Lost in Translation est un film de Sofia Coppola, sorti en France le 7 janvier 2004. Critique du film Lost in translation.
« Lonely planet »
A 50 ans, Bob est un acteur sur le déclin. Il est presque devenu spectateur de sa propre carrière, qu’il s’efforce tant bien que mal d’entretenir en monnayant son image pour des campagnes publicitaires.
Sa carrière, la crise de la cinquantaine, la distance avec sa famille, sont autant de maux qui semble peser sur ses épaules. D’où un certain sentiment de lassitude, d’impuissance, perceptible dès le début du film.
Au Japon, Bob ne trouve pas l’énergie pour profiter de son voyage, qu’il vit passivement, comme une contrainte (tournage d’une publicité, participation à une émission TV), voir même comme une souffrance (insomnie, la scène burlesque du vélo élliptique). Il reste cantonné dans son hôtel et trouve refuge au 52 ième étage du park hyatt hotel de Tokyo, au New york bar, pour tenter de prendre de la hauteur et de retrouver ses repères à l’aide d’un bon whisky et de quelques cigares.
Au détour d’un regard dans l’ascenseur, il croise Charlotte dont la rencontre constitue le fil conducteur du fil.
Leur point commun, c’est cette remise en question. Charlotte est délaissée par son mari photographe qu’elle accompagne au Japon. Elle vient de terminer ses études de philosophie et traverse une période de transition entre sa vie d’étudiante et sa vie d’adulte, période de questionnements multiples. D’où un certain sentiment de solitude et d’ennui dans ce pays qu’elle ne connait pas. Contrairement à Bob, Charlotte accepte de partir à la découverte, de sortir de son hôtel pour plonger dans cette nouvelle culture si différente de la sienne.
Vous l’aurez compris dans Lost in translation, le thème central du film est la solitude, comment y remédier lorsque l’on se retrouve seul, dans un pays inconnu, sans repères. L’art de la rencontre est la clé d’un voyage réussi.
Sofia Coppola nous montre comment une simple rencontre peut bouleverser notre vie et laisser d’un séjour, aussi court soit-il, un souvenir impérissable.
Si vous avez eu la chance de voyager, je suis certain qu’au moins un rencontre vous a particulièrement marqué et qu’au-delà des différences de culture, de langage, elle fait partie de vos meilleurs souvenirs.
Espacées au début du film, les rencontres entre charlotte et Bob se multiplient par la suite, les deux personnages étant progressivement portés par une volonté de partager un maximum d’émotions ensemble. Sofia Coppola ne précipite pas ses deux tourtereaux l’un vers l’autre, elle y va progressivement, petites touches par petites touches.
« A la découverte du Japon »
Ici, le japon et plus particulièrement la ville de Tokyo n’ont pas été choisis par hasard comme terrain de jeu. Sofia Coppola s’est rendue dans la capitale à de nombreuses reprises avant le tournage et avoue sa fascination pour cette mégalopole qui malgré sa taille, possède une ambiance si singulière.
Arrivé dans la capitale Nipponne, le constat est sans appel, un dépaysement total. Dans plusieurs scènes, on voit les personnages bouche bée devant la vitre de leur taxi, happés par cette ambiance électrique d’une ville qui ne dort jamais.
En ce sens le film est vraiment fidèle à la réalité. La scène d’ouverture retranscrit à la perfection le ressenti d’une arrivée dans la capitale nipponne. La nuit et le jeu des lumières renforcent encore cette impression. Toutes les scènes où l’on suit Charlotte dans la ville sont saisissantes de réalisme. Du métro, aux salles d’arcade, du célèbre cross de Shibuya aux ruelles d’Harajuku, toute l’ambiance de Tokyo est retranscrite par ces images.
Ce sentiment est aussi perceptible lorsque Charlotte visite les temples à Tokyo et Kyoto. Car oui, le plaisir de voyager au Japon est avant tout contemplatif.
La visite du Heian-jingu à Kyoto nous plonge hors du temps. La rencontre avec la mariée en tenue traditionnelle est très poétique, sublimée par la musique du groupe français Air. Loin de l’effervescence de Tokyo, c’est l’illustration de la parfaite coexistence, voir complémentarité entre le japon moderne et le japon ancien.
« Des prises de vue et une musique au service d’une ambiance unique »
Pour ce film à faible budget (seulement 4 millions de dollars), la manière de filmer est aussi particulière pour un film américain. Les plans fixes et panoramiques, que l’on retrouve dans de nombreux films japonais sont privilégiés. Ce type de plans permet de se focaliser sur un lieu ou une personne, et ainsi laisser le spectateur s’approprier l’espace et le paysage. A titre d’illustration, la scène de la chambre avec une vue panoramique sur l’Ouest de Tokyo est tout simplement magique. On aimerait bien être à la place de Charlotte, perché tel un oiseau et passer quelques instants à admirer la vue. La musique ajoute à cette scène une connotation mélancolique.
Dans ce film, les plans sont donc toujours utilisés à bon escient pour mettre en valeur les lieux et les personnages. Un miracle car il faut savoir que le film a été tourné en seulement 40 jours dans des conditions difficiles. La faute aux autorités nippone qui avaient interdit le tournage dans plusieurs lieux, dont le métro, obligeant les équipes à filmer à la volée parfois en une seule prise.
Le park hyatt hôtel a également posé ses conditions au tournage en autorisant celui-ci uniquement de nuit, pour ne pas déranger les clients.
« for relaxing time, make it suntory time »
Il faut bien sur souligner la dimension comique du film. Oui, Lost in translation est drôle. En grande partie grâce au flegme de Bill Murray ici au sommet de son art. La scène de tournage de la publicité pour la marque de Wisky Suntory (qui existe réellement au japon et très connue pour ces boissons, thé, bières…) est le parfait exemple. Par son seul jeu d’acteur, Bill parvient à nous faire pleurer de rire pour son interprétation de Roger Moore qui ne semble pas satisfaire le réalisateur japonais.
« Une scène de fin énigmatique »
La scène de fin est certainement un des plus surprenante et des plus marquantes du film. On y voit Bob murmurer à l’oreille de Charlotte avant de l’embrasser et lui redonner le sourire.
Il faut savoir que cette scène n’était pas complètement écrite dans le scénario original et que Bill Murray l’aurait improvisé. En tout cas, le preneur de son ne l’a pas capté (volontairement ou pas) ce qui a fait l’objet de nombreux débats sur Internet. Plusieurs videos tentent même de démontrer ce que Bob a dit et de nombreux théories ont émergées.
En plus d’être inutile, je trouve que ces tentatives dénaturent l’esprit du film. Ce n’est pas un hasard si plus de 10 ans après la sortie du film Sofia Coppola et ses deux acteurs refusent toujours de la révéler. Personnellement, je pense que c’est très bien ainsi. Un des plus beaux murmure masqué du cinéma qui ajoute la touche finale, magique, au film.
La parole n’est pas forcement liée à l’émotion et cette scène laisse une place à l’imaginaire individuel. Quoi de mieux pour terminer une histoire sur l’ambiguïté des sentiments et la difficulté de compréhension et d’intégration dans un pays étranger qu’un dialogue silencieux. Cela n’a pas empêché les acteurs de vivre une expérience inoubliable, bien au contraire. Il en est de même pour l’expérience qu’offre Lost in translation au spectateur.
Après ces nombreuses louanges, quels reproches peuvent être adressés au film.
La plupart des critiques qui ont été adressées au film concerne la faiblesse, voir même l’absence de scénario ainsi que sa lenteur et donc l’ennui qui en résulte. Il est vrai que le film ne regorge pas de rebondissements ou d’effets spéciaux et que la fin peut s’avérer décevante pour certain.
Je pense, pour ma part, que c’est une qualité du film qui laisse le temps au temps, la lenteur d’approche étant un ingrédient de plus en plus rare dans le cinéma contemporain. Ce film prend aussi le risque de s’adresser directement aux spectateurs en quête d’une expérience spirituelle et s’adresse évidemment aux personnes intéressées par le Japon et plus particulièrement à mon sens à ceux qui n’ont pas encore visité ce pays.
On constate également que les clichés sur les Japonais ne manquent pas. De l’excès de politesse lors de l’arrivée de bob à l’hôtel, du réalisateur survolté de la pub suntory ou du présentateur télé excentrique… tout est tourné en dérision et quelque peu exagéré. Heureusement, les japonais ne manquent jamais d’auto-dérision ! S.Copolla prend aussi le parti d’avoir un point de vue occidental sur les japonais, sans aller véritablement à leur rencontre. Il y a peu de personnages japonais crédibles dans le film, c’est dommage.
On regrettera enfin que la campagne japonaise ne soit pas mise davantage en avant, l’environnement du film étant essentiellement urbain alors que le territoire japonais est constitué à 80 % de forêts et de montagnes.
5 bonnes raisons de voir ce film :
+ Une rencontre inattendue et émouvante
+ Des situations souvent comiques
+ Une ode au japon
+ Une immersion totale dans Tokyo
+ Bande originale sans fausses notes
Si vous désirez acheter ce film : cliquez sur le lien ou l’image
La bande annonce :
A voir aussi : Lost in translation – Les lieux de tournage :
Pour partager les endroits marquants du film, j’ai rédigé deux articles pour vous permettre de les identifier et pourquoi pas de vous y rendre lors de votre prochain voyage au Japon. A voir dans la rubrique « lieux de tournage ».
Critique du film – Lost in translation
Yes