« Les enfants du temps » est un film d’animation réalisé par Makoto Shinkai. Il sort le 8 janvier au cinéma en France. Le titre japonais est « Tenki no ko » (天気の子).
L’histoire : Jeune lycéen, Hodaka fuit son île pour rejoindre Tokyo. Il tente de survivre dans la jungle urbaine et trouve un poste dans une revue dédiée au paranormal. Un phénomène météorologique extrême touche alors le Japon, exposé à de constantes pluies. Hodaka est dépêché pour enquêter sur l’existence de prêtresses du temps. Peu convaincu par cette légende, il change soudainement d’avis lorsqu’il rencontre Hina.
Attention : Spoilers dans la PARTIE I de la critique.
I- Un scénario plein de promesses :
L’histoire principale est celle de deux adolescents Hodaka et Hina. Un scénario assez simple, avec une grande fluidité visuelle et narrative qui réserve quelques surprises.
Comme cette scène, dès le début du film où Hodaka sur le bateau est sur le point d’être emporté par-dessus bord. C’est l’intervention de Suga (rédacteur en chef d’un magazine d’histoires paranormales) qui va le sauver du danger et lui permettre d’arriver à Tokyo.
1) L’histoire reprend les éléments qui ont fait le succès des précédents films de M. Shinkai :
D’abord, en introduisant dans l’histoire des éléments fantastiques. Hina, est capable par ses prières d’arrêter la pluie et de faire apparaître provisoirement le soleil. Je trouve que c’est cette dimension fantastique qui donne du relief à la narration.
Le film connecte aussi entre le réel (l’univers urbain de Tokyo) à des éléments naturels. Ici c’est le temps et la pluie qui joue un rôle central. Je trouve ce choix super intéressant car qui de mieux que le temps imprègne notre quotidien, influence nos humeurs et nos comportements.
Shinkai l’utilise parfaitement comme un reflet des sentiments des personnages (il l’avait déjà fait dans the « garden of words »). Ses différentes nuances nous montrent ce que ces personnages ressentent. Lors des prières de Hina, les nuages se dissipent, le soleil revient, les personnages s’ouvrent l’un à l’autre. Les adolescents se lance dans un business lucratif (à partir d’un site internet) qui vend les pouvoirs de Hina à des personnes qui souhaitent voir apparaitre le soleil, pour des mariages, des pique-niques en famille. Hina est aussi capable de générer le tonnerre pour manifester sa colère.
Les Enfants du temps parle aussi de l’adolescence, un thème central dans tous ses films. Comment le hasard d’une rencontre va bouleverser l’existence des deux adolescents. Puis comment, ils vont s’entraident, se lier, persévérer ensemble face aux difficultés dans le prémices d’une histoire d’amour impossible. Cette impression toute-puissance des pouvoirs de Hina est contrebalancée par un avertissement: Hodaka apprend que les pouvoirs de Hina sont ceux des « prêtresses du temps », qui oeuvraient dans les temps anciens à des fins similaires mais qui était des victimes sacrificielles. En réalité, une partie de la force vitale de Hina s’épuise chaque fois qu’elle fait apparaître le soleil.
Hodaka va avoir le choix entre deux options : la météo ou la fille qu’il aime. Il va faire celui du courage.
Enfin, j’ai apprécié les personnages secondaires que je trouve plus développé et plus émouvant que dans Your Name. En particulier le personnage de Keisuke Suga, touchant dans la relation avec sa fille dont il a perdu la garde.
2) Une dimension écologique et sociale :
Il possède une véritable dimension écologique, en portant un message fort sur le dérèglement climatique. C’est surtout de son aggravation qui apparait inéluctable et qui est clairement montré dans le film. Lanceur d’alerte, ferveur défenseur de l’environnement ou climato-septique ? On peut se poser la question de l’opinion de Makoto Shinkai sur ce thème.
Je pense que le réalisateur fait un constat lucide, réaliste et qu’il en en profite en glisser une petite aux politiques. Il met d’abord en perspective le début du dérèglement climatique. Il nous rappelle qu’il n’est pas nouveau. Dans le film, il existe au début pendant et continue à la fin du film. Il doute aussi de la capacité de l’homme pour protéger son environnement. Il met en avant les jeunes générations qui le rôle majeur qu’elles doivent jouer dans ce défi. Mais surtout, Shinkai nous invite à nous adapter à cette situation qui n’est pas nouvelle et à en limiter autant que possible (au niveau individuel) les effets dévastateurs.
Ce film livre aussi un constat pertinent sur la société japonaise.
Sur le monde du travail à travers les difficultés et l’extrême précarité que rencontre les jeunes qui doivent cumuler plusieurs job (Les BAITO japonais qui veut dire petits travail, mal rémunéré). Il dénonce la passivité des adultes qui ne cherchent même plus à comprendre.
Sur les difficultés sociales et le manque d’accompagnement des enfants qui se retrouvent sans parents. Poursuivis par la police et les services sociaux, Hodaka et Hina sont contraints de fuir sans cesse (comme la pluie qui ne cesse de tomber). Sur ce thème, on peut faire le rapprochement avec le film « Une affaire de famille » de Kore Eda (palme d’or au festival de Cannes en 2018) qui aborde aussi ce thème de la précarité au Japon.
3) Des questions qui restent en suspens :
L’histoire pose beaucoup de questions, ouvre énormément de pistes mais n’apporte pas toutes les réponses que j’espérais.
D’abord l’histoire de chacun des deux personnages principaux. Si la relation entre les deux personnages est bien développée (c’est un point positif du film), le film élude presque complètement leur passé.
Pourquoi Hodaka a fugué de son île ? L’histoire personnelle de Hina, la relation avec sa mère, est très peu développée. Shinkai tourne donc volontairement le dos à l’histoire des personnage pour se concentrer sur le présent, leur réalité pour affronter les défis et les difficultés que se dressent devant eux.
Je trouve aussi que le monde parallèle au delà des nuages est sous-exploité. Le potentiel de cet univers dans le ciel, à la frontière entre la religion Shinto et le fantastique ouvre tellement de possibilités et le film nous donne peu d’explications. L’histoire des prêtresses du temps m’a aussi un peu laissé sur ma faim. Existe-il d’autres prêtresses du temps ? J’aurai aimé en savoir plus.
Il faut savoir que Makoto Shinkai est très impliqué dans l’écriture du scénario. C’est lui qui l’écrit et en parallèle de ses films il sort des livres. Pour les Enfants du Temps, il a écrit de façon concomitante le film et le livre qui contiendra peut-être (à l’image des enfants de la mer) plus d’éléments et d’explications.
Au final, il est évident que « Les enfants du temps », n’est donc pas un film de rupture. D’un point de vue des thèmes abordés et du déroulement du scénario, il s’inscrit clairement dans la continuité de Garden of Words et surtout de Your Name.
Et Shinkai ne s’en cache pas. Il l’assume complémentent. Vous verrez dans le film plusieurs références à YOUR NAME. Les mêmes plans sur certains lieux dans la ville (Shibuya, Shinjuku, Yunika vision). Et surtout deux clins d’œil qui font vraiment plaisir même si ils n’apportent rien à histoire. Il s’agit de la rencontre avec Taki dans la maison de sa grand mère. puis celle avece Mitsuha lorsqu’il Hodaka achète la bague. Bien sur c’est du fan service mais ça fait quand même plaisir.
Les références plus ou moins cachées :
Je n’ai pas pu m’empêcher de voir dans le film quelques références à d’autres animé. Peut être que ces rapprochements sont simplement les fruits de mes délires.
« Le garçon et la bête » de Mamoru Hosoda : Dans la scène ou Hodaka est prostré dans une ruelle de SHINJUKU et qu’un chat passe devant lui—-> Quasiment identique à une des premières scènes avec Kuyta à SHIBUYA. Hazard ou coincidence, j’ai trouvé que Genki Kawamura a travaillé sur les deux films.
« JoJo’s Bizarre Adventure » et « GTO » : Le policier et sa coupe de cheveux en mode Furyo —–> le frère caché de Josuke Higashikata dans JoJo où les potes de Onizuka du coté de Kichijōji dans GTO.
« Une affaire de famille » : la police et les services sociaux à la poursuite des adolescents.
II- L’animation et Tokyo sublimés :
C’est indéniablement LA principale qualité du film. Le film est incroyable. Bon c’est vrai que maintenant les films d’animation au cinéma sont rarement moches. Quand je vois ce que fait Kyoani et le film DB Broly, j’ai envie de sauter au plafond. Makoto Shinkai possède sa touche, son identité. Avec les enfants du temps, il progresse encore. Il apporte un soin encore plus grand aux détails, aux décors et tout le film est film est absolument magnifique.
Je vous explique ce que j’ai aimé/moins aimé à partir de trois grandes caractéristiques de l’animation dans ce film.
Un grand spectacle :
Il déploie tous les effets possibles pour nous émerveiller : l’animation est dynamique, les plans en contre plongé, ceux en hauteur au dessus de Tokyo, les nombreux mouvement circulaires autour des personnages. Le film nous plonge dans un tourbillon visuel époustouflant. Les trains qui courent dans la ville jouent un rôle central, dans cette dynamique du mouvement.
Même si la majorité du film se passe sous la pluie, je n’ai jamais éprouvé de lassitude. Au contraire, l’utilisation de cet élément est une réussite. Comme dans the garden of words, La pluie, dans toutes ses nuances d’intensité, magnifie l’animation.
Certains passages, plus rares, sont contemplatifs. En particulier, J’ai adoré Les jeux de lumière, que je vois comme ses rayons du soleil à travers les nuages pour connecter le ciel à la terre. La scène sous la neige est très belle aussi, quasi hypnotique.
Une carte postale du Japon :
La quasi totalité du film se passe à Tokyo Comme dans Your Name, la ville est magnifiée et hyper réaliste. C’est la signature Shinkai de représenter les décors avec un maximum de details. Un pur ENCHANTEMENT !
On est immergé dans la ville avec une impression de réalisme bluffante, que ce soit dans les ruelles du Kabukicho, dans l’appartement de Hina ou lorsque Hodaka déguste son bol de nouille Nissin.
C’est ce qui me plait le plus dans les films de Shinkai, c’est cette fidélité et ce sens du détail qui nous fait découvrir le Japon de la plus belle des manières.
Ce Japon rêvé pourrait se révéler de la pure fiction. A contraire, il s’avère que quasiment tous ces lieux du film existent en réalité. Tokyo regorge de lieux atypiques, une véritable source d’évasion qui donne envie de prendre son billet pour le Japon. Dans les enfants du temps, on parcourt les quartiers de Shinjuku et autours des stations de Meijiro, Yoyogi, Kagurazaka et Tabata. Le sens donné aux détail est inouïe, encore plus poussé que dans Your Name. De la tour de Tokyo, au clin d’oeil au TOHO Cinemas Shinjuku (c’est la Toho qui produit le film), vous verrez même le stade olympique prêt à accueillir les JO de 2020.
Je vous proposerai de partir à la découverte de tous ces lieux très prochainement sur mon site.
Des scènes d’action assez décevantes :
Plus que dans ses films précédents, Shinkai a voulu intégrer plus d’action. Il reprend certain code des films du genre comme les courses poursuites, pour donner du rythme à l’action. Cette orientation est assez décevante : les courses poursuites avec les policiers sont un peu longue et l’utilisation d’une arme à feu assez maladroite, au final assez inutile.
III- L’OST et l’humour au TOP :
Makoto Shinkai a renouvelé sa confiance à Radwimps.
Dans toutes ses nuances, les musiques font corps avec l’animation. J’ai particulièrement apprécié lorsque les sons font corps avec le temps et les éléments dont la pluie. Certaines mélodies sont vraiment émouvantes : mes deux préférées sont GRAND ESCAPE (feat Toko Miura) et IS THERE STILL ANYTHING THAT LOVA CAN DO
Les autres m’ont moins marqué que dans « Your name » (ou toutes l’OST était une merveille) mais je vais réécouter l’OST en intégralité pour m’en imprégner.
Ce que j’ai aussi apprécié tout au long du film, c’est l’humour. il est distillé de manière très fine et toute la salle à rigolé. L’utilisation de comique de situation fonctionne très bien. Nagi Le frère de Hina est pour moi le plus réussi avec son talent de séducteur/manipulateur. Le Chat « Ame » que Hodaka recueille dans la rue, m’a bien fait rire à la fin du film.
Conclusion :
Les Enfants du Temps est un très beau film d’animation. Rien que pour cette qualité, il faut aller le voir au cinéma. Si vous avez aimé Your name, vous ne serez pas déçu. Si vous ne connaissez pas l’univers de Makoto Shinkai, ce sera une super première expérience et je vous conseille vraiement e film.
Sur le fond, en reprenant la majorité des éléments déjà présents dans ses films précédents, il s’inspire beaucoup de « The garden of words » et de « Your Name ». Est-ce c’est un simple copier-coller, sans aucune créativité ? Pour moi, la réponse est non.
Moi, j’ai vraiment apprécié ce film car je ne me lasse de ce genre de film d’animation qui permet de s’évader et qui magnifie le Japon.
Et puis, 3 ans seulement après la consécration mondiale de « Your Name », ce n’était pas facile pour M. Shinkai d’enchainer une telle réussite. Avec les enfants du temps, il assure l’essentiel avec un émerveillement sans frontière. L’année 2020 commence donc bien pour l’animation japonaise en France !
Découvrez ma critique en vidéo :
https://japoncinema.com/les-film-japonais-a-ne-pas-rater-en-2019/
https://www.youtube.com/channel/UCeLmCGO5ksnjMM5MLrhCEDw
J’ai été très déçue personnellement par ce film. L’animation est belle oui mais l’histoire est alambiquée, parfois contradictoire (le ciel bleu rend heureux mais on ne fait rien pour le faire perdurer) et souvent assez plate.
Surtout j’ai trouvé la « morale » flippante. Je ne vois pas du tout ce film comme un film écologique mais au contraire comme une ode au climato-scepticisme.
Les changements climatiques ne sont pas ici causés par les hommes mais ont toujours existé et sont liés au ciel (la nature, Dieu quoi).
La ville de Tokyo se noie peu à peu mais bon c’est juste la nature qui reprend ses droits anciens et aucune catastrophe n’est visible ou annoncée (les gens sont justes facilement relogés, les trains roulent encore, tout va bien sous la pluie….).
Et surtout la fin : il vaut mieux choisir son bien-être personnel (ici l’amour pour Hina, mais en fait tout ce qui vous fait plaisir à vous) que sauver la planète ! On s’en fout du changement climatique, TOUT va bien !
A part la violence faite aux ado bien représentée, le film est un fantasme cucul qui privilègie l’amour d’une personne au futur de tous… Une bonne morale capitaliste-disney !
Merci pour le partage de ton avis et ton analyse! C’est vrai que le thème de l’environnement est ambiguë et peut être interprété. Peut être que Shinkai n’a pas pu aller aussi loin qu’il le voulait. Je pense surtout que ce message individualiste (en particulier à la fin du film) est indissociable du thème de l’adolescence et je résumerai mon interprétation de son message comme suit : Pensez à vous avant tout et choisissiez vos luttes en fonction de vos convictions (l’environnement en est un, les inégalités sociales un autre).
Makoto Shinkai n’est le réalisateur le plus subversif, c’est certain. Mais il possède une identité, un style qui se reconnait au premier coup d’œil et de vrais messages.
Après le succès de Your Name, ce film s’adresse à un large public dans le monde entier.
Hello Benjamin, merci beaucoup pour tes articles intéressants et détaillés. Je sors du cinéma et j’ai été très émue par ce film (le mot est faible !). Je ne me suis pas focalisée sur le message environnemental ou sur la morale mais sur les sublimes décors, les détails, l’humour (le chat à la fin, mdr) et la jolie relation entre les personnages. De retour d’un voyage au Japon, j’ai adoré revoir les beaux plans de Tokyo mais aussi tous les petits détails ! Il y a presque du product placement là-dedans d’ailleurs 😉 merci beaucoup pour ta passion et pour ce que tu partages avec nous !
Bonjour Anne. Merci beaucoup pour ton message et tes impressions sur le film. Tu as aimé ton voyage au Japon ? Tu as visité quelle ville/Préfecture ?
Hello Benjamin, j’ai adoré le Japon ! Je voulais faire ce voyage depuis 20 ans et je suis tombée totalement amoureuse du pays (ce qui était prévisible). Je t’envoie un message prochainement via le formulaire de contact pour te raconter 😉 belle journée et merci !