Liz et L’oiseau Bleu est un film de Naoko YAMADA qui sortira au cinéma en France le 17 avril 2019. Il a été présenté (hors compétition) au festival international du film d’animation d’Annecy en 2018.
Production : Kyoto animation
Distribution en France : Eurozoom
L’histoire : Nozomi est une jeune adolescente extravertie et très populaire auprès de ses camarades de classe, doublée d’une talentueuse flûtiste. Mizore, plus discrète et timide, joue du hautbois. Mizore se sent très proche et dépendante de Nozomi, qu’elle affectionne et admire. Elle craint que la fin de leur dernière année de lycée soit aussi la fin de leur histoire, entre rivalité musicale et admiration. Elles se préparent à jouer en duo pour la compétition musicale du lycée Kita Uji. Quand leur orchestre commence à travailler sur les musiques de Liz et l’Oiseau Bleu, les deux amies croient voir dans cette œuvre le reflet de leur propre histoire .
« Un récit d’amitié émouvant et délicat »
Le film s’articule entre l’histoire du conte « Liz et l’oiseau bleu » et la réalité dans un lycée au Japon, de nos jours. Ce cheminement croisé entre ces deux récits, entre le réel et le fantastique, on le retrouve tout au long du film.
Les premières minutes donnent la mesure.
Dans la première scène, on découvre Liz, entourée des animaux de la forêt qu’elle nourrit soigneusement les uns après les autres. Son attention va se porter sur un petit oiseau mystérieux, d’un bleu vif et perçant qui ne tarde pas à s’envoler. On devine qu’il va représenter le lien entre tous les personnages. Mais de quelle manière ? On est immédiatement transporté à l’entrée d’un lycée japonais. Mizore, attend son amie Nozomi pour aller répéter les morceaux dans la classe de musique.
Ces deux scènes reflètent a elles seules toute la beauté et la poésie qui se dégage de ce film. Alors qu’aucune parole n’est prononcée, par de simples sons, comme le bruissement des feuilles ou le bruit des chaussures sur le bitume et les expressions des visages, on est plongé dans une ambiance envoutante, presque irréelle. Un univers pourtant réel mais qui parait éphémère.
Paradoxalement, je trouve que c’est cette fragilité qui fait la force de ce film. Elle permet de s’imprégner des émotions car elle s’adresse directement au spectateur, avec délicatesse et sans artifices. L’unicité entre le caractère éphémère des morceaux de musique et celui les émotions des adolescentes reflètent ce constat. Nos sens convergent à l’unisson pour atteindre des sommets de sensibilité. C’est rare d’éprouver ce genre de sentiment au cinéma, surtout avec un scénario aussi simple.
Un film consacré entièrement aux moments au lycée m’aurait surement vite ennuyé. Ici pas du tout. Au fur et à mesure que chaque page du livre (que Mizore a emprunté à la bibliothèque) se tourne, que les répétitions avancent, la personnalité des adolescentes se dévoile. Cela renforce la dynamique du film. Chaque passage du conte s’entrecoupe avec sa vision de la réalité pour finalement lui donner un sens bien différent des apparences.
Si les films d’animation sont parfois convenus et versent dans la facilité, ce n’est pas le cas de Liz et l’oiseau bleu. C’est un film sincère et authentique. Cette sincérité nous rappelle quelles sont des valeurs fondamentales du cinéma (pas seulement celui d’animation). Cette faculté qu’ont les films à toucher le public, cette vertu à briser la barrière de l’écran qui sépare la fiction de la réalité.
Enfin, je dois vous dire que ce film reste très éloigné d’un univers « shonen ». Si vous êtes exclusivement en quête d’action, de bourre pifs, vous pouvez passer votre tour.
« Liz et l’oiseau bleu est un récital en matière d’animation »
L’autre aspect que j’admire dans ce film, c’est la qualité de l’animation. C’est très très beau !! C’est vrai pour toutes les productions récentes du studio Kyoto animation que je vous invite à découvrir.
Là encore, l’équipe du film a fait le choix d’un style différent entre l’histoire du conte et la réalité. C’est Futoshi Nishiya qui a dessiné les personnages.
Pour la représentation de l’histoire de Liz et l’oiseau bleu, on remarque un travail spécifique pour que l’animation colle à l’univers enchanteur du conte. Un trait au caractère fugace, évanescent et poétique à la frontière entre le rêve et la réalité. C’est réussi tant on a l’impression que chaque scène émane littéralement du récit. J’ai aussi aimé le choix fait pour les décors et les paysages. Dessinés avec un trait plus marqué, ils apparaissent figés dans le temps et l’espace, comme ancrés dans notre imaginaire (Ce style m’a fait pensé aux décors de villages dans certains jeux vidéos (Jrpg) comme Zelda, final Fantasy ou le récent et très bon Octopath traveler). Ce genre d’effets, et les émotions positives qu’ils font ressentir, seuls les animés et les jeux vidéos peuvent les produire.
Dans le lycée, les dessins sont beaucoup plus réalistes. Le trait des personnages est fin et raffiné. Les animations sont pleines de subtilités. Le travail sur les yeux de chaque personnage et les couleurs est sublime (assez similaire à Violet Evergarden), c’est la signature de Kyoto animation. Cela apporte un réel plus dans la représentation du caractère des personnages et de leurs émotions. Par exemple, la tristesse d’un personnage n’est toujours expressive. Elle se devine par un plissement des yeux, par un haussement de la commissure des lèvres. Une large palette de couleurs avec une dominance du bleu, évidemment.
Au final, la sensation que j’ai ressentie en voyant ce film sur grand écran au cinéma, c’est un peu comme se réveiller à la campagne, un matin de printemps. Ouvrir les volets, se laisser éblouir par le soleil et laisser son regard porter par la beauté du paysage. C’est plein de « positivité » et ça fait du bien !
« Une musique magistrale qui emprunte les fragments mélodiques du quotidien »
Là ou ce film se distingue vraiment des autres films d’animation, c’est par le travail réalisé sur la musique.
D’abord, l’originalité, c’est que la majorité des musiques intègrent les sons du réel. C’est le compositeur Kensuke Ushio (connu aussi pour A silent Voice et Devil may cy baby ») qui a réalisé la bande son du film. Plus qu’un travail de composition, c’est une véritable conceptualisation de la musique qu’il a réalisé. L’originalité, c’est qu’il a énormément travaillé sur l’intégration des sons du réel dans la musique du film. Généralement, les compositeurs arrivent à la phase de production ou lorsque le film est déjà terminé. Ici la musique a été réalisé en même temps que l’animation. Ushio s’est rendu dans une véritable école pour chasser les sons du quotidien.
Il en résulte une subtile alliance entre les sons du réel et les notes des instruments de musique. Et ça fonctionne à merveille ! Par exemple, les bruits des pas épousent celui des percussions, une porte qui s’ouvre sur celui d’une trompette, l’ambiance de la classe accompagnée par un concert de cuivre. La musique deveint un interprète à part entière du film, à l’unisson avec l’animation. C’est pour moi une expérience inédite et authentique et de la manière d’aborder les sons dans le cinéma d’animation.
Ensuite, l’audace de sortir un film qui parle de flûtes et de hautbois directement au cinéma. Un pari audacieux qui s’avère payant. La musique jouée par un véritable orchestre prend une toute autre ampleur sur grand écran. Cela confère plus de profondeur au film. La scène vers la fin du film avec le solo de Hautbois est magnifique.
La musique fait en effet partie intégrante de l’histoire car toutes les élèves souhaitent devenir des musiciens accomplis. Rien d’original car Il faut savoir que le film est centré sur l’univers de la série de romans Sound Euphonium d’Ayano Takeda, lui-même adapté en animé « Hibike Euphonium ». Deux saisons ont été diffusées au Japon en 2015 et 2016, avec un vrai succès d’audience. Mais, il n’est pas nécessaire (c’est mon cas) d’avoir vu la série pour apprécier le film.
Les animés de musique sont même un genre à part entière, de plus en plus populaire au Japon (par exemple K-ON! ou Shigatsu wa Kimi no Uso) qui reste encore peu connus en France.
« Un souffle nouveau vers la liberté et l’émancipation »
En voyant la bande annonce, vous pouvez penser que l’histoire de Liz et l’oiseau bleu n’a rien de novateur. C’est vrai, car le scénario est assez simple et certaines situations peuvent paraitre convenues. Mais, progressivement, je trouve que l’histoire fait preuve de suffisamment d’originalité pour nous surprendre. La narration, au départ essentiellement contemplative, s’enrichit progressivement de l’exploration de la personnalité des personnages.
Un basculement a lieu lorsqu’on se focalise sur la relation de désir asymétrique entre Nozomi et Yoroizuka. Je trouve que la deuxième partie du film est la plus réussie.
Le film empreinte aussi certains codes bien connus dans les animés. Certains passages m’ont directement fait penser à « Your name » (l’écran splitté pour voir la réaction de deux personnages en même temps, la discussion pleine d’émotion en descendant les marches). C’est du déjà vu mais ces effets fonctionnent à merveille.
Il fait écho au sentiment que chacun a connu au moins une fois dans sa vie. Celui du déséquilibre dans une relation. En amitié comme en amour, cette l’impression de tout faire sur le modèle de l’autre, d’être sous son influence mais en même temps d’être impuissant pour s’en défaire. Surtout ne plus être objectif sur le fait qu’il (ou elle) nous dicte quoi faire, comment penser, pour au final se retrouver enfermer dans une cage (c’est la métaphore utilisée dans le film).
Le film parle donc aussi du thème de l’émancipation. Comme « A Silent Voice », il aborde les relations humaines avec beaucoup de réalisme. Il vous apportera même certaines réponses si vous vous trouvez dans ce type de situation.
« En savoir plus sur l’origine de Liz et l’oiseau bleu »
A l’origine, « l’Oiseau Bleu » est une pièce de théâtre créée en 1908 par l’écrivain belge Maurice Maeterlinck. Il raconte l’histoire d’un frère et de sa sœur (Tyltyl et Mytyl) pauvres enfants de bûcheron, regardent par la fenêtre le Noël des enfants riches lorsque la fée Bérylune leur demande d’aller chercher l’Oiseau bleu pour guérir sa petite fille qui est malade.
La pièce a donc uniquement servi d’inspiration. Ce film n’est pas une adaptation fidèle d’une histoire que les japonais connaissent bien. En effet, cette pièce est très populaire au Japon. Elle a fait déjà l’objet de multiples adaptations. Notamment, dans les années 80, un animé (qui a même été diffusé sur FR3) reprenait fidèlement l’histoire de Tyltyl et Mytyl. Le manga « L’oiseau bleu » de Takashi Murakami est aussi inspiré de l’œuvre de Maeterlinck.
Conclusion : Plus qu’un film, « Liz et l’oiseau bleu » se révèle être une véritable expérience. Visuellement éblouissant, il m’a enchanté par l’originalité de sa musique. Chaque morceau est un subtile alliance entre les sons du réel et les notes des instruments de musique. Et ça fait du bien d’entendre de la musique classique au cinéma. Comme « A Silent Voice », il possède aussi quelque chose en plus. Une authenticité pleine de délicatesse qui dépeint les relations humaines avec beaucoup de réalisme. Je rejoins le message du film : dépassons le cadre de la partition de notre vie, donnons un souffle nouveau à nos rêves. C’est un film que je vous recommande vivement.
Happy ice cream !! (vous comprendrez cette référence après avoir vu le film).
La bande annonce :
https://www.youtube.com/channel/UCeLmCGO5ksnjMM5MLrhCEDw