux !

La représentation des personnages est exceptionnelle. Ce que j’apprécie le plus, c’est que l’on peut lire la subtilité des émotions à travers les yeux des personnages. A travers les couleurs, toutes ses nuances sont sublimes (par exemple lorsque le regard d’Isabella s’éclaircit à la lumière de la bougie au début du film). C’est encore plus vrai pour le personnage de Violet qui est quasiment inexpressive. Ici, tout passe par le regard, et c’est magnifique !

Le bémol, c’est qu’à vouloir être trop parfait, tout devient un peu trop lisse. Les personnages sont trop clean et se ressemblent un peu tous les uns les autres. C’est le seul repproche qui peut être fait à l’animation.

Comme dans plusieurs épisodes de l’animé, le personnage de Violet reste en retrait par rapport aux deux personnages principaux. Mais on perçoit toutes sa complexité, ses failles et ses blocages. J’espère que le film vous donnera de voir ou revoir l’animé pour découvrir toute l’histoire bouleversante autour de ce personnage.

Violet montre toujours un extrême perfectionnisme dans son travail en rupture avec son incapacité pour exprimer ses sentiments. C’est au travers de chaque rencontre, et des sentiments qu’elle va poser par écrit, qu’elle va réussir à les dévoiler pour commencer à s’ouvrir et faire confiance aux autres. Un long récit apprentissage que l’on mène nous aussi, individuellement chaque jour. Dans un sens, elle me fait penser à 2B de Nier Automata ou au MAJOR Kusanagi dans Ghost in the Shell. Elles se découvrent progressivement, derrière leur rôle officiel, à travers lequel elle sont perçu de l’extérieur.

Tous les décors sont magnifiques. La ville est incroyablement riche et animée. Mais ma préférence penche pour la représentation de la nature, en particulier les plans autour du lac à la fin du film. Proche de l’aquarelle, parfois figés, ils se révèlent pourtant d’une immense profondeur, comme ancrés dans notre imaginaire. J’aime beaucoup aussi la représentation de la mer, en lien avec le ciel, avec toutes ses nuances de bleu.

Enfin, l’ambiance qui est géniale. Douce, joyeuse et bienveillante, ce film est une invitation à l’évasion. idéal pour décompresser le week end ou après un journée de dur labeur, foncez le voir au cinéma.

Les musiques elle aussi résonnent à l’unisson avec les émotions des personnages. C’est assez rare de voir au cinéma des films d’animation qui diffusent un tel raffinement, l’élégance et la puissance émotionnelle d’un concerto de musique classique et d’une oeuvre de la littérature classique (je crois d’ailleurs qu’une histoire du Gaiden s’intitule Baudelaire).

3) Une ode au bonheur 

Même s’il ne s’agit pas d’un film engagé, il délivre certains messages de manière subtile et intelligente. Dans l’animé, Violet était à la recherche du mot « Je t’aime ». Ici, c’est la recherche d’un bonheur perdu qui est le thème central.

C’est vrai, à travers les lettres que s’écrivent les soeurs. On voit bien que malgré le fait qu’elles soient courtes, elles génèrent des émotions incommensurables. Mieux que tout autres moyens de communication, elles permettent  de se livrer librement.

Le film nous adresse aussi un messages fort sur la valeur des rencontres. Comme le disait E. Baer « ma vie c’est d’abord des rencontres, des gens qui m’ont tendu la main, peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j’étais seul chez moi. Et c’est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres forgent une destinée ».

Le film (comme l’animé), s’articule autour de rencontres.

La protection d’Amy Bartlett sur cette jeune orpheline qu’elle va recueillir et qui va devenir sa soeur adoptive.

Un récit d’apprentissage, celui de Taylor qui va quitter son village, apprendre à lire, à écrire avec Benedict et Violet. A travers l’apprentissage du métier de postier, elle va même trouver sa vocation.

Enfin, la transmission, le lien social et la solidarité. Le lien entre les générations, aussi, à travers les visites de Benedict à cette vieille femme qui s’impatiente devant la construction inachevée de la tour Eiffel.

C’est ce lien entre les individus qui est central dans tous les films de Kyoani. « En disant simplement ton nom, notre lien est éternel ». Comme dans Liz et l’oiseau bleu, il n’y a pas vraiment de frontière entre amour et amitié (la relation entre Violet et Isabella) Au delà du genre, de l’origine sociale (le lien entre Isabella issu de la noblesse et Taylor qui est orpheline), c’est la volonté de partager des valeurs et surtout de vouloir construire ou reconstruire quelque chose en commun, d’aller de l’avant qui compte le plus.

Terminé la veille de l’incendie criminel qui a provoqué la destruction totale des locaux, ce film est un hommage poignant aux victimes de ce drame. A l’image de cette main levée vers le ciel, devoir de mémoire et message d’espoir.

Conclusion :

Violet Evergarden est un film d’animation d’une élégance rare. Une ode à la joie, à la jeunesse, aux femmes et aux liens entre les générations. ll m’a subjugué par la beauté de l’animation. Il m’a conquis par sa simplicité et son authenticité.

Une main tendue sur ce qui est fondamental de cultiver en 2020 :  la joie, le rire, le partage et le bonheur. Une lettre adressée à chaque spectateur dont l’encre n’est pas prête de s’effacer. Une lettre ouverte sur les sentiments que je conserve précieusement !

Terminé la veille de l’incendie criminel qui a provoqué la destruction totale des locaux, ce film est un hommage poignant aux victimes de ce drame. A l’image de cette main levée vers le ciel, devoir de mémoire et message d’espoir.

La bande annonce :

Votre avis ?

2 commentaires sur “Critique du film – Violet Evergarden”

  1. Bonjour,
    Je viens de terminer la série Violet en 13 épisodes sur Netflix et j’en ressors bouleversé !
    Découverte un peu au hasard des navigations sur les « suggestions » Netflix, j’ai été happé par l’histoire dès le début : à cause des magnifiques décors, des dialogues à mon sens très réussis dans la version française ou de l’esprit de l’animé ? En tout cas cette exposition des sentiments les plus intimes de l’humain au fil des épisodes est proprement bouleversant. Quelle délicatesse, quelle sensibilité dans leur évocation … Sans doute toute l’âme du Japon (mais je pense de l’Asie aussi en général car je suis fan aussi des séries coréennes !). Je ne connaissais que les mangas guerriers et les animés de Miyazaki …Vraiment magnifique : je plonge vers le film ! Merci Netflix.

     
    1. Merci pour votre avis sur l’anime violet Evergarden que je partage entièrement. Alors avez vous aimé le(s) film(s) ?
      Je vous recommande le film « Liz et l’oiseau bleu » et plus généralement les film d’animation de Naoko Yamada, si vous voulez prolonger ce sentiment de délicatesse empreinte de sensibilité et d’authenticité.

       

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