Critique du film Avant que nous disparaissions – Kiyoshi Kurosawa (2017)

« Avant que nous disparaissions » (Sanpo suru shinryakusha) est un film réalisé par Kiyoshi Kurosawa qui sortira le 14 mars 2018 en France. C’est la première fois qu’il réalise l’adaptation d’une pièce de théâtre (jouée par la compagnie japonaise de Théâtre Ikiume entre 2005 et 2011).

J’ai vu le film en avant première la semaine dernière et j’ai beaucoup aimé. Je vous dis pourquoi dans cette critique garantie sans spoiler.

Je rédigerai une analyse plus approfondie sur les thèmes abordés, notamment en lien avec la société japonaise, après la sortie officielle du film.

De quoi parle le film ? : Alors que Narumi et son mari traversent une mauvaise passe, celui-ci disparaît soudainement et revient quelques jours plus tard, complètement transformé. Au même moment, une famille est brutalement assassinée et de curieux phénomènes se produisent en ville. Le journaliste Sakurai est chargé de mener l’enquête sur cette mystérieuse affaire.

Un scénario surprenant et original

Perfectionniste, Kurosawa travaille ses scénarios dans le moindre détail. Ce film ne déroge pas à la règle. Mais il apporte en plus un effet de surprise que j’attendais après ses derniers longs métrages.

Dès le début, on constate que le réalisateur a choisi de prendre des risques. L’illustration pourrait être cette scène d’ouverture sublime et glaçante, qui rappelle un certain Battle royale. L’originalité, c’est ce grain de folie, à la frontière de l’absurde qui plane sur tout le long métrage.

Le scénario se démarque aussi par un subtil mélange des genres. Il commence comme un thriller terrifiant. Puis, il se confond entre une histoire d’amour et une intrigue policière. L’enchevêtrement des histoires renforce la dynamique de l’intrigue. Il se termine par un feu d’artifice spectaculaire dans une ambiance post-apocalyptique.

Parfois déroutant, je vous assure que le déroulement de l’histoire ne vous laissera pas indifférent. Sur ce point, Kurosawa a réussi son pari.

Coté références, l’ambiance rappelle clairement les films de J-horror des années 90. Les ruptures brutales opérées par certaines scènes aurait pu lui faire perdre en crédibilité et tomber dans la caricature. A contraire, Kurosawa parvient à introduire une véritable identité à l’histoire et à maintenir sa dramaturgie. L’intensité est telle que l’on a l’impression d’avoir été absorbé par le film.

Enfin, il distille avec justesse quelques pointes d’humour, sans trop en faire. Certaines flirtent avec une connotation politique (comme cette affiche assez explicite « US Army go out » devant la maison au début de film). La raison est que l’intrigue de la pièce de théâtre à l’origine du film est localisé dans un quartier porche d’une base militaire américaine.

La jeune génération du cinéma japonais sur le devant de la scène

K. Kurosawa sait dénicher de nouveaux talents. Il l’a prouvé notamment avec Tokyo sonata ou Shokuzai. Comme un bon coach d’équipe, il arrive toujours à trouver le juste équilibre entre les jeunes acteurs et des valeurs confirmées du cinéma japonais.

Dans ce film, on constate que la quasi totalité du casting est jeune. A priori anecdotique, ce choix s’avère vraiment judicieux.

En effet, le rythme et les dialogues collent parfaitement à cette génération, à son insouciance et sa détermination pour faire face aux évènements. A cette forme d’inconscience aussi, dans certaines situations.

Cette jeune génération du cinéma japonais alterne joutes verbales et scènes d’actions avec beaucoup de justesse dans l’interprétation. On remarque l’influence du théâtre avec parfois un côté sur-joué des dialogues et des mouvements.

Mention spéciale pour Hiroki Hasegawa et ses lunettes de soleil qui joue l’autodérision à merveille. Progressivement investit par sa mission décisive, il excelle à la fois en tant que guide des envahisseurs et en tant que témoin/prophète impuissant de la disparition prochaine de l’humanité. Avec ce rôle, cet acteur révélé par Godzilla Resurgence en 2016 s’affirme clairement comme un de mes acteurs japonais préféré.

Mahiro Takasugi et Yuri Tsunematsu incarnent avec brio leur rôle de jeune envahisseur au comportement déviant. Au centre de l’action, ils contribuent au dynamisme du film. Victime de ma névrose d’adulescent, je n’ai pu m’empêcher de penser aux cyborgs C17 et C18 lorsque les envahisseurs arpentent les routes japonaises dans leur camionnette grise.

Masami Nagasawa excelle aussi dans son rôle de femme impuissante face au comportement étrange de son mari. Un jeu subtil centrée sur les sentiments dont la derrière scène du film est particulièrement émouvante.

Enfin, vous verrez une courte apparition d’Haruka Ayase, assez sympa, avec un joli clin d’œil pour le film « notre petite sœur » de Kore-eda.

A contrario, les personnages plus âgés n’occupent pas les beaux rôles. Le patron vicieux, le représentant du ministère de la santé et sa stratégie de gouverner par la peur. Sur ce choix, il ne faut pas accuser Kurosawa de « jeunisme ». Il utilise simplement ces « caricatures » pour passer quelques messages notamment sur une population japonaise vieillissante et questionne le spectateur sur le sens à donner aux valeurs traditionnelles et protectionnistes.

Une réalisation toujours au sommet

La mise en scène, c’est ce que je préfère chez K. Kurosawa. Sans artifices, il parvient par de simples plans à nous captiver, capturer notre attention par l’image à la limite de l’hypnose (thème cher au réalisateur et aborder dans son Cure). A tel point que dans certaines scènes, les dialogues et la musiques deviennent presque inutiles. La caméra règne en maitre sur l’écran ou seul le plan révèle la vérité.

Les mouvements de foules sont particulièrement bien représentées par le réalisateur. Tel un ballet, elle est emportée par un mouvement sans forme et sans personnalité. Sa manière de la filmer donne une tonalité presque irréelle à certaines scènes.

On doit aussi féliciter le travail fantastique sur la photographie de Akiko Ashizawa qui sublime l’image comme personne. Si vous ne la connaissez pas encore, je vous invite vivement à découvrir son travail.

L’autre point fort de la réalisation de ce film, c’est son équilibre. Je m’explique.

Dans ses derniers longs métrages, je trouve que Kurosawa perdait progressivement en cohérence au fur et à mesure du déroulement de l’intrigue. La dernière partie me laissait une impression de brouillon. Mais ici, ce n’est pas du tout le cas. L’intrigue monte progressivement en intensité sans jamais perdre sa cohérence. La fin est spectaculaire mais reste très maitrisée.

Certes, on se rend vite compte que ce film n’a pas bénéficié d’un gros budget, mais je trouve qu’il n’en avait pas besoin. La simplicité des effets spéciaux est en fait une qualité. On n’a pas cette sensation d’indigestion d’effets spéciaux que laisse certains blockbusters américains.

Le défi qui était de transposer au cinéma une pièce de théâtre est aussi parfaitement relevé. L’alternance entre les scènes en intérieur et celles tournées en extérieur est parfaite. A tel point qu’on se dit que cette pièce était faite pour une adaptation au cinéma.

Enfin, quelques mots sur la musique de Yusuke Hayashi. Elle est peu présente mais globalement réussie. L’idée d’introduire des thèmes instrumentaux récurrents à certains moments clés du film est judicieuse. Cette manière de procéder fait penser aux musiques d’Ennio Morricone ou à certains films de Q. Tarantino, sans atteindre leur niveau de génie.

Un film empreint d’une philosophie de vie universelle

C’est l’aspect du film qui m’a le plus intéressé. Cette partie fera l’objet d’une analyse plus détaillée dans mon prochain article.

En tant que passionné par le Japon, j’apprécie particulièrement quand un film aborde des thèmes en lien avec la culture et les valeurs de ce pays. Dans celui-ci, vous verrez que de nombreux thèmes sont abordés tel que la famille, le travail, la propriété, la liberté et l’amour, en lien avec les hommes et les femmes japonaises. En prenant possession des corps au hasard, les aliens vont observer les tourments de l’humanité.

Au-delà de l’aspect science-fiction, ce film est porteur de nombreux enseignements sur la société japonaise. Le but étant d’en faire un vecteur de valeurs positives et humanistes avec un message de paix universelle.

Kurosawa retrouve ici ses thèmes de prédilections mais apporte une nouvelle dynamique, avec beaucoup plus d’introspection. A tel point que je me suis demandé si le personnage de Sakurai n’était pas inspiré par K. Kurosawa lui-même. Le journaliste est un guide pour les extraterrestres dans le film, le réalisateur serait alors celui de son public dans la réalité.

Conclusion :  « Avant que nous disparaissions » est une réussite. Avec un scénario étonnant, il mélange les genres et représente un excellent divertissement. Avec une mise en scène au sommet, il m’a captivé. C’est aussi une œuvre qui vous fera réfléchir sur les valeurs de nos sociétés, un vecteur de pensée positive et universelle. En 2018, K. Kurasawa apporte enfin une nouvelle dynamique à son œuvre. Un film à voir de toute urgence, avant que les envahisseurs débarquent !

 

Critique du film – Avant que nous disparaissions

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