Belle (Ryū to sobakasu no hime qui signifie « Le dragon et la princesse aux taches de rousseur ») est un film d’animation réalisé par Mamoru Hosoda. Il sort au cinéma en France le 29 décembre 2021. Ma Critique du film BELLE – Mamoru Hosoda.
L’histoire : Dans la vie réelle, Suzu est une adolescente complexée. Elle vit dans une petite ville de montagne avec son père et n’ose même pas chanter au Karaoke. Dans le monde virtuel de U (qui compte plus de 5 milliards d’utilisateurs), Suzu devient Belle, une chanteuse adorée par tout le monde, et dont chaque apparition crée l’évènement. Cette double vie va prendre un tournant inattendu lorsque Belle rencontre Dragon, une créature aussi fascinante qu’effrayante. S’engage pour eux un chassé-croisé du virtuel entre Belle et la Bête vers le réel, au terme duquel Suzu va découvrir qui elle est vraiment.
1) Un parcours initiatique en forme de révélation
La première chose que je j’ai ressenti après avoir écouté et vu cette histoire, c’est qu’elle est très riche et dense. Elle explore avec le quotidien de Suzu dans son lycée, sa maison, un traumatisme familial qu’elle tente encore de surmonter, puis on est transporté plusieurs dans le monde virtuel, à travers ses chansons, dans un histoire qui semble différent mais qui est en réalité parallèle, sur la question de la célébrité, l’impact des réseaux sociaux, le thème de la quête initiatique, de la famille, des histoires d’amour, des combats, de l’humour. Je me dis que faire tenir tout ça en 2heures, c’est du rarement vu dans un film d’animation.
Et je trouve que l’histoire conserve une ligne directrice, la trame narrative s’enrichie et reste cohérente tout au long du film. On passa par toutes les émotions, jusque’à un concert final en forme d’apothéose fascinant et magnifique..
Un thème en particulier caractérise la richesse et le sens de cette histoire, c’est la dualité.
La plus évidente, celle que l’on voit dès le début film, c’est la dualité entre le monde réel et le monde virtuel U. Mais ce qui est moins visible, et plus interessant, celle que l’histoire va révéler, c’est la dualité de chaque personnage.
-D’abord entre Suzu et Belle, dans un monde réel (ou rien ne semble possible pour Suzu) et dans le monde de U(ou tout semble possible pour Belle).
-Vous allez aussi découvrir la dualité du mystérieux dragon, qui exprime sa colère violente dans le monde virtuelle et dont l’identité et le thème grave sont révélés à la fin du film. Je ne vous en dis pas plus, vous découvrirez que les personnages secondaires se dévoilent aussi dans le film parfois de manière, souvent drôle, parfois touchante et souvent inattendue.
Une autre grande qualité du film, c’est de passer de moments contemplatifs dans le monde réel à des scènes d’action dans le monde virtuel. Comme un miroir entre l’agitation extérieure qui règne dans U, le déluge de l’action, l’énergie folle qui se dégage des concerts de Belle. Et un mouvement intérieur, l’évolution de Suzu dans la réalité.
Un plan en particulier illustre cela, qui est récurent tout au long du film, que j’ai trouvé génial ou l’on voit un arrière plan fixe de la ville japonaise. Au milieu du plan la rivière s’écoule paisiblement, et au premier plan Suzu marche. Au début du film toute seule, puis au fur et à mesure du déroulement de l’histoire, elle est accompagné et finalement très entourée à la fin du film.
Enfin, ce que j’ai trouvé super interessant et original dans le déroulement histoire. Au début du film, on est transporté du réel vers le virtuel mais la vrai révélation s’opère du monde virtuel vers le réel. (Comme on a pu le voir dans parasite), c’est une quête initiatique en forme inversée qui démontre que Suzu qui n’est pas du tout considérée au début de l’histoire, découvre qui elle est vraiment et est considérée comme Belle à la fin de l’histoire.
Un seul bémol (il en faut bien un) sur l’histoire, c’est qu’à certains moments, elle tombe un peu dans la facilité. Même si le film ne perd pas en cohérence, certaines scènes dans le monde réel peuvent perdre en crédibilité (Suzu qui voyage toute seule, Suzu qui a tendance à tomber toute seule…).
2) Belle et la Bête, l’histoire sublimée :
A partir d’un moment précis dans le monde de U, Hosoda revisite histoire de la belle et la bête dont il dévoile bien plus qu’une simple interprétation. Ce qui est interessant, c’est de comparer avec la version originales de Jean Cocteau (1946) et celle de Disney (1991).
D’abord on retrouve cette ambiguïté du personnage de la bête qui a deux visages. Un physique impressionnant, un comportement d’abord très agressif qui balance avec une intériorité très douce présente dans l’œuvre d’origine.
Visuellement, on voit aussi que le film est un hommage appuyé à la version de Disney. Une scène reprend exactement les plans sur les escaliers du château et le travelling en CGI dans la salle de bal qui est magnifique, féérique.
La différence, c’est qu’Hosoda transpose le personnage de Belle dans une univers moderne, mais surtout il la confronte aux peurs de Suzu qu’elles vont apprendre à dépasser pour se libérer non pas grâce à sa force physique mais par la puissance de ses émotions, de son chat. D’ailleurs, il renverse la fascination exercer entre les deux personnages dans l’oeuvre originale et balaye les clichés. Ici, c’est la Bête qui est fasciné par Belle.
A mon sens, ce qui représente très bien ce film, c’est qu’il concilie grand spectacle et un coté très intime et authentique. Notamment grâce aux chansons.
3) Chaque chanson, un sommet d’émotions
C’était une des grands questions que je me posais. Quelle est la place et le nombre de chanson ? Est qu’elle vont bien s’intégrer dans le film et que vaut la VF ?
D’abord, il faut dire que n’est pas une comédie musicale. Ce n’est pas l’adaptation ce film de Disney. C’est un vrai film d’animation mais avec un chanteuse comme personnage principal.
Concernant la comparaison entre la Vo et la VF, j’ai vu le film deux fois la même semaine d’abord en VF puis en VO. Dans la VO, c’est KN qui interprète à la fois Suzu et Belle et dans la VF, c’est Louane.
Déjà ce qui est commun aux deux version, c’est que Suzu et Belle ont la même interprète, ça parait logique tant les deux personnages sont indissociables. Donc il fallait une chanteuse. Dans la VO c’est KN et dans la VF c’est Louane.
L’autre point que je peux vous affirmer c’est que dans les deux versions, une grande des émotions du film proviennent des scènes chantées, autant par les mélodies que par les voix des interprètes et le sens des paroles.
La version japonaise les chansons est incroyable. On est capté par la voix de Kaho Nakamura qui se connecte directement nos émotions. En particulier « Kokoro no soba ni » et « Hanare Banare no Kimi e », je vous invite à écouter cette BO, qui tourne en boucle chez moi depuis que j’ai vu le film et les paroles. Le chant est un apport incontestable dans ce film et s’intègre parfaitement à l’histoire. Le chant et les mélodies s’accordent à merveille, donnant l’impression d’une étreinte jusqu’à ce dernier concert de Belle à la fin du film, qu’elle chante à bout de voix. A ce moment, Difficile de retenir ses larmes.
Concernant la version française, je ne veux pas comparer, car forcement le résultat est différent mais très bien également. Le défi était immense d’adapter à la fois les paroles dans langue française qui est si différente du japonais mais trouver une chanteuse pour interpréter ces chansons, dont certaines avec des notes très hautes. C’est Cécile Corbel qui a adapté les paroles et la musicalité à la langue française. En 2010, elle avait signé la musique « d’Arrietty : Le Petit Monde des Chapardeurs » du studio Ghibli.
Je trouve que ce défi relevé haut la main, par toute l’équipe qui a bossé sur la VF et Louane. J’ai trouvé beaucoup de douceur dans le personnage de Suzu (elle avait déjà doublé des personnages dans des film d’animation Sahara, Trolls, Les Indestructibles 2, ). Ce qui était nouveau, c’est de nous faire vivre les émotions à travers des chansons écrites non pas pour elle mais pour un film donc un gros travail. On voit clairement toute son implication pour nous faire ressentir à la fois la force et la douceur des émotions de Suzu et de Belle.
A la fin de la séance en VF, les parents et les enfants étaient ravis par cette version, évidement plus accessible. Pour ma part, voir le film deux fois, dans deux langues différentes je dirai que c’est différent mais complémentaire. Donc je vous conseille de voir les deux.
4) Une qualité de l’animation incroyable
Sans détour, l’animation est incroyable dans ce film. Même si c’est vrai de la majorité des films d’animation qui sortent au cinéma, je ne m’en lasse pas. Je pense que c’est à ce jour le film le plus ambitieux et créatif de Mamoru Hosoda.
Pour opposer le monde réel du virtuel, le réalisateur oppose deux styles. Le quotidien de Suzu est animé en 2D traditionnelle, avec une représentation magnifique du Japon. Des arrières plans fixes de campagnes japonaise, hyper réaliste, son lycée, la nature autour de son village, la petite gare de Ino. Ce film est un dépaysement total. Et il s’avère que tous ces lieux existent en réalité. Je vous prépare un article prochainement pour découvrir le film à travers ses lieux dans la préfecture de Kochi au Japon.
Le monde virtuel est représenté en majorité en images CGI, avec des décors aux formes géométriques très marquées. J’avais peur d’être déçu par la 3D, pas du tout. Les effets pour les combats sont très fluides, Les effets de mouvement de le monde virtuel donnent une sensation de vertige sur grand écran, avec un final en apothéose qui colle parfaitement à l’ambiance du film. Et l’équipe de film parvient même à faire passer des émotions en 3D avec la scène dans le château du Dragon. Franchement, ce film m’a presque réconcilié avec la 3D. Certain plan ne sont pas non plus incroyable mais il y a vraiment quelque chose d’hyper créatif !
Un autre aspect hyper interessant et de comparer la représentation de Belle et celle du Suzu. aussi sur le personnage de Belle, dessiné par Jin Kim un animateur et chars design sud-coréen connu pour son travail aux Walt Disney Animation Studios de 1995 à 2016. Belle est parfaitement représentée dans toutes ses nuances. Pour moi, c’est un personnage qui va marquer l’histoire de l’animation japonaise.
D’ailleurs, la qualité de l’animation m’a réconcilié avec la 3D. Quand je vois ce dont Mamoru Hosoda et son équipe sont capables aujourd’hui avec « Belle », d’être aussi complet, je me dis qu’il a bien tellement bien fait de quitter la Toei et de créer son propre studio d’animation Chizu.
L’humour est aussi une grande qualité du film, il est distillé juste comme il faut. Je vous promet que quelques scènes vont vous faire hurler de rire. En particulier une déclaration d’amour, construite sur un simple plan fixe, qui joue sur les entrées de champ et est juste super drôle.
On peut bien sur aussi voir le roman « Ready Player One » d’Ernest Cline comme une source d’inspiration.
Visuellement mais aussi sur le fond, On peut y avoir un lien avec Matrix (par un heureux hasard, les deux films sortent presque en même temps au cinema), dans cette manière d’explorer un univers parallèle, les rapports avec le temps, pour tenter de comprendre notre propre monde, notre réalité. Ce serait interessant de poser la question à Hosoda de savoir si ces oeuvres am ont été une source d’inspiration pour Belle. On sait que l’animation japonaise a inspiré quelques très grands film américains. Je trouve que c’est toujours interessant d’analyser ces parallèles.
5) Les réseaux sociaux, vecteur de libération ou d’aliénation ?
Je veux maintenant revenir sur un thème central du film que j’attendais particulièrement, c’est celui de l’évolution d’internet et des réseaux sociaux. Car ce thème, Hosoda l’avait déjà abordé dans Digimon : Our War Game (2000) (ou ils nous questionnait sur la puissance d’internet) puis exploré dans Summer Wars (2009) en nous alertant sur le chaos que le pouvoir de l’IA pourrait provoquer. D’ailleurs, l’ouverture du film Belle, la présentation du monde virtuel de U, par une voix off est similaire en tout point à celle du monde d’Oz de Summer Wars.
J’attendais donc de découvrir son point de vue car beaucoup de choses ont changées depuis 10 ans. Est ce que j’ai été déçu ? Oui et non
Oui car sur le fond, l’analyse des nouvelles technologies est assez basique. Elle évolue peut par rapport à Digimon et Summer wars concernant le monde virtuel et surtout elle dit ce que l’on sait déjà sur les aspects positifs et les points négatifs des réseaux sociaux. Sur le fait que les frontières entre le monde réel et le monde virtuel et de plus difficile à distinguer, que le monde entier est connecté, que certains personnes ne sont pas sincère, profite de l’anonymat qu’offre les réseaux sociaux mais aussi qui peut aussi révéler les plus belles découvertes.
On peut légitiment affirmer que le monde de U est trop artificiel, voire désincarné (où tout le monde peut faire ce qu’il veut, mais où personne à part Belle ne fait rien). Qu’hosoda ne donne pas assez de précisions : sur les créateurs de ce réseau social, sur les Justiciers qui prétendent incarner l’ordre et qui sont capables de dévoiler l’identité des utilisateurs en cas d’infraction.
Sur ce thème, le film est en demi teinte, en dessous de mes attentes. Mais en analysant avec le recul (j’ai vu le film il y a plus une semaine), je me rends compte que le monde de U est créée davantage comme un support, une forme de prétexte, pour nous montrer le sens de l’évolution des personnages.
L’évolution de Suzu, au début complexé par une forme de mal être va se libérer dans ce monde virtuel, en forme d’exutoire, qui révèle le plus profond de notre être. C’est vrai aussi pour tous les autres personnages. Je pense que ce eux, leurs émotions, la manière dont ils vont évoluer, en se connectant les uns aux autres. qui sont au centre de ce film et pas l’évolution des nouvelles technologies.
Ne nous trompons pas. Dès le début, U est présenté comme un monde virtuel qui absorbe ses utilisateurs, leur permet de changer d’apparence, d’AGIR et d’INTERAGIR de manière totalement anonyme. Au fur et à mesure de l’histoire, on constate que ce monde virtuel est une seconde réalité, parce ce tout le monde va finir par dévoiler sa véritable personnalité.
Belle confirme que le cinéma de Mamoru Hosoda, c’est un cinéma de fragments, un art de décomposition de notre monde, pour mieux recomposer les individus, regarder vers l’avenir, en forme de quête de liberté et d’émancipation. Belle est à la fois une synthèse et une étape dans la filmographie de Mamoru Hosoda.
Il a d’ailleurs déclaré : « Belle est le film que que je peux enfin faire aujourd’hui grâce à l’aboutissement de mes films passés. Dans ce film, j’explore la romance, l’action et le suspense ainsi que des thèmes plus profonds tels que la vie et la mort ».
Belle sans doute le film le plus créatif d’Hosoda mais il s’inscrit aussi dans la continuité des ses films précédents, avec des références à ces thèmes qui lui sont cher la famille, la quête initiatique, des épreuves dans un univers parallèle, On est convié à un voyage loin de notre quotidien mais en miroir de notre société.
Conclusion : Hosoda, l’avenir de l’animation japonaise ?
Un chose est certaine, Belle est un incroyable spectacle. Hosoda démontre un parfaite maitrise, pour faire un vrai long métrage de cinéma, genre Blockbuster qui n’a rien à envier aux films récents de Disney/Pixar. Pourtant, ce n’était pas gagné et la prise de risque palpable à chaque instant. Une expérience d’immersion cinématographique avec différents niveaux de lecture.
Ce n’est pas pour rien que ce film a été sélectionné au festival de Cannes en 2021 puis aux Oscars en 2022. Hosoda a déclaré : « Belle est le film que j’ai toujours rêvé de créer et j’espère que ce sera un grand spectacle de divertissement ».
Je trouve que cela résume bien ce film. Hosoda a compris l’utilité d’élargir son public, mais il le fait bien, en restant fidèle à ses messages et à l’authenticité de l’animation japonaise. Il conserve aussi un style d’animation unique, mais ouvert à la 3D qu’il intègre à merveille dans ce film.
Pour toutes ces raisons, Belle est pour moi le film d’animation de l’année 2021 (même s’il y avait de la concurrence). Je l’ai vu deux fois la semaine dernière et j’ai encore envie de le revoir.
On commence cette histoire en tant que simple spectateur. A la fin du film, j’ai ressenti un véritable sentiment d’accomplissement. Je ne pense pas que Belle est un film à trop analyser, sur interpréter, même si c’est un ce que je fais un peu dans cette vidéo. C’est un film profondément humaniste, accessible que l’on peut très bien l’apprécier en famille en se laissant porter par le spectacle, les chansons et la beauté de l’animation. Et pour tout cela, j’ai envie de dire merci Monsieur Hosoda de rendre cette fin d’année plus Belle.
https://www.youtube.com/channel/UCeLmCGO5ksnjMM5MLrhCEDw
https://japoncinema.com/les-films-danimation-japonais-a-voir-au-cinema-en-2021/