La Condition de l'homme - Trilogie Masaki Kobayashi (1959-1961)

La Condition de l’homme – Trilogie Masaki Kobayashi (1959-1961)

La Condition de l’homme (人間の條件, Ningen no jōken) est une trilogie de films réalisés par Masaki Kobayashi, sortis entre 1959 et 1961. Ces 3 films (de 3 heures chacun) sont l’adaptation du roman autobiographique de Junpei Gomikawa publié en 1958. Kobayashi est un artiste peu connu en Occident. Il est reconnu aujourd’hui pour ces chefs-d’œuvre  Harakiri (1964), Kwaidan (1965) et Rebellion (1967).

Synopsis : La trilogie suit la vie de Kaji, jeune intellectuel pacifiste japonais, interprété par Tatsuya Nakadai, tentant de survivre à l’époque du Japon impérialiste de la Seconde Guerre mondiale. 

*Précision historique : Située au nord-est de la Chine, la Mandchourie fut colonisée en 1931 par le Japon qui souhaitait mettre la main sur ses richesses en fer et en charbon. En 1940, quatre millions de colons japonais s’y étaient installés. La Mandchourie fut envahie par les russes en 1945 et fut intégrée à la Chine en 1949.

 
Titre original人間の條件
Ningen no jōken
RéalisationMasaki Kobayashi
ScénarioMasaki Kobayashi (I-III)
Zenzō Matsuyama (I-III)
Koichi Inagaki (III)
Junpei Gomikawa (roman)
MusiqueChūji Kinoshita
Acteurs principaux
Sociétés de productionNinjin Club
Pays de productionDrapeau du Japon Japon
GenreDrame
Guerre
Durée579 minutes (total des 3 films)
208 minutes (I)
181 minutes (II)
190 minutes (III)

Premier film : Il n'y a pas de plus grand amour (1959)

L’histoire : Elle s’ouvre en 1943 par le mariage de Kaji avec Michiko, en dépit de leur futur incertain. Kaji est chargé de superviser des ouvriers chinois dans une mine de la Chine colonisée. Le film retrace ses efforts pour concilier ses idéaux humanistes avec la réalité qu’il vit en cette époque impérialiste. Alors qu’il s’oppose à l’exécution d’un prisonnier, il est arrêté par la police, séparé de sa femme Michiko, torturé et mobilisé dans l’armée japonaise.

Deuxième film: Le Chemin de l'éternité (1959)

L’histoire : Dans le nord de la Mandchourie, Kaji est incorporé dans l’armée du Guandong. Son idéal pacifiste ne l’empêche pas d’exceller dans l’entraînement tout en se battant à nouveau pour un meilleur traitement des nouvelles recrues. Devenu gênant, il est envoyé sur le front où les défaites s’accumulent.

Troisième film : La Prière du soldat (1961)

L’histoire : Dans la déroute de la guerre qui les oppose à l’Union soviétique, les forces japonaises se disloquent. Kaji tente alors de rejoindre Michiko. Mais il est fait prisonnier par l’Armée rouge. Les brimades continuent.

LA BANDE ANNONCE

ENTRETIEN AVEC LE REALISATEUR

– « La Condition de l’homme » fait partie des incontournables du cinéma japonais. En forme de fresque historique, Masaki Kobayashi dévoile un témoignage anti-guerre saisissant de réalisme sur une partie de l’histoire du Japon qu’il dénonce. Il fait aussi appel à son expérience personnelle de la guerre (sur les six années où il fut sous les drapeaux, il en passa deux sur en Mandchourie et une dans un camp de prisonnier). Comme le révèle Claire-Akiko BrissetKobayashi est « le seul des quatre grands humanistes de l’après-guerre à avoir été envoyé au front », ce qui confirme l’emprise du cinéaste sur son sujet (ces humanistes étant Kurosawa, Ichikawa et Kinoshita)Son œuvre est donc teintée de ses cicatrices. 

– Bien que le roman original en six volumes de Jumpei Gomikawa ait été un best-seller au Japon, aucun studio de cinéma ne voulait avoir quoi que ce soit à voir avec une adaptation. Les raisons étaient en partie compréhensibles : l’extrême longueur du roman, difficile à adapter, son sujet sombre pour l’histoire du japon, très délicat à aborder, les crimes commis par l’armée japonaise pendant la Seconde Guerre mondiale. Cependant, Masaki Kobayashi était tellement convaincu de faire ce film qu’il a menacé de quitter son studio de cinéma, Shochiku, s’ils refusaient de financer le projet. Et ils ont cédé. La trilogie est devenue un succès critique et commercial majeur au Japon.

-Toutes les scènes se déroulant en Mandchourie ont été tournées dans la province natale du réalisateur Masaki Kobayashi, Hokkaido, dans l’extrême nord du Japon. Aucune tentative n’a jamais été faite pour filmer dans les lieux réels, car les cinéastes ont compris que, pour des raisons politiques, cela serait impossible. Mais le ciel à Hokkaido était souvent différent du ciel en Mandchourie que le réalisateur a connu en tant que soldat. Donc il arrêtait de filmer pendant de longues périodes jusqu’à ce que les formations nuageuses ressemblent le plus, dans son esprit, à un ciel de Mandchourie.

-Tous les interprètes du film qui incarnent des personnages chinois sont en fait des acteurs japonais, parlant phonétiquement leur dialogue chinois. Cette décision a été prise par nécessité, en anticipant qu’aucun acteur d’origine chinoise n’aurait accepté d’apparaître dans un film de guerre qui parle de l’impérialisme japonais.

-Dans son livre en 1982, « The story of cinema », qui est, une étude critique du cinéma international, le scénariste britannique David Shipman a déclaré que la trilogie « The Human Condition » était « incontestablement le plus grand film jamais réalisé ».

-Un thème important de la trilogie « la condition de l’homme » est l’amour obsessionnel de Kaji, pour sa femme, Michiko, joué dans les trois parties par Michiyo Aratama. Le réalisateur Masahiro Shinoda attribue l’importance de ce thème à l’impact sur la génération des cinéastes japonais, dont fait partie Kobayashi, des cinéastes français des années 1930, et le thème de l’amour romantique dans le cinéma français.

-Il est intéressant de comparer le second film de La Condition de l’Homme avec le film « Full Metal Jacket » de Stanley Kubrick. Les deux films ont plusieurs points communs (la critique de l’armée, les camps, qui poussent jusqu’au suicide) mais il y a aussi une différence. Kubrick pointe du doigt l’enseignement militaire, Kobayashi s’en prend plus largement aux problèmes de la société, de ses codes qui ont engendrées les dérives de l’armée. L’armée est un révélateur qui amplifie ces problèmes.

Une fresque grandiose et bouleversante à voir absolument ! Sans doute une des trilogie des films les plus méconnus et les plus sublimes de l’histoire du cinéma.
Des films certes en noir et blanc, certes de plus de 9 h, mais d’une modernité incroyable et certaines scènes et un message inoubliables. Il se murmure que Stanley Kubrick s’en est inspiré pour « Full metal jacket » en particulier des scènes d’humiliations militaires et le message sur l’absurdité de la guerre.

Une des principales qualité de ce film est qu’il n’est pas aveuglé par le patriotisme pour son pays et voit les crimes que son peuple a commis sous un jour objectif. Il ne déforme pas la réalité mais vise à modifier l’avenir de l’homme. Il pense en termes universels et rejette l’idée de prendre parti. Après tout, l’humanisme ne concerne pas deux camps opposés mais un collectif. Dans un monde animé par la soif d’argent et d’autorité, Kaji se tient du côté des perdants avec son espoir éternel, seul, mais la tête haute.

Kaji refuse l’utilisation de toute forme de force physique et tente plutôt de gagner la confiance des travailleurs en leur montrant que le fait qu’il soit japonais n’a aucune importance, car ce qui importe avant tout, c’est d’être humain.

En réalité, Kaji devient complice du traitement inhumain des fonctionnaires japonais envers les ouvriers et n’a aucun pouvoir réel pour arrêter les brutalités. L’une des scènes les plus déchirantes du film est l’exécution de plusieurs ouvriers accusés de tentative d’évasion.

Kaji est déchiré, désespéré, il a un choix : il peut rester un être humain et libérer les condamnés de la prison en secret (et risquer d’être exécuté par ses propres employeurs). Ou il peut les voir tous décapités avec l’épée de samouraï ironiquement emblématique, et vivre avec une conscience déformée pour toujours. Les idéaux contre la réalité s’affrontent et faire des choix est la plus grande épreuve de la condition humaine.

La scène d’exécution elle-même est un chef-d’œuvre technique. La composition de la prise de vue est superbe : la caméra montre tous les participants de la condition humaine dans un même cadre – promoteur, opposant et victime – puis passe soudainement à un gros plan extrême du visage de Kaji et révèle l’extrême douleur sous laquelle il est enseveli.

Il y a une certaine humilité dans la représentation de Kaji par Tatsuya Nakadai. Il parvient à capter toute la torture intérieure du personnage alors qu’on regarde dans le puits de ses yeux expressifs qui se noient dans la noirceur de la scène qui se déroule devant eux.

Honnêtement, la performance de Tatsuya Nakadai est tout simplement incroyable, unique, hypnotique et bouleversante.

La Condition de l’homme, c’est une histoire d’échec. La lutte infructueuse d’un homme contre la politique de son pays. C’est l’histoire de la capacité d’endurance de l’esprit humain et d’un espoir toujours présent pour un avenir changeant. Une fois que vous avez pris le train de l’humanisme, vous pouvez soit atteindre votre destination, soit transformer votre propre cœur en iceberg et vous écraser contre le mur gelé, du mauvais côté de de la condition humaine.

9/10

NOTE 9/10

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