Battle royale est un film japonais sorti en France en 2001. C’est l’adaptation du roman de Kōshun Takami, paru en 1999.
Dans un futur proche, le Japon est en proie à un chômage élevé et à une dégénérescence de ses valeurs d’ordre et de morale. L’individualisme, l’oisiveté et la superficialité prennent le dessus chez les adolescents, provoquant un conflit d’autorité entre les générations.
L’histoire débute dans un collège japonais à Tokyo où les élèves de la classe B se réjouissent de partir en vacances scolaires pour la fin d’année. Mais une fois dans le bus, ils sont plongés dans un profond sommeil. Leur destin va basculer.
« Battle Royale, l’île mystérieuse »
Cette classe a été choisie, après un tirage au sort impartial, pour faire partie d’un programme gouvernemental au nom énigmatique, Battle royale.
Le but de ce programme : sélectionner les plus aguerris et en faire des exemples pour la population (la petite fille au début de film est attendue par la presse comme une star de cinéma).
Par quel moyen : tous les ados doivent entre-tuer sur une île déserte en trois jours. Le dernier survivant est le gagnant. Lui seul aura le droit de rentrer chez lui.
Les 42 élèves se réveillent dans une salle de classe où ils retrouvent leur ancien professeur. Ils vont devoir livrer un combat impitoyable contre les autres et contre eux-mêmes. Ils reçoivent pour cela des armes très inégales : couvercle de poubelle, lampe de poche pour certains, arbalète, fusil d’assaut pour d’autres plus chanceux. Mais c’est surtout leur instinct de survie qui va faire la différence.
A chaque personnage correspond un stéréotype : on retrouve le dur à cuire, l’informaticien de génie, le bouffon premier de la classe, le timide, la fillette apeurée, la manipulatrice, le solitaire…C’est volontairement que le réalisateur s’attache à ces stéréotypes. Même s’ils peuvent paraître exagérés, le résultat est efficace et nous permet de s’identifier aux acteurs. On se prend alors à se souvenir de nos camarades de classe au collège ou au lycée et se représenter ceux qui présentaient le bon profil de participant !
Quelques personnages se détachent cependant : Shûya, Noriko et Kawada. Ils décident de faire équipe après s’être retrouvés pour échapper ensemble à l’île. Ils sont déterminés à s’en sortir tous les trois et doivent échapper aux attaques des autres élèves.
« L’enfer, c’est les autres ? »
Battle royale nous pose plusieurs questions existentielles : comment survivre dans une société individualiste, comment résister aux menaces d’autrui, qu’est-on prêt à sacrifier, y a-t-il une place pour les plus faibles ? « L’enfer, c’est les autres » de Sartre prend ici un sens tout particulier.
Le film propose des réactions différentes : certains élèves décident de s’allier pour être plus fort, d’autres le chemin solitaire, certains laisse éclater leur instinct de violence au détriment de leur humanité, d’autres choisissent le suicide.
Malgré son manque flagrant de subtilité, la narration du film est terriblement efficace. Elle joue sur un des sentiments simples entres les personnages : amour, amitié, trahison… On se prend rapidement au jeu, comme dans un bon drama ou un vieil épisode de sitcom à suivre les turpitudes de ces adolescents.
Le huit clos du phare est une belle illustration. En quelques minutes, comment une amitié solide laisse place à la suspicion et brutalement basculer vers la trahison, la vengeance dans un joyeux carnage et finalement le regret et la culpabilité.
Plusieurs histoires d’amour sont également mises en avant. On retiendra celle de Takako, championne de running interprétée par Chiaki Kuriyama dont le sacrifice n’a pas été inutile puisqu’elle est repérée par Q. Tarantino qui lui proposera le rôle d’un assassin dans Kill bill vol 1.
« Panem et circences »
Sur le fond, plusieurs lectures du film sont possibles.
La première est celle d’un film d’action, caractérisé par une grande brutalité. En ce sens, le film est un véritable spectacle. Une sorte de « panem et circences » des temps modernes, où nous sommes les spectateurs d’un carnage délirant. Le film est délicieusement amoral avec un scénario bien ficelé qui ménage les rebondissements jusqu’à la fin. Ne nous cachons pas, c’est surtout cet aspect violent qui a fait le succès commercial de ce film dès sa sortie et malgré son interdiction aux moins de 15 ans au Japon. Avis aux fans d’hémoglobine, ce film est fait pour vous ! ! (ce n’est pas pour rien si Tarantino himself le considère comme une de ses références).
Au-delà de ce jeu de massacre, Battle Royale est un film sociétal. Il nous livre des messages forts sur les relations entre les jeunes et les adultes et sur le rôle de l’école dans l’éducation.
Le manque d’autorité semble avoir abouti à une perte du lien entre les adolescents et les adultes. Le film rétablit donc des règles strictes et contraignantes. Les zones interdites, le collier à explosif, le fait qu’ils soient constamment sur écoute… Sur l’île, les adultes décident de tout, même de la vie et de la mort des enfants, sans faire preuve d’aucune culpabilité. Leur radicalité, leur absence compassion tranche avec la profusion de sentiment des adolescents : amour, joie, peine, jalousie colère transcende le film et ses affrontements forcés. Le message du film est surtout d’apprendre à dépasser les clivages et les générations, renouer le dialogue (la fille de Kitano) et le rapport de confiance (Shûya n’a plus confiance en Kitano alors que son pistolet est factice) pour ne pas perdre ce lien.
Kawada, ce jeune adulte rescapé constitue le lien entre l’idéalisme des adolescents et le défaitisme des adultes. C’est le liant nécessaire entre les deux générations qui se retrouvent à la fin du film. D’ailleurs, il n’est tué ni par un élève ni par Kitano.
Battle royale est aussi une interrogation sur le système scolaire japonais, très structurant et particulièrement difficile qui prône la réussite à tout prix (imaginez, apprendre tous ces kanjis ! !).
Au lieu d’épanouissement, il serait juste un lieu de soumission. L’élève devra impérativement devenir l’adulte dont la société a besoin. Dans le film, à leur arrivé sur l’île, les adolescents sont regroupés dans une salle de classe reconstituée, ou l’armée fait la loi et conforte l’autorité du professeur. Une image forte.
Le problème est que l’école ne montre qu’une partie de la société, de la réalité. De «nos ancêtre les gaulois », à « qui a découvert l’Amérique », les enseignements officiels ne présentent qu’une vision partielle, parfois tronquée, de la réalité. Dès lors, l’adolescent n’a-t-il pas intérêt à se construire aussi par lui-même, par sa propre curiosité, ses propres expériences, quitte à s’échapper du moule et ne pas forcement réussir à l’école. On peut donc percevoir ce film comme une critique de l’extrême élitisme du système scolaire japonais.
Le film devient encore plus passionnant lorsqu’on l’appréhende comme un essai sur la psychologie adolescents, leur manière de penser et de se comporter. Il se focalise sur leurs angoisses et leurs préoccupations avec beaucoup de justesse. Comment devenir le meilleur, le plus beau, le plus riche et le plus populaire, dans un société qui nous pousse au toujours plus ? Peut on lutter contre le déterminisme et trouver sa place sans obligatoirement marcher sur son voisin ? Chacun pourra se réfléchir à ces pistes de réflexion et trouver ses propres réponses.
« Des scènes spectaculaires d’anthologie »
Battle Royal c’est aussi une réalisation singulière, avec des scènes cultes. Que ce soit dans les séquences d’horreur (la scène du phare) ou dans des instants plus contemplatifs (la séquence de la forêt où Noriko et Kawada trouver refuge dans une vieille maison), la qualité de la mise en scène mérite d’être soulignée.
L’affrontement final, devant les décombres d’un bâtiment en feu, nous plonge dans vision apocalyptique du méchant/boss de fin, sublimé par la musique (cette scène nous rappelle un certain sephiroth dans l’incendie de Nibelheim pour les amateurs de Final Fantasy VII).
Toutes ces qualités ne font pas oublier quelques défauts qui entachent la vision globale du film. Le jeu des acteurs peut être critiqué. Superficiel et parfois exagéré, il peut vite devenir lassant. On regrettera aussi des dialogues assez plats et le fait la personnalité des personnages est trop peu explorée au profit d’un système de décompte des 40 victimes assez répétitif .
Enfin, par moment la réalisation parait saccadée, le réalisateur usant et abusant du zoom.
En conclusion, Battle royale est un film qui mérite le détour. Vous pourrez le détester ou on l’adorer, mais dans tous les cas, il ne vous laissera pas indifférent.
5 raisons de voir ce film :
+ Un concept original
+ Le dosage action, horreur, émotion
+ Un vrai message adressé aux jeunes
+ Un bon défoulement
+ La musique dans les scènes d’action