Pour moi, c’est le plus grand, celui que j’admire le plus. Koji Yakusho m’a faut découvrir le cinéma japonais contemporain. Lorsque jeune adolescent à la fin des années 90, lorsque j’ai découvert pour la première fois le film « Unagi » (l’anguille) sur mon petit écran de télévision. Bien sur je ne connaissais pas son nom (encore moins celui Inamura) mais j’ai le souvenir d’avoir été marqué par ce chef d’oeuvre, par des tranches de vie au Japon, en grande partie grâce à lui. Festival KINOTAYO 2024 – Rétrospective exceptionnelle en présence de l’acteur KOJI YAKUSHO
Koji Yakusho fait partie des acteurs qui font corps avec l’histoire, quelque soit le genre de film, il ne cherche pas à briller, mais trouve une lumière qui ne triche pas. Dans quasiment chacun de ses rôles, je trouve qu’il délivre une vérité, en forme de leçons de vie. C’est ce que je recherche que je vais voir un film au cinéma. Ces quelques mots sont dérisoires par rapport à la richesse de sa carrière et il me faudrait des jours pour vous décrire ce que cet artiste représente pour moi. Alors je vous laisse juste imaginer ma joie quand j’ai appris qu’il sera présent cette année pendant le festival Kinotayo à Paris. On va avoir la chance de découvrir une rétrospective exceptionnelle avec cinq films que je vous présente dans cet article.
Cela peut paraitre paradoxal, Koji Yakusho est un artiste dont l’intériorité fait naître les émotions. Car il se tourne toujours vers l’autre, ses rôles sont souvent marqué par un altruisme (désintéressé), teinté de mélancolie et de poésie. Comme un photographe, il crée instantanément du lien, cette association qui fait que l’on se sent proche de cet acteur et donc complètement impliqué dans l’histoire/l’intrigue (quand il interprète le rôle d’un avocat ou d’un policier) qui donne l’impression d’une documentaire vécu. Il parvient autant à nous envouter qu’a nous surprendre. Je trouve aussi que la force qu’il dégage dans l’adversité est remarquable, au delà des mots et des apparences, ce qui me parle beaucoup. Comme Chishū Ryū, à travers ses rôles inoubliables, il va traverser les générations.
Koji Yakusho, né en 1956 dans la préfecture de Nagasaki, s’illustre parmi les acteurs japonais à la carrière florissante. En 1978, il débute par une formation auprès du légendaire Tatsuya Nakadai, lui-même ayant tourné avec Akira Kurosawa, Mikio Naruse et d’autres figures mythiques du cinéma japonais. Son ascension est dûe à ses rôles notables dans le délicieux Tampopo (1985) de Juzo Itami – l’homme au costume blanc – puis dans Shall We Dance ? (1996) de Masayuki Suo, comédie dansée dans laquelle il occupe le rôle principal.
Par la suite, il collabore avec des cinéastes japonais de renommée internationale comme Shohei Imamura – ensemble, ils ont travaillé sur L’anguille (1997), palme d’or du festival de Cannes de cette année – et Kiyoshi Kurosawa. Pour ce dernier, il a fait partie de ses acteurs fétiches en étant casté pour 8 de ses films dont Cure (1997), leur première collaboration. Sa carrière se développe à l’international, lorsque le grand public le découvre dans les films récompensés aux Oscars Mémoires d’une geisha (2005) de Rob Marshall et Babel (2006) d’Alejandro González Iñárritu.
Yakusho multiplie les casquettes en s’essayant à la réalisation, se positionnant devant et derrière la caméra pour son film Toad’s Oil (2009). Il flirte avec l’animation en tant que seiyū (acteur spécialisé dans le doublage) pour plusieurs films de Mamoru Hosoda. Prochainement, on retrouvera sa voix dans Totto-chan, la petite fille à la fenêtre de Shinnosuke Yakuwa, récompensé du prix Paul Grimault au festival d’Annecy en 2024. En parallèle, il fait son apparition dans certaines productions télévisées, notamment le thriller fantastique Séance (2000) de Kiyoshi Kurosawa et plus récemment, la mini-série Netflix The Days (2023) se basant sur la catastrophe à Fukushima en 2011.
En 2023, il a acquis une notoriété encore plus importante avec son rôle dans Perfect Days de Wim Wenders pour lequel il a remporté le prix d’interprétation masculine au festival de Cannes en 2023 – à (re)découvrir en rétrospective pour la 18ème édition de notre festival. Il est également à l’affiche d’Hakkenden (2024) de Fumihiko Sori, son dernier long-métrage, programmé dans la sélection en compétition.
1) »Shall We Dance? » réalisé par Masayuki Suo (1996)
Synopsis : Shohei, un homme d’affaires, mène une vie banale jusqu’au jour où il aperçoit une femme penchée à sa fenêtre. Fasciné par son regard, il décide de s’inscrire à l’Académie de danse où elle est professeur. Ce film qui fut un succès international connut plus tard un remake hollywoodien avec Richard Gere, se glissant dans les pas de Koji Yakusho.
La bande annonce :
2) « L’Anguille » réalisé par Shohei Imamura (1997)
L’histoire : Takuro, après huit ans passés en prison pour le meurtre de sa femme adultère, est mis en liberté conditionnelle. Il ouvre un salon de coiffure mais reste obstinément taciturne ne se livrant qu’à une anguille apprivoisée durant sa captivité. Keiko, une jeune femme qu’il sauve du suicide, devient son assistante et égaie bientôt le salon et la vie tranquille du solitaire Takuro. Mais le passé ressurgit pour chacun d’eux, avec ses démons…
La bande annonce :
3) « CURE » réalisé par Kiyoshi Kurosawa (1997)
L’histoire : Un officier de police, Takabe, enquête sur une série de meurtres dont les victimes sont retrouvées avec une croix gravée dans le cou. Un jour, un jeune vagabond est arrêté près de l’endroit où a été retrouvé le dernier corps. Il est vite identifié comme un ancien étudiant en psychologie, devenu fou et ayant d’inquiétants pouvoirs hypnotiques, lui permettant de pousser des gens à commettre des actes criminels…
La bande annonce :
4) « The Blood of Wolves » réalisé par Kazuya Shiraishi (2017)
L’histoire : Hiroshima, 1988. En pleine guerre des gangs, deux détectives enquêtent sur la disparition d’un employé d’une société financière. L’un des deux enquêteurs est suspecté d’être en lien avec la mafia. Adapté d’un roman de Yuko Yuzuki (Le Loup d’Hiroshima) puisant aux sources de la célèbre série Combat sans code d’honneur (1973-74) réalisée par Kinji Fukasaku, le film d’un réalisme saisissant au rythme soutenu, se veut une réponse du studio Toei à la série Outrage.
La bande annonce :
5) « Perfect Days » réalisé par Wim Wanders (2023)
L’histoire : Hirayama est employé des toilettes publiques à Tokyo. Chaque jour, il répète les mêmes gestes, sans la moindre lassitude, se dévouant humblement à sa tâche. Dans sa camionnette qui le mène à son travail, il écoute des standards pop, rock ou jazz sur ses cassettes, soigneusement rangées dans l’appartement où il vit seul. Il prend des photos d’arbres lorsque la lumière le séduit, lit des ouvrages glanés au hasard de ses passages dans une librairie où il a ses habitudes, tout en s’amusant du comportement nonchalant de son jeune collègue. À la faveur de diverses rencontres, on devine un passé complexe dont il s’est détaché…
Grand amoureux du Japon et d’Ozu en particulier (Tokyo-ga), Wim Wenders s’est vu offrir une commande qu’il n’a pas pu refuser : mettre en scène des toilettes dessinées par de grands architectes dans le quartier de Shibuya, dans une indépendance artistique totale. Il s’est approprié ce projet pour renouer ses liens avec une ville si lointaine mais si proche, le temps d’ une déambulation mélancolique et poétique menée par un homme solitaire mais heureux, libéré du poids du monde. Il est incarné avec un apaisement communicatif par le grand Koji Yakusho, également tête d’affiche de Father of the milky way railroad, présenté en compétition à Kinotayo cette année. Une nouvelle ode à l’errance si chère au cinéaste allemand.
La bande annonce :
https://www.youtube.com/channel/UCeLmCGO5ksnjMM5MLrhCEDw