Mon interview du réalisateur Hirokazu KORE EDA

Mon interview du réalisateur Hirokazu KORE EDA

C’est en grande partie grâce à lui que je me passionne pour le cinéma japonais. Hirokazu Kore-eda est l’un des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma. J’ai eu la chance de le rencontrer le temps d’un entretien lors de son déplacement à Paris pour présenter son dernier film sorti au cinéma en France, « Nos bonnes étoiles ». Pour moi, un immense honneur d’échanger avec celui qui a changé ma manière de voir des films et de constater que le lien entre le cinéma japonais et la France existe aussi en dehors des salles de cinéma. 

J’ai découvert le cinéma de Kore-Eda au tout début des années 2000. Mon premier film c’est « After life » que j’avais vu à la télévision puis « Nobody Knows » au cinéma, dans une période difficile de ma vie. Ces deux films me marquent encore aujourd’hui, il sont une forme de repères personnels. La filmographie de Kore Eda est remplie d’explorations sublimes des émotions les plus complexes qui s’intéresse. Car il dévoile et sublime les relations humaines avec une sincérité totale. Ses films s’attardent dans nos mémoires longtemps après la fin du générique.

Pourquoi il faut découvrir les films de Kore Eda ? Pour en savoir plus, je vous invite à suivre le lien à la fin de cet article ou je présente l’intégralité de sa filmographie. En ce moment, « Kaibutsu » (Monster),il présente son nouveau film au festival de Cannes 2023. 

Revenons à ce mardi 29 novembre, j’avais rendez vous pour un entretien avec lui en début de soirée devant son hôtel, au coeur du quartier Latin à 18h. Pour arriver à l’heure ce soir je suis parti du travail plus tôt, mais les rues de Paris sont déjà aussi sombre qu’une salle de cinéma. Ma rencontre avec Kore Eda allait m’apporter une lumière inattendue. 

A ce moment, je me souviens ressentir un mélange d’excitation et d’appréhension. Celui que l’on pressent avant de passer un moment auquel on tient. Une pression qui prouve que l’on veut donner le meilleur de nous même. Toute la semaine, j’avais préparé des fiches sur ses films, lu toutes ses interviews sur internet. Maintenant, avec le stress je voulais juste tout oublier, pour simplement profiter du moment. Presque laisser la place à l’improvisation. En arrivant devant son hôtel, à l’accueil, son attaché de presse m’accueille et m’oriente vers une petite salle de réception.

Lorsque Hirokazu Kore-Eda sort de la petite salle d’interview, c’est panique à bord ! Attention je me dis, Benjamin tu es là pour lui poser des questions, pas pour jouer au fan de service. Respire et concentre-toi, tu dois arriver à lui poser des questions. L’attaché de presse s’avance vers moi et m’indique que c’est à moi de jouer. Je rentre dans cette salle qui est toute petite mais qui me parait plus grande. A ce moment là, plus le temps de réfléchir, j’ai juste l’envie de lui parler et faire la meilleur impression possible. A son tour, il rentre dans la salle en souriant et me tend la main pour me saluer à la française. Je ne m’attendais pas à cette présentation amicale. Dès les premiers mots échangés avec lui en japonais, je constate que malgré tous les interviews qu’il a du répéter dans la journée, il est attentif à ce que je dis, à mon écoute et plein d’humour. Je suis lancé…

…20 minutes plus tard

L’entretien a duré un peu moins de vingt minutes qui sont passés vite, très vite, trop vite. La traductrice a grandement faciliter mon rôle. Pendant l’interview, mon impression est celle d’une discussion de la vie quotidienne avec lui, simple et sincère, à l’image de son cinéma.

A la fin de l’entretien, cette impression s’est vite transformée en souvenir que je n’oublierai jamais. Ce souvenir reste le meilleur moment que j’ai vécu depuis la création de mon site il y a 7 ans, depuis que j’ai cliqué la première fois sur le bouton « publier mon premier article » pour vous parler de cinéma japonais. L’article que je publie aujourd’hui est le plus important.

Assez parlé : voici l’intégralité de mon entretien en 6 questions (j’aurai aimé en poser plus) et ses réponses en audio. Désolé pour la qualité moyenne de l’enregistrement qui m’a demandé un travail de fourmi pour le montage. J’ai lutté jours et nuits pour parvenir à ce résultat car j’ai enregistré avec un vieil iphone et certains échanges sont restés inaudibles.

Un dernier point qui m’a marqué : avant de répondre à mes questions, il a marqué de longs silences, les yeux fermés, pendant plusieurs secondes (j’ai coupé ces silences au montage). Cela m’a étonné à tel point qu’en rentrant chez moi, j’ai tenter d’analyser les significations possibles. Concentration, lassitude, fatigue, j’ai tout imaginé. A l’écoute de ses réponses, je pense que ses silences dévoilent surtout une volonté de chercher sa réponse, ce qu’il pense vraiment, sans tomber dans l’écueil de réponses pré-mâchées et faciles qu’il aurait pu me faire. Une sincérité et une profondeur de l’instant, un dimension personnelle que je trouve fascinante chez les artistes.

Mes questions et les réponses d’Hirokazu Kore Eda

1) Ma question : « Concernant l’histoire du film, on pourrait penser au départ qu’elle va être triste car elle pose la question de l’abandon, de la séparation, de ces boites à bébé qui sont abandonnés par leur parent. Et pourtant, lorsque je suis sorti du cinéma, j’ai eu le sentiment d’un film lumineux, au fur et à mesure que se dévoile l’histoire de chaque personnage. D’un film tourné vers le partage, l’amour et l’espoir d’une famille retrouvée.

Ma question et sa réponse en audio :

 

1) Ma question : «  J’ai vraiment apprécié la performance des actrices et des acteurs. On a l’impression qu’ils deviennent une famille au fur et à mesure du film. Est-ce que vous pouvez m’en dire plus sur votre manière de travailler avec eux ? En particulier, le lien spécial qui vous unit avec Bae Doo-na que vous avez dirigé dans « Air doll ».

Sa réponse en audio :

3) Ma question : « Le personnage de Sang-hyeon (interprété par Song Kang-Ho) à une place à part.  Pendant toute l’histoire, il a un rôle de protecteur vis-à-vis du bébé, pour lui garantir un bon avenir. Il souhaite aussi renouer un lien avec sa fille malgré ses erreurs passées (les jeux d’argents, l’alcool). Et il finit par disparaitre, par s’effacer volontairement à la fin du film. Je voulais savoir quel sens vous voulez donner au spectateur sur le dénouement de l’histoire de ce personnage ? N’est-ce pas lui est le vrai abandonné de l’histoire ? ».

Sa réponse en audio :

4) Ma question : « En 2019, vous avez tourné le film « La vérité » en France, avec des actrices et des acteurs français. En 2022, le tournage de votre dernier film a eu lieu en Corée avec des actrices et des acteurs coréens. J’ai beaucoup aimé votre manière de filmer ces deux pays et je suis impressionné par la manière dont vous imprégniez, chaque culture, de chaque langage alors qui ne sont pas les vôtres. Je trouve que vous trouvez le ton juste. En particulier, j’ai adoré la scène dans le train qui dévoile la signification des prénoms en coréen. J’aimerai savoir qu’est-ce que ces expériences vous ont apportés ? Et est-ce que c’est une expérience que vous souhaitez reproduire, peut être dans un autre pays hors du Japon ? ».

Ma question et sa réponse en audio :

5) « J’aime beaucoup votre manière de filmer les paysages que je trouve très contemplative. Il y a une scène que l’on retrouve dans plusieurs de vos films, c’est une scène sur la plage, au bord de la mer, en plan large.

Comme une invitation au voyage, j’ai aimé votre manière de filmer Kamakura dans le film Umi machi Diary (notre petite sœur). On retrouve une telle scène sur la plage Dans votre film une affaire de famille (Manbiki kazoku). Et j’ai retrouvé ce sentiment à la fin du film « les bonnes étoiles ». Une impression d’effacement de la caméra, plein de sensibilité et d’émotions.

Qu’est-ce que vous pouvez me dire sur votre manière de filmer ce type de scène ? C’est un lieu qui me touche car j’ai vécu longtemps dans le sud de la France au bord de la mer (avant de venir à dans la grande ville à Paris) ».

Ma question et sa réponse en audio :

6) Ma question sur les liens familiaux : « Dans toute votre filmographie, j’apprécie énormément votre manière de questionner les liens familiaux, la filiation, la transmission. L’année dernière, j’ai discuté cinéma avec mon père et il m’a dit que lorsque j’avais 6-7 ans, c’est lui qui m’avait montré le premier film japonais, et c’était le film « Yume » d’Akira Kurosawa. Moi évidemment, je ne m’en souviens pas (alors je ne peux par vérifier pas s’il dit la vérité :). Aujourd’hui, je suis père d’un petit garçon de 4 ans. Quand il sera un peu plus grand, j’aimerai que ce soit un de vos films qu’il regarde en premier pour découvrir le cinéma japonais ».

Sa réponse : à la toute fin de l’interview, il a pris par le temps, il a eu la gentillesse de faire ce joli dessin pour mon fils (et écrit quelques mots que je garde et je retiens précieusement 🙂

Merci à Hirokazu Kore eda, définitivement un grand Monsieur du cinéma, et un immense merci à la traductrice et Mathilde Incerti ! 

Encore désolé pour la qualité moyenne de l’enregistrement. Je vais retravaillé les échanges que je n’ai pas pu publier.

Mon interview du réalisateur Hirokazu KORE EDA

Pour en savoir plus

Ma liste de tous les films de Kore Eda

Cliquez ici pour lire mon article

https://www.youtube.com/channel/UCeLmCGO5ksnjMM5MLrhCEDw

Votre avis ?

1 commentaire sur “Mon interview du réalisateur Hirokazu KORE EDA”

  1. Un magnifique interview bien méritée et une belle reconnaissance pour tout le travail que tu fournis ! Les longs blancs les yeux fermés : sûrement parce que tes questions étaient plus pointues que les questions qu’il reçoit habituellement !
    Le dessin pour ton fils est à encadrer, si possible chez un pro (avec plexiglas anti-UV et papier non acide pour la longévité)!
    Bravo Benjamin !

     

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