Lorsque je pense à Akira Kurosawa, ce qui me vient me vient à l’esprit, c’est une évocation « le plus grand ». Tout le monde est s’accorde à dire que ses films sont des chefs-d’œuvre du 7e art. Pour moi, il incarne l’éternité du cinéma, autant le passé, que le présent ou l’avenir.
Il incarne aussi la diversité. On ne doit pas résumer la carrière de Kurosawa aux jidai-geki (films historiques) et ken geki (films de sabre). Car il s’est essayé à presque tous les genres : les films les variations d’aventure (La Forteresse cachée), la romance (un merveilleux dimanche), le Yakuza eiga (l’Ange ivre). Il est passé du drame (Le Duel silencieux, les bas-fonds, Les salauds dorment en paix) à la comédie dramatique (Chronique d’un être vivant). Il pousse sa créativité jusqu’à des films expérimentaux (Rêves et Dodesukaden). Et j’aimerai découvrir tous ces films au cinéma.
Un film de ses films m’a particulièrement marqué. C’est le premier que j’ai vu. C’est aussi un inclassable dans l’histoire du cinéma japonais, autant universel qu’intemporel. Ce film spécial, c’est RASHÔMON qui est sorti au japon en 1950. Le premier film japonais à avoir remporté un grand succès à la fois au Japon et à l’étranger. En 1951, il est le premier film asiatique à remporter le Lion d’Or à la Mostra de Venise. Les français le découvrent au cinéma en 1954.
L’excellente nouvelle, c’est que ce film resort en France. Une occasion unique de le voir pour la première fois au cinéma en version restaurée sur grand écran le 10 août 2022. Pour plonger dans le Japon médiéval de l’ère Heian (794-1185).
Critique du film Rashômon – Akira Kurosawa (1952)
Date de sortie au cinéma : 10 août 2022
Distributeur : POTEMKINE FILM
Il faut savoir que Rashomon a été réalisé juste après la fin de la seconde guerre mondiale, donc pendant la période d’occupation américaine du Japon. Pendant cette période, la production de films était étroitement contrôlée et pouvait mener à des interdictions d’exploitation. L’évocation de samouraïs et de combats au sabre étaient interdits car considérés comme trop nationaliste. Akira Kurosawa rencontra donc beaucoup de difficultés pour produire son film, qui ne fut autorisé que par l’assouplissement de la censure en 1950.
L’histoire du film :
Un paysan vient s’abriter d’une pluie torrentielle sous une vieille porte délabrée où se sèchent déjà un bûcheron et un prêtre. Ces derniers semblent ne rien comprendre à une affaire à laquelle ils ont été mêlés bien malgré eux. Un samouraï aurait été assassiné et sa femme violée. Quatre personnes sont témoins du drame, dont le prêtre et le bûcheron. Un procès est ouvert. Chacun(e) va donner sa versions des faits. Le problème est qu’elles sont toutes contradictoires.
Parmi ces Quatre personnages : Qui est le coupable, Qui est la victime ? A vous de vous faire votre avis…
- Tashehiro, le samouraï (Masayuki Mori)
Il est mort après une rencontre avec le bandit Tajomaru dans les bois. Son esprit est ensuite perçu par un médium afin qu’il puisse raconter sa version de ce qui s’est passé ce jour-là. Après que sa femme et Tajomaru aient raconté différentes versions de sa mort, il fournit encore une autre version.
- Tajomaru, le bandit (Toshirō Mifune) :
Tajomaru est un bandit de grand chemin. Un samouraï et sa femme croisent sa route lors d’un voyage à travers les bois. Tajomaru est capable de maîtriser et d’attacher le samouraï. Il se retrouve au bord de la rivière avec les flèches volées du samouraï dans son dos. Il donne son récit devant les autorités, admettant qu’il a assassiné l’homme, mais sa version de l’histoire est différente de celle de la femme et de l’esprit du samouraï.
- Masago, la femme du samouraï (Machiko Kyō) :
Masako voyage avec son mari samouraï à travers les bois lorsque le bandit Tajomaru les agresse. Elle raconte son histoire devant les autorités : qu’elle s’était évanouie après que son mari et quand elle s’est réveillée, son poignard était dans le cœur de son mari.
- Le bûcheron (Takashi Shimura) :
Il découvre le meurtre du samouraï dans les bois. Après avoir entendu les versions différentes de l’histoire devant les autorités il commence à perdre confiance dans la capacité de l’homme à être bon et à dire la vérité. Mais, alors qu’il semble avoir perdu la compréhension des autres, c’est lui-même et sa propre âme qu’il ne comprend pas, car lui aussi a omis de dire la vérité sur ce qu’il a vu dans la forêt.
Critique du film – RASHÔMON d’Akira Kurosawa :
Les + :
+ Un casting 4 étoiles (Toshirô Mifune, Masayuki Mori, Machiko Kyô, Takashi Shimura). L’art de composer et de se décomposer dans leurs mouvements, leurs paroles, leurs expressions, au service du thriller et de la psychologie.
+ Une histoire en forme de quête de vérité. Un face à face entre le spectateur et chaque personnage. Un récit d’une authenticité rare qui montre les multiples facettes de la vérités, toutes possibles pour percer le mystère de la réalité. Kurosawa met en scène des personnages qui trichent, qui mentent, qui sont potentiellement le coupable idéal. Mais lui n’oriente jamais le récit pour nous faire « préférer un personnage » et « désigner un coupable ». Car la vérité de Rashomon réside dans chaque séquence, dans chaque plan et ne tient qu’à la confiance que le spectateur accorde à celui qui narre son histoire.
+ La construction du film, au tour par tour cinématographique, avec ces témoignages successifs, ces histoires dans l’histoire qui jouent sur le temps (à travers les flashbacks). Kurosawa laisse la totale liberté au spectateur de se faire sa propre opinion. Le cadre et la mise en scène participent à cette ambiance.
+ Une manière originale de traiter un thème philosophique : « De la réalité chacun se fait une idée » (jamais égalée dans l’histoire du cinéma). « L’effet Rashōmon » ne concerne pas uniquement les différences de perspective. Il est présent lorsque des différences sont associées à l’absence de preuves permettant de conforter ou de disqualifier toute version de la vérité, ainsi qu’à la pression sociale exercée en faveur de la clôture du débat » cours de Robert Anderson, professeur de communication à l’université Simon Fraser de Vancouver.
+ Un film qui puise dans l’histoire de Japon (Procès de Tokyo et Bombes nucléaires) sa modernité (pression sociale sur la justice, l’art de la communication pour manipuler l’opinion). Des thèmes de société qui sont plus que jamais aujourd’hui.
La bande annonce :
Date de sortie au cinéma : 10 août 2022
Distributeur : POTEMKINE FILM
L’affiche originale :
https://japoncinema.com/les-films-japonais-a-voir-au-cinema-en-2022
https://www.youtube.com/channel/UCeLmCGO5ksnjMM5MLrhCEDw
Bravo pour ce bel article
Merci