Critique du film d'animation Totto-chan la petite fille à la fenêtre

Critique du film d’animation TOTTO-CHAN la petite fille à la fenêtre

Totto-chan, la petite fille à la fenêtre est un film d’animation réalisé par Shinnosuke Yakuwa. Il sort au cinéma le 1er janvier 2025. Il est distribué en France par Eurozoom. Voici ma critique du film d’animation TOTTO CHAN la petite fille à la fenêtre.

L’histoire : Tokyo, début des années 1940. Tetsuko, que tout le monde appelle Totto-Chan, est une petite fille pleine de vie qui mène la vie dure à son institutrice, qui finit par la renvoyer. Ses parents décident de l’inscrire à Tomoe, une école pas comme les autres où de vieux wagons font office de salles de classe. Son directeur y met l’accent sur l’indépendance et la créativité des enfants. Tandis que la Japon s’enfonce dans la guerre, Totto-Chan va découvrir que les petites expériences de la vie sont plus importantes que les leçons.

« Un récit émouvant, l’adaptation d’une autobiographie »

Ce film d’animation est l’adaptation d’un ouvrage de littérature japonaise écrit par Tetsuko Kuroyanagi, publié en 1981. En préambule, il est important que je précise que ce récit est autobiographique car cela donne un éclairage supplémentaire. Il évoque l’époque turbulente de l’enfance de l’auteure, peu avant la fin de la Seconde Guerre mondiale, en forme de témoignage. Aujourd’hui, il faut dire que cet ouvrage a traversé les frontières, il est traduit dans le monde entier (en français par Olivier Magnani et édité aux Presses de la Renaissance) et il s’est vendu à plus de 25 millions d’exemplaires. Aujourd’hui, actrice, présentatrice, essayiste, ambassadrice de l’UNICEF, Tetsuko Kuroyanagi est active dans de nombreux domaines et très populaire auprès de plusieurs générations au Japon.

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San détour, je pense que cette adaptation en film d’animation est une réussite, en forme d’évidence pour un récit si authentique et intime. Petit clin d’oeil, Tetsuko Kuroyanagi (l’auteure du livre) a prêté sa voix au début et à la fin du film.

Un des premiers mots qui me vient à l’esprit pour qualifier l’histoire de Tetsuko dont le surnom est Totto-chan est « bouleversante ». D’abord car elle s’inscrit dans un contexte historique dramatique, celui de la seconde guerre mondiale. Le conflit et ses conséquences sont dévoilées en pointillés de manière très subtile tout au long du récit. On va découvrir par exemple par quoi sont remplacés les points météo de Totto-Chan lorsqu’elle écoute la radio et que son père lui demande quel temps il va faire aujourd’hui. Autre exemple, lorsque la nourriture vient à manquer, la boîte à bentô remise le matin par la maman de Totto-Chan à l’école devient de plus en plus légère, jusqu’à se réduire à des graines de soja, dont elle ne fait qu’une seule bouchée.

Mais la guerre n’est pas le sujet principal du film. L’histoire est avant tout celle de Totto-chan pleine d’énergie et de sa vie quotidienne. Renvoyée de son école à cause de sa personnalité, elle va intégrer une nouvelle école « Tomoe ». Et nous avec elle, tant l’impression d’immersion est totale. Ce nouvel environnement, on le découvre et on l’aime en même temps qu’elle. C’est un école où elle peut enfin s’exprimer librement, s’épanouir entourée de ses amis et de sa famille. L’histoire se recentre lorsque Totto-Chan rencontre Yasuaki-chan qui a une grave maladie la polio, sa jambe et son bras ne fonctionnent plus. Totto-Chan l’encourage à faire des choses, pour progressivement gommer sa différence et se dépasser. C’est cette forme d’égalité que prône ce récit et je trouve ce message très beau et pur. Personne ne sauve personne, le film ne montre pas les combats pendant la guerre mais célèbre la vie et l’énergie des personnages pour s’aider mutuellement au quotidien, se donner du courage. Une joie de vivre simple et authentique qui fait du bien.

Un mot sur un autre personnage central, le directeur de l’école, M. Kobayashi. Empreint d’une immense générosité pour donner confiance à Totto-Chan dès qu’elle arrive dans sa nouvelle école (avec l’empreinte vocale de Koji Yakusho) dans cette très belle scène. Elle qui passait pour insupportable car trop active est libérée. A son tour de donner confiance aux autres, d’aider au quotidien, de partager et  mettre son énergie au service de celles et ceux qu’elle aime.

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On sent l’intention particulière de l’équipe du film de s’adresser aux enfants mais tout en fournissant un message en sous texte pour le public adulte. Je vois notamment une critique subtile du système scolaire japonais fondé sur des règles à respecter strictement. Par exemple, il peut être désolant de voir des enfants habillés dès l’école primaire comme des adultes avec des uniformes scolaires, ou de voir des enfants qui sortent du cadre scolaire parce qu’ils sont différents. Sans nous imposer un point de vue, ce film nous invite à nous poser des questions, surtout à prendre conscience que la curiosité et l’esprit créatif des enfants sont plus important que tout. Comme Totto-chan, je suis reconnaissant envers le directeur Kobayashi d’avoir transmis ce sentiment de liberté, de chaleur et surtout d’avoir confiance en soi. Ce message est fort pour mettre fin aux adultes qui dénigrent les enfants et profite de leur position pour les maltraiter.

Le réalisateur du film a déclaré en interview : « l’école Tomoe, pour les enfants qui l’ont fréquentée, a joué le rôle d’un sanctuaire par rapport à l’époque. N’étant pas une école d’État mais une école privée, elle a pu mettre en place une pédagogie basée sur la vision de son directeur, M. Kobayashi. Dans les écoles publiques, l’administration dictait le cadre et le contenu de l’enseignement les enfants devaient par exemple chanter des hymnes militaires. À Tomoe, rien de tout cela, les enfants eux-mêmes ne jouaient pas à la guerre comme cela arrive souvent dans les cours de récré. M. Kobayashi préservait ses élèves de tout ce qui faisait le quotidien des enfants japonais pendant cette période.

« Une main tendue vers autrui »

Critique du film d'animation Totto-chan la petite fille à la fenêtre

Malgré ce contexte historique, Totto-Chan est un film positif qui fait du bien. Un élan de vitalité et de générosité pour croire en soi et aller vers l’autre.

La beauté du film est de découvrir comment chaque personnage va et doit réagir. Quand la nourriture vient à manquer, quand la beauté éphémère du quotidien et du temps qu’il va faire aujourd’hui laisse place à l’incertitude du lendemain. Forcément, un film construit sur ces thèmes nous touchent en plein coeur. La guerre qui touche les innocents, le patriotisme exacerbés sans but qui conduit à des discrimination (pour de simples vêtements), les inégalités et l’injustice qui s’accentuent et révèlent notre impuissance (la fuite est malheureusement la meilleure solution). Tous ces thèmes sont encore d’actualité et nous invitent à nous poser les bonnes questions pour éviter de reproduire les erreurs du passé. Cette main tendue vers autrui, elle permet de d’aider mais aussi de danser, de porter, de donner, de relever, elle est une marque d’affection autant que les mots. Derrière les images, un discours profondément humain, un élan de générosité pour ne jamais abandonner. Et toujours transmettre et reconstruire (les dernières scènes sont magnifiques).

Grace à la liberté créative qu’offre l’animation, le film ouvre des portes sur l’imaginaire à travers plusieurs scènes « imagées ». Pour être précis, Il y a dans le film quatre ruptures graphiques toutes très surprenantes agréables par leur proposition artistique : le voyage en train, la séquence de la piscine, la comédie musicale et le cauchemar de Totto-Chan. La dernière est révélatrice d’une séparation, à travers les images du livre que nous connaissons tous (dont je ne vous spoile par le titre) et qui se transpose dans le monde entier, au delà des frontières, que chacun peut appréhender à sa manière pour apprendre à se libérer de ses chaînes visibles ou invisibles.

Une autre qualité de ce film est la musique très présente. D’abord car le père de Tetsuko est violoniste (le même premier de violon de l’orchestre de la NHK dirigé par Joseph Rosenstock que l’on voit dans le film et qui a vraiment existé, je vous invite à consulter son histoire et écouter son oeuvre sur internet). Ensuite car le principal de son école n’hésite pas à jouer du piano pour faire de l’animation. La musique est le symbole de la joie, du partage, de la solidarité mais aussi de l’apprentissage. A l’image de cette mélodie que vous connaissez surement « Row, Row, Row, Your Boat » et qui dans le film est adapté et chanté en coeur pour tout l’école  » machez bien, machez bien et terminez votre repas.

Tout au long du film, la musique est un fil rouge qui lie les élèves, relie la famille (le papa de Totto-chan va avoir un choix difficile à faire) pour dépasser leur différences et surtout surmonter la gravité des événements d’une situation qui s’aggrave progressivement. La musique permet aux enfants de célébrer les choses les plus simples du quotidien (comme le partage d’un repas entre terre et mer en chanson), les jeux qui sont organisés dans l’écoles comme un moment de fêtes, mais aussi cette scène ou nous assistons aux répétitions du père de Tetsuko dont le professeur est Allemand (mais se revendique avant tout comme musicien). A l’image de ces musiciens ambulants que l’on voit au début du film et que Totto retrouve à la fin, la musique est le symbole de la joie mais aussi du mouvement, d’une douceur et d’une force qui nous pousse à avancer.

Voici l’artiste qui interprète l’envoutant ending : « Anone »interprété par Aimyon » (le titre de l’album est « Jealous of Cats »)

« Une réalisation pleine de délicatesse »

Ce film est la preuve que l’animation, le cinéma et la littérature sont intimement liées. Chacun est une fenêtre ouverte vers l’imaginaire, un monde qui s’ouvre et qui fait naître des émotions, une leçon de vie, une prise de conscience intime et nécessaire pour être fier de qui nous sommes et peut être essayer par nos différence, de s’unir pour rendre la société meilleure.

Au début du film, j’étais étonné par le style artistique, un peu réservé je dois dire par les traits des visages, mais l’animation m’a rapidement bluffé, en réalité le voyage imaginaire de Totto-chan dans les vieux wagons qui servaient de salle de classe à son école, à ce moment j’ai été emporté. Comme autre illustration, je vous invite à bien vous concentrer pendant cette scène magnifique où Totto-chan aide son ami malade Yasuaki-chan à nager dans la piscine de l’école. Une expérience libératrice qui prouve que l’animation transcende le mouvement, la valeurs et les émotions. On peut faire le même constant avec la magnifique scène ou Totto-chan aide son ami à montrer en haut de l’arbre.

Les décors sont incroyables. J’ai adoré en particulier la représentation de ce train école dans lequel Tetsuko s’envole à travers les images de son imaginaire. Un wagon dans lequel chaque élève a passé des moments qui resteront gravés dans leur mémoire.

Un mot sur le doublage que j’ai trouvé parfait pour chaque personnage. On ne salue pas assez ce rôle qui est au moins aussi important que la musique dans un film d’animation. Ecoutez bien la voix du directeur, vous reconnaitrez la légende du cinéma Kōji Yakusho dans le rôle de Sôsaku Kobayashi, le principal de l’école Tomoe Gakuen. Shun Oguri dans le rôle de Moritsuna Kuroyanagi, le père de Totto-chan, Anne Watanabe dans le rôle de Cho Kuroyanagi, la mère de Totto-chan. Karen Takizawa dans le rôle de Miss Oishi, l’institutrice.  Et la jeune Liliana Ohno (sept ans) qui donne vie à Totto-chan tout au long du récit.

Conclusion : Totto-chan, la petite fille à la fenêtre est une adaptation réussie. Un film d’animation magnifique et émouvant, plein de valeur positive, malgré la gravité des évènements. Cette histoire, c’est la sincérité de l’enfance, la liberté de pensée et le pouvoir des joies simples, même dans les moments les plus difficiles pour montrer l’absurdité de la guerre et le caractère précieux de la paix.

A la fin du film, lorsque la lumière se rallume, j’ai eu l’impression d’avoir fait le plein d’émotion et d’énergie. On sort du cinéma conscient que la grande histoire nous dépasse, mais que l’on peut agir autour de soi pour faire le bien et espérer changer le monde.

Video musical de Totto-chan: The Little Girl at the Window - Crunchyroll Noticias

https://fr.wikipedia.org/wiki/Tetsuko_Kuroyanagi

https://japoncinema.com/les-films-danimation-japonais-a-voir-au-cinema-en-2025/

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