Ghost in the Shell est un film d’animation de Mamoru Oshii sorti en France en janvier 1997. Il est l’adaptation du manga homonyme de Masamune Shirow.
De quoi parle le film : En 2029, la frontière entre humanité et technologie a presque disparu. Sous les ordres du major Kusanagi, une femme cyborg ultra-perfectionnée, la section 9 est responsable des crimes technologiques. Le groupe est à la recherche du mystérieux hacker qui sévit aux 4 coins du monde.
« L’origine d’un projet vertigineux »
Contacté par Bandai, 6 mois après la fin de la réalisation du second volet de Patlabor, Oshii est un réalisateur déjà confirmé (vous vous souvenez de l’animé « Lamu » ?) mais pas forcement en quête de reconnaissance internationale. Il interroge longuement sur ce projet puis accepte de réaliser Ghost in the Shell (GITS dans la suite de l’article). Il déclare : « j’ai su que je pourrai faire ce film d’animation lorsque je suis tombé sur une scène du manga montrant les pieds d’un ange ». Je voulais changer la perception que la majorité des gens avait des nouvelles technologies ».
Il va proposer une adaptation plus personnelle, plus réaliste que celle du manga de Shirow sans pour autant le trahir. Shirow a lui-même déclaré que l’adaptation de son manga devrait être vu comme un univers parallèle. Il attendait de cette adaptation qu’elle modifie le matériau original.
La création de GITS sera longue et laborieuse, au prix d’une implication totale qui prendra plus d’un an au réalisateur et on son équipe. Il avoua en sortir tellement épuisé qu’il mettra plus de 5 ans pour sortir son film suivant.
Fin 1995, Mamoru Oshii livre un film qui marquera l’animation et le rendra célèbre au Japon, en Europe et aux États-Unis. Un film qui le réalisateur James Cameron qualifie « d’excellence littéraire et visuelle » et qui va influencer le travail des frères Wachowski pour Matrix.
« L’exploration des rapports entre l’homme et la technologie »
Quand on voit le film pour la première fois, il peut paraitre complexe et dur à suivre. Mais le message central est assez simple et souvent mal interprété. Oshii ne renie pas la technologie, il considère juste que la robotique a une double facette (positive et négative).
A travers les humains qui reçoivent des implants, il faut chercher à comprendre comment les hommes peuvent garder leur nature humaine dans une société formatée et dépendante de l’électronique et des nouvelles technologies.
C’est un aspect de la personnalité d’Oshii (qui est passionné par les machines) mais aussi caractéristique de la société japonaise. Depuis 1945, on constate que ce pays n’a cessé de se moderniser dans le domaine de la robotique et de l’intelligence artificielle. Infatigable et immortelle, la technologie représente pour certains une certaine idée de la perfection.
Il est intéressant de constater que dans son film, Oshii ne remet jamais en question la présence des machines, qui est aujourd’hui ancrée dans notre quotidien, mais pose une question plus profonde : Est ce que la modification de l’être humain est censé le rendre meilleur ?
La réponse apportée est nuancée quand on analyse le mal-être de tous les personnages principaux, mi-homme, mi-machine, en particulier le major Motoko Kusanagi et son ennemi, master puppet. Bien que chacun soit amélioré dans ses performances (physiques et intellectuelles), il semble à tous leur manquer quelque chose.
« L’existentialisme est un humanisme »
Tout le film laisse transparaître la mélancolie du major Kusanagi. Ce constat est évident lors des scènes ou elle se retrouve seule, notamment lors de son réveil et qu’elle s’assoit sur son lit ou lorsqu’elle parcoure seule les rues de la ville. Oshii nous livre une message profond sur sa conception de l’homme : qu’est ce que l’être humain ? Qu’est ce qui le distingue de la machine ?
On peut y voir un lien avec les travaux de philosophie de René Descartes et Jean Paul Sartre sur l’existentialisme. Toutefois, il serait vain de chercher à expliquer tous les éléments du film tant le message est dense et à mon avis recèle un aspect assez personnel pour le réalisateur.
Dans GITS, Oshii nous présente aussi sa vision de l’évolution de l’homme. Une scène est particulièrement explicite sur ce thème : celle ou l’on voit une fresque murale qui représente l’arbre de l’évolution humaine. Elle est complètement détruite par le super tank commandé par le puppet master. Assez explicite !!
Qu’est ce que cela veut dire exactement : pour le réalisateur, l’humanité telle que nous la connaissons aujourd’hui est progressivement supplanté par quelque de nouveau d’amélioré. Mais il manque à la machine, pour exister et être libre. C’est la capacité à se reproduire. Le puppet master va alors chercher à s’accoupler, à fusionner avec le major Kusanagi pour donner naissance à une nouvelle forme de vie.
La scène finale est révélatrice : c’est sous la forme d’un fillette qu’on retrouve le fruit de leur union.
« Une réalisation ré-inventée et une mélodie mythique »
La réalisation est un gros point fort du film. Elle innove à tous les niveaux :
Oshii a pris de vrais risques et ils sont payants : les tenues de camouflages, les méchas, les longs plans séquences de la ville futuriste. C’était audacieux pour l’époque (le film est sorti il y plus de 20 ans) et c’est réussi.
L’univers du manga de Masamune Shirow est donc parfaitement adapté à l’écran. Il gagne même en maturité et en détails (les gouttes d’eau sur les masque de plongé du major) ce qui donne davantage de profondeur et d’intensité au film.
La qualité et le rythme de l’animation sont assez bluffants. Chaque plan est maitrisé et sublimé par la combinaison entre l’animation traditionnelle et des effets 3D par la technique CGI (Computer Generated Imagery).
Les scènes cultes se succèdent avec une grande cohérence.
Tous d’abord, les scènes d’action sont vraiment réussies. Le combat dans l’eau permet d’admirer toute la virtuosité dans l’animation des personnages. Celle du combat final entre le major et le tank atteint des sommets d’intensité.
Les scènes plus contemplatives ne sont pas en reste en terme d’émotion. La balade de Makoto (au milieu du film), en quête de son identité, qui malgré son regard figé nous entraîne avec elle dans les tourments de son âme.
La musique de Kenji Kawai a énormément contribué à l’identité et au succès du film. Le thème principal (entièrement chanté en japonais ancien) est tout simplement inoubliable. Il est judicieusement distillé tout au long du film. Sa puissance émotionnelle est telle que qu’à chaque fois que je l’écoute j’ai du mal à rester insensible. Le reste de la musique est plus inégale mais s’adapte parfaitement à l’univers futuriste et intriguant voulu par Oshii.
Conclusion : Ghost In The Shell est un chef d’oeuvre intemporel. Son scénario peut paraitre obscur mais il est d’une grande maturité narrative. Voir ce film est aussi une expérience visuelle et sonore unique qui marque à jamais. Un film d’animation dont la place au panthéon est incontestable et une source d’inspiration intarissable.
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Ghost in the shell film 1995