Capricci Films (distributeur de films art et essai et éditeur spécialisé dans le cinéma) a réuni huit films de Kenji Mizoguchi.
8 chefs-d’œuvre du cinéma japonais des années 1950 qui sortent en version restaurée. Une rétrospective en salle le 31 juillet 2019 et bientôt en Bluray (dont certains en 4K).
» Si la poésie apparaît à chaque seconde, dans chaque plan que tourne Mizoguchi, c’est qu’elle est le reflet instinctif de la noblesse inventive de son auteur » (Jean-Luc Godard, Arts, 5 février 1958)
1)La liste des films :
VERSION RESTAURÉE 4K
-Les Contes de la lune vague après la pluie
-L’Intendant Sansho
-Les Amants crucifiés
-La Rue de la honte
VERSION 2K
-Oyu-sama
-Les Musiciens de Gion
-Une femme dont on parle
-L’Impératrice Yang Kwei-Fei
2) Mizoguchi, « l’intransigeance d’un juste » :
Le style de Mizoguchi s’éclairent ainsi à la lueur de sa vie et de sa carrière. Elles révèlent un tempérament contradictoire, tyrannique mais épris d’équité, en quête perpétuelle du beau mais pour qui l’esthétique devait céder le pas sur l’impératif de réalisme et de vérité.
Mizoguchi aura été l’un des plus grands cinéastes à faire le portrait de la femme, de la condition féminine, de sa dimension sacrificielle et de sa recherche d’émancipation dans des sociétés patriarcales et machistes. Les 8 films de la rétrospective l’attestent de manière éclatante. Il est d’autant plus intéressant d’apprendre que l’amour inavoué qu’il portait aux femmes, son sentiment de révolte devant les inégalités dont elles souffraient et les nombreuses histoires de geishas qui illustrent ses films s’enracinent dans son récit familial : l’enfant pauvre qui grandit à proximité du quartier des prostituées. Son unique sœur cédée à une autre famille à l’âge de 14 ans puis vendue à une maison de geishas…
Cette lutte s’étend dans ses films à la lutte de tous les opprimés contre les riches et la loi des puissants. Cette thématique est elle aussi à l’œuvre dans chacun des films du cycle. Mizoguchi n’a cessé de mettre en scène des rapports de classe, des récits de transgression impossible de l’ordre établi et des conventions, où des personnages issus du prolétariat ou de la paysannerie tentent de s’extirper de leur condition sociale, que ce soit par soif de réussite et de liberté ou par amour, et finissent systématiquement par échouer et être punis par la société pour n’être pas restés à leur place.
On retrouve d’ailleurs dans Les Contes de la lune vague après la pluie un portrait déguisé de la figure paternelle dans le personnage du potier Genjuro qui souhaite profiter de la guerre pour partir à la ville vendre ses jarres. Kenji parlait de son père charpentier comme d’un homme « qui se nourrissait de grands rêves et échouait souvent ». Il avait notamment eu l’idée de s’enrichir en vendant des manteaux à des soldats pendant le conflit russo-japonais. Hélas, quand il fut enfin prêt, la guerre venait de s’achever…
Les œuvres des années 1950 représentent le moment d’accomplissement de la fameuse technique du plan-séquence Mizoguchien. Le maître atteint une forme de perfection dans la construction dramatique et plastique du plan. Son souci d’objectivité et sa quête de vérité lui font privilégier le mouvement à l’intérieur du cadre et les travellings latéraux au découpage des scènes en plusieurs plans. Mizoguchi déclare vouloir préserver la progression et la densification d’un mouvement. La montée en tension de la scène correspond à un « accord psychologique » qu’il souhaite prolonger le plus longtemps possible.
Le caractère érotique de cette recherche d’extase est manifeste. Son insistance à assurer la continuité de la scène, son refus de la coupe visaient à obtenir l’instant de communion parfaite non seulement entre lui et les acteurs. La quête infinie d’une jouissance mystique par le cinéma.
Extrait des propos de Julien REJL, CAPRICCI
3)Une campagne de crowdfunding. Participez jusqu’au 7 octobre :