Le Musée Guimet, « Musée national des arts asiatiques », est un de mes musées préféré à Paris.
Je trouve d’abord qu’il est le parfait écrin pour mettre en lumière cette culture. A chaque visite, je redécouvre et je suis émerveillé par son architecture. La rotonde majestueuse entrée, veille sur la place Iéna. Que dire de sa bibliothèque, dont la coupole et ses cariatides donne l’impression de pénétrer dans un lieu hors du temps. Pour moi, ce musée une déclaration d’amour à l’art en général.
Ensuite pour la pertinence de sa programmation. Au delà de proposer la plus grande collection d’art asiatique hors d’Asie, elle présente régulièrement des expositions pour nous faire découvrir certains aspects encore méconnus de la culture japonaise. Je trouve qu’elle reflète parfaitement le côté authentique, nuancé et sans artifices de la culture Asiatique.
Ce week-end, j’ai visité l’exposition Meiji, Splendeurs du Japon impérial. Une exposition exceptionnelle, organisée du 17 octobre 2018 au 14 janvier 2019, dans le cadre du 150e anniversaire de la restauration de Meiji.
Elle vise à mettre en avant les nombreux bouleversements liés à l’ère Meiji (1868-1912), qui fut un bouleversement sans précédent pour le Japon. Voici mon avis sur cette exposition.
Une exploration de la diversité artistique de l’ère Meiji
De l’ère Meiji, je connaissais les contours. Je savais qu’elle marquait l’ouverture au monde d’un pays volontairement isolé. Avant Meiji, il faut se rendre compte qu’aucun japonais n’avait quitté le Japon. Je savais aussi qu’elle représentait un bouleversement commercial sans précédent.
Mais je ne mesurais pas toutes ses répercussions sur la culture japonaise. Le mot Meiji signifie “gouvernement éclairé”. Elle marque une volonté de renouveau de la société japonaise. L’exposition nous permet de comprendre tous ces changements. Elle nous fait voyager dans le temps pour nous rendre compte de tous ses aspects et de l’impact de ces bouleversements.
D’un point de vue institutionnel, l’ère Meiji n’est pas une révolution (comme ont pu le connaître la France ou les États-Unis). C’est une restauration, du pouvoir de l’empereur sur la toute puissance du Shogun. Dans les faits, cela va engendrer une mutation brutale d’une société alors féodale où les seigneurs de guerre et les samouraïs étaient tout puissant.
La mutation économique engendre une métamorphose des villes. De nombreux petits villages disparaissent progressivement (170 000 au début de l’ère Meiji contre seulement 12 000 à la fin de l’ère en 1912).
D’un point de vu culturel, c’est l’apprentissage et la découverte de nouvelles influences et technologies.
Ce que j’ai apprécié dans l’exposition, c’est son côté à la fois instructif et accessible. Pas besoin d’être un spécialiste de l’art Japonais pour apprécier la visite. Le parcours est structuré en une dizaine de salles. Chacune se focalise sur une thématique comme l’artisanat japonais ou l’industrialisation. On apprend beaucoup de choses, les explications sont claires et assez synthétiques.
Elles permettent de bien appréhender tous les changements du Japon mais aussi de les mettre en perspective notamment par rapport à des questions comme la religion ou la volonté d’exporter sa culture à l’étranger. J’ai appris que c’est à cette époque que le Mont Fuji devient le symbole, l’image d’un Japon en quête de reconnaissance et de rayonnement culturel dans le monde entier.
On se rend surtout compte que, malgré ces nombreux changements, la culture japonaise n’a jamais voulu renier ses origines. Elle va s’inspirer des techniques occidentales pour améliorer sa condition, se moderniser et entrer en fanfare dans le concert des nations. Mais toujours en conservant et en protégeant son modèle et son patrimoine culturel. Mieux, elle va le promouvoir et devenir une source d’inspiration pour les artistes du monde entier.
Seul regret. J’aurai aimé que l’impact de ces bouleversements sur les Aïnous à Hokkaido soit plus développés. Il y a quelques photos mais j’aurai aimé avoir plus d’explications sur leur marche forcée vers l’assimilation.
L’expression du lien étroit entre l’art et les valeurs des japonais
Au delà de nous faire comprendre les bouleversements, l’exposition les matérialise. Elle est généreuse : photographies, peintures, textiles, céramiques, statues en bronzes… Toutes les facettes artistiques du Japon sont représentées. J’ai trouvé cette exposition très riche. Elle reflète tous les aspects des mutations opérées durant l’ère Meiji. Je la recommande, autant à ceux qui veulent découvrir l’art japonais, qu’aux « initiés » de l’histoire japonaise qui s’intéressent à cette période en particulier. Seule zone d’ombre, la lumière, que j’ai trouvé un peu faible pour admirer certaines oeuvres.
Ce que j’ai le plus apprécié, c’est que l’on saisit (au fur et mesure de la visite) toutes les nuances de la modernisation technique de la société japonaise. Ce mouvement s’accompagne d’une affirmation de l’identité culturelle nippone. On prend pleinement conscience du lien fort qu’il existe entre l’art et les valeurs des japonais. A travers la représentation d’un esthétisme épuré des oeuvres d’art, il y a toujours un message fort sur l’art de vivre des japonais.
L’illustration avec cet écritoire (suzuribako), symbole de bonne augure.
Les représentations des Yokaî (esprits et fantômes) assurent une médiation rassurante ou représentent les peurs qui prolifèrent surtout dans les villages. Cette diversité d’œuvres représente également un bel hommage aux artistes de l’époque.
De grands artistes japonais sont réunis dans cette exposition comme Kawanabe Kyosai, Shibata Zeshin… Des objets appartenant à la compagnie Takashimaya (aujourd’hui une des plus connues au Japon). La peinture Nihon-ga, qui est une technique japonaise ancestrale s’inspire des techniques occidentales. A l’époque Meiji, la peinture à l’huile occidentale est progressivement introduite avec de nouvelle perspectives pour l’art japonais.
Cette exposition permet enfin de découvrir une autre facette de cette période, celle des liens entre les artistes Japonais et Européens. J’ai ainsi appris que c’est à cette période que plusieurs oeuvres françaises (comme les poèmes de Jean de la Fontaine) sont introduits au Japon.
Mais c’est le témoignage d’un autre célèbre artiste qui m’a le plus touché, celui du peintre Vincent Van Gogh. Je ne savais pas qu’il était passionné d’estampes et admiratif du mode de vie et de penser des japonais. Il nous livre ce magnifique hommage, plein de justesse et de sensibilité sur l’art de vivre japonais. La conclusion parfaite pour cette incontournable exposition.