Aller au contenu
Accueil - Critique du film japonais « CLOUD » de Kiyoshi Kurosawa

Critique du film japonais « CLOUD » de Kiyoshi Kurosawa

Cloud est un long métrage japonais réalisé par Kiyoshi Kurosawa. Il sort en france au cinéma le 4 juin 2025. Ce film était sélectionné pour représenter le Japon aux Oscars en 2025. Voici ma critique du film japonais « CLOUD » de Kiyoshi Kurosawa.

L’histoire : Ryosuke plaque tout pour vivre de la revente en ligne. Mais bientôt, il se retrouve au centre d’une série d’événements mystérieux qui vont mettre sa vie en danger.

La bande annonce :

Sur le déroulement de l’histoire, Cloud est imprévisible. C’est une surprise pour moi car il représente presque deux films en un, ou plutôt deux actes d’un même film. Le premier acte est une lente et captivante exploration en mode thriller et « tranches de vie » avec en toile de fond l’univers du dark web, ce monde caché de la réalité ou l’argent est bien réel. Le second acte dévoile une partie orienté davantage sur l’action avec une longue fusillade en forme de règlement de compte.

Ce film marque à la fois une exploration de K. Kurosawa dans le registre de l’action mais aussi une forme de retour à ses racines, à travers l’esprit de contre-culture qu’il a porté dans sa filmographie. Sans détour, ici il nous montre qu’avec l’évolution d’internet, la terreur psychologique n’est plus aussi abstraite que dans les années 90 et 2000. Même si ce n’est pas mon film préféré du réalisateur, j’ai apprécié le déroulement de son histoire pour trois raisons et pour son humour, parfaitement distillé tout au long du film. Je vous présente sans attendre ces trois qualités que je développe dans la suite de mon article.

1ère raison : Les retournements du situation. Vous verrez que l’on bascule de genre tout au long du film, avec notamment une partie orientée « film d’action », l’humour très présent et subtil. On voit que K. Kurosawa s’est appliqué à faire ce film pour surprendre les spectateurs.

2ème raison : La performance de l’acteur principal, Masaki Suda, du début à la fin du film.

3ème raison : Le thème principal du film que K. Kurosawa nous donne à analyser qui se dévoile dès l’ouverture du film : la vente sur internet et ses conséquences sur le lien social. La première scène nous présente le personnage principal, Ryosuke, de manière très originale, il regarde son écran d’ordinateur, une scène sans dialogue. Elle révèle ce thème principal du capitalisme désincarné sur internet. D’une course au « toujours plus d’argent facile » peu importe les moyens.

1)Un scénario imprévisible qui bascule vers l’action

Ryosuke travaille dans une usine de textile, un job qu’il ne supporte plus, un patron qu’il ne peut plus encadrer. Alors quand il lui propose pourtant une promotion il refuse fermement. Il préfère revendre des objets sur internet : des appareils médicaux, des sacs à main, des figurines de collection, tout cela afin d’en gonfler artificiellement les prix et de les revendre à des inconnus pour en tirer profit. Dès le début du film, on voit qu’il cherche à sortir du cadre normale et rangé dans le cadre strict de la société.

Seule sa petite amie, Akiko (Kotone Furukawa) trouve grâce à ses yeux et ses sentiments. Elle est plus enclin à lorgner sur ces affaires et sa carte bleu. Un jour il décide de quitter son travail pour se consacrer à temps plein dans son activité d’achat/revente de produits sur internet. Certains articles qu’il vend sont authentiques, d’autres sont contrefaits. Il aspire à gagner plus d’argent (facile) avec des contrefaçons bon marchée pour les revendre, 2 fois, 10 fois, 50 fois plus cher. Lorsqu’il met ses produits sur internet, on le voit attendre sagement leur vente sur son siège, dans l’indifférence, sans se soucier de qui les achète. D’ailleurs, je pense qu’à aucun moment il ne doute vraiment de son honnêteté. C’est peut être par naiveté qu’il ne pense pas que jouer ce n’est pas toujours gagner.

Au fur et à mesure des ses ventes (douteuses sur la rapport qualité/prix), sa réputation se répand en ligne…Et son patron ne l’a pas oublié. Il vient même chez lui. Ryosuke se fait une belle frayeur et prend une décision.

Car l’avantage de travailler sur Internet, c’est de pouvoir se connecter de n’importe quel lieu. Donc Ryosuke propose à Akiko de prendre un nouveau départ, dans une grande maison au bord d’un lac à la campagne.

Mais là encore, tout ne pas se passer comme prévu. Le film bascule progressivement vers des scènes d’action, une thriller qui mélange les genres les courses poursuites, des réactions inattendues. Un point positif est que l’humour est toujours très présent, les personnages sont tournés en dérision. j’ai adoré la scène dans le magasin de figurines ou le vendeur va faire des déçus. La culture tech, manga, anime respire dans ce film avec beaucoup de second degré. C’est une réussite.

La maison au bord du lac est elle celle qu’Akiko imaginait pour leur escapade romantique ou plutôt le siège social de sa nouvelle entreprise de revente à temps plein ? Mais personne qui vit d’internet n’est si difficile à trouver. Et c’est une volonté primitive d’annihilation de l’autre que son déménagement va provoquer. Les émotions de ceux qu’il a croisé, qu’il a peut être négligé, rangé dans ses cartons, peut surgir et le retrouver a tout moment. C’est l’idée que derrière l’ordre apparent de la société moderne, derrière cette forme d’autorégulation, se cache une sauvagerie extrême que personne ne peut contrôler.

Le déroulement de l’histoire est imprévisible et il y a de nombreux les retournement de situation. Ryosuke se retrouve vite pris au piège de son jeu dangereux. De toutes ces personnes qu’il a plus ou moins négligées dans son but de réussite. De toutes celles et ceux dont il ne s’est jamais méfié. Qui représente une menace ? Le point négatif dans la seconde partie (orientée plus action) est que j’ai relevé certaines scènes un peu longues, notamment celle de la poursuite dans l’usine s’étire inutilement à mon sens et trop de balles sont tirées. C’est un peu long et redondant.

J’ai apprécié le personnage de Sano, son assistant. Vous verrez qu’il s’occupe du sale boulot, au sens propre comme au sens figuré.

Quelques mots sur la réalisation. Je précise que j’ai vu ce film directement à la suite de Chime donc forcement je l’ai trouvé un peu en dessous en terme d’effet et de tension visuelle.

2)Masaki Suda au sommet de son art

Tout le film tourne autour de son personnage principal Yoshii Ryosuke, de ses petites victoires à sa chute. Pourtant il ne dévoile rien sur son passé, on en découvre peu sur son caractère. Ce sont ses décisions et ses interactions avec les autres personnages qui sont au centre de l’histoire. Et qui vont le prendre au piège.

On peut dire que dans ce rôle Masaki Suda est excellent. Il confirme qu’il représente l’avenir du cinéma japonais et je suis impatient de voir ses prochains films. Dans Cloud, il est aussi plus doué pour apprendre au tirer avec une arme à feu que pour faire un café.

Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas encore, c’est un jeune acteur (29 ans) mais déjà confirmé. Il a joué le premier rôle au cinéma dans les films « N’oubliez pas les fleurs » sorti en France le 1er mars 2023.  C’est lui aussi qui prête sa voix au personnage du Héron dans « le garçon et le Héron » de Hayao Miyazaki. Là encore un réussite. Il est aussi célèbre pour son couple avec Nana Komatsu avec laquelle il a joué. Je vous invite à voir ce film « Drowning Love » qui date de 2016.

Pour en revenir au film, on ne peut que saluer sa performance. Il incarne parfaitement ce personnage plus complexe qu’il n’y parait. Un personnage qui révèle à la fois un certaine droiture (il est toujours sincère quand il parle et agit) mais on ne sait jamais ce qu’il pense vraiment. Il veut se marier, déménager, gagner plus d’argent, se faire un café dans cette machine capricieuse. On se demande s’il est naif ou calculateur ? A la recherche d’une vie simple ou du profit maximum ?

Au fur et mesure que le film se déroule, on se demande s’il arrive toujours à ses fins ou s’il est pris à son propre piège, notamment toujours rattrapé par toutes ses connaissances. Je n’ai pas d’avis tranché car je pense que Ryosuke est un peu tout cela à fois. Il ne semble même plus particulièrement intéressé par l’argent. Pour lui, le solde de son compte courant est vu comme le score d’un jeu vidéo. Ce qui est certain, c’est évolue dans la dernière partie du film, à partir du moment ou il est libéré. La scène de fin est révélatrice de sa prise de conscience finale et de son constat sincère et sans appel sur ce qu’il ressent à la fin du film.

Un mot sur l’acteur Mutsuo Yoshioka que vous pourrez retrouver (en forme de clin d’oeil) dans le film « Chime » dans un rôle encore plus inquiétant. Un autre trait d’union entre les deux films, Chime et Cloud, ce sont les références à la France, la cuisine française, les cartons « made in France », la voiture de marque Renault. Un trait d’union qui se prolonge avec le troisième film de K Kurosawa sorti en 2024 et tourné en France, le chemin du serpent qui est un remake de son film sorti au Japon en 1998. Et bonne nouvelle il sort en France au cinéma le 13 aout 2025.

3)La société numérique en questions ?

Cloud explore les dérives du capitalisme numérique et la violence engendrée par l’anonymat en ligne.

Il aborde le thème de la modernité, plus précisément les effets déshumanisants de la communication à travers la vente sur internet. La première partie du film est une succession de délits mineurs qu’internet permet de commettre les uns contre les autres mais à distance et dans l’anonymat donc en toute impunité. La deuxième partie du film révèle ce qui se passe lorsque ces délits mineurs atteignent un seuil critique, et que la rancoeur qui s’est développée sur les réseaux sociaux se répand dans le monde réel et se retourne contre son auteur. Rien de mieux qu’un jeu de société !

L’œuvre de Kurosawa témoigne depuis longtemps d’une fascination morbide pour la relation entre détresse psychique la diffusion du mal, à travers la violence psychologique et physique qui résulte en partie d’une mauvaise communication entre les personnages. En résulte une volonté de faire mal. Je trouve que « Cloud » actualise cette approche classique du réalisateur pour nous montrer une vision assez pessimiste de l’évolution du monde numérique. Une grande partie de notre société se retrouve empêtré dans un réseau infini mais invisible pour gagner de l’argent, pour espionner l’autre et laisser exploser des rancœurs amères.  La fin du film interpelle : est ce que l’omniprésence de ce réseau fait que même les plus vertueux pourraient se précipiter vers les portes de l’enfer ? Et qui nous conduit dans cette direction ?

Cloud nous interroge aussi sur le actions et les réactions du personnage principal, tout cette violence qu’il a engendré en ligne et qui se retourne contre lui. comment on aurait agit et réagit à sa place ? Est-ce un escroc ou  anti-héros maladroit ?

Au début du film, on voit son patron enthousiaste qui lui propose une promotion lui dit qu’il manque d’assurance et de confiance en lui.  Lorsqu’un vieil ami d’université (Masataka Kubota dans le rôle de Muraoka) lui propose un business douteux il refuser en en même temps il s’excuser presque de privilégier sa petite ami, d’avoir osé rechercher un « bonheur conventionnel », comme si être en couple et vouloir se marier trahissait leur engagement tacite à pendre tous les gens pour des idiots (en arnaquant les gens sur internet). Ryosuke est il un coeur pur ? Je pense qu’il n’incarne pas le mal volontairement mais comme dans « Chime » ou « Cure », le mal n’existe pas visuellement, il se diffuse de manière invisible et tous les personnages sont affectés.

Ce que je trouve très intéressant aussi dans ce film, c’est que K. Kurosawa livre son analyse du « joueur » qui contraste fortement avec l’obsession des médias modernes pour les arnaques, qui peuvent être présentés comme des héros des temps modernes, des anti système. Ryosuke est présenté comme quelqu’un de banal. Un employé fatigué par ses horaires, qui ne supporte plus son boss et qui aspire à autre chose.

Cloud dresse un portrait bien fade de la réussite sur internet. Pour illustrer mon propos, dans le film on ne voit aucun bijoux, ou objet bling bling. La valeur des produits est évaluée à l’aune du marché, de l’offre et de la demande, et on retient plus les nombreux plans sur les cartons que sur les objets de valeur eux même. Comme pour nous dire que les produits ont la valeur qu’on veut bien leur donner. Ryosuke est dans sa bulle de verre (comme la figurine qu’il veut vendre à prix d’or)

Car je pense qu’il n’aspire pas à la richesse matérielle. Son addiction croissante à la revente semble plutôt être une tentative de jouer, à écouler sa marchandise. A ce titre, on peut dire que personnage est dans la ligne droite de ceux de K. Kurosawa. Sa banalité, ses sentiments que ce soit dans ses désirs (son manque d’ambition), comme dans sa chute, sont intériorisés dans le premier acte avant d’éclater de manière forcée dans la seconde partie. La fin du film est ouverte, le début d’une nouvelle vie ou un chemin vers qui ? vers quoi ? La scène de fin nous plonge dans un univers qui ouvre vers le futur, en forme de rêve (l’aspect visuel peut nous faire penser à une scène de « Yume/rêve » d’Akira Kurosawa) ou un cauchemar ?

Puisque que la fin du film est ouverte sur le futur, je veux conclure mon article sur une note positive. Plus précisément, sur une citation du film « Jellyfish » réalisé par K. Kurusawa (en 2003) avec les immenses acteurs Tadanobu Asano et Joe Odagiri. Une citation que je vous livre à votre réflexion : « Je fais toujours beaucoup de rêves que je sui endormi. Ces rêves sont toujours à propose du futur. Le futur dans mes rêves est toujours brillant. Un avenir débordant de paix et de prospérité. C’est pour cette raison que j’aime être endormi ».

Cette citation résume aussi l’univers du numérique, comme une projection de nos rêves, à la frontière de la réalité, sommes nous endormis ou vraiment réveillés ?

Les affiches de film :

Critique du film CLOUD de Kiyoshi Kurosawa

https://japoncinema.com/les-films-japonais-a-voir-au-cinema-en-2025/

https://www.youtube.com/channel/UCeLmCGO5ksnjMM5MLrhCEDw

Votre avis ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.