Your Name (君の名は, Kimi no na wa) est un film d’animation réalisé par Makoto Shinkai, sorti le 26 août 2016 au Japon et le 28 décembre 2016 en France.
De quoi ça parle ? Mitsuha est une jeune lycéenne qui vit dans un village au milieu des montagnes. Taki, lui, vit au centre de Tokyo. Un jour Mitsuha rêve qu’elle est un jeune homme à Tokyo, et Taki rêve qu’il est une jeune fille dans un village de montagne. Quel secret se cache dans ces rêves ? Critique du film Your Name – Makoto Shinkai
« L’avènement d’un film hors normes »
Le film est d’abord connu pour avoir battu plusieurs records au Japon, en restant 12 semaines à la tête du box-office japonais, il a été vu par plus de 15 millions de japonais. Surtout il a intégré le top 5 des meilleurs recettes de tous les temps sur l’archipel, détrônant ainsi des films comme Princesse Mononoke ou Le Château Ambulant.
Réalisateur et auteur du script, Makoto Shinkai a déjà quatre longs métrages d’animation à son actif avec des titres tels que « La Tour au-delà des nuages » ou « Voyage vers Agartha », seulement distribués en DVD en France, mais très cotés au Japon. Transfuge des studios Ghibli, où il a travaillé pour Miyazaki, Masachi Ando est le directeur de l’animation du film.
C’est donc avec beaucoup de curiosité et une réelle impatience que j’ai découvert début 2017 le film phénomène de cette fin d’année 2016.
1er surprise : bien qu’arrivé trente minutes avant le début de la séance, beaucoup de monde attendait sagement devant la salle, qui se retrouve vite pleine une fois les portes ouvertes.
1h46 plus tard, je ressors totalement émerveillé !
« Une histoire d’amour complexe, entre rêves et réalité »
Le film se divise en deux parties : la première se concentre sur la présentation des personnages, tandis que la seconde est axée sur la recherche de l’autre.
Ce qui m’a frappé, c’est la diversité des thèmes abordés. Une histoire d’amour oui, mais pas seulement.
Lors de nombreuses interviews, le réalisateur a souvent déclaré que c’est le thème de l’adolescence qui est à l’origine du film.
Pour lui, le cinéma d’animation est un genre destiné en premier lieu au jeune public. Il a déclaré : « j’aime cette période que représente l’adolescence et je me rappelle avoir eu moi-même beaucoup de soucis durant cette époque. Je ne comprenais pas les sentiments des autres, je ne trouvais pas le rôle que je pouvais tenir dans la société ».
Le film reprend cette quête initiatique de l’adolescence. D’un saut de vide, à la découverte du monde, de sa beauté et de ses dangers. De la découverte de l’autre, de l’amour et de soi-même. Comme une porte d’entrée (on voit dans tout au long du film, les multiples plans sur les portes qui s’ouvrent et se ferment) qui est symbolisée par le rêve.
« Un film sur l’oubli et le devoir de mémoire »
L’image de la comète qui s’écrase sur le village nous renvoie avec émotion à la catastrophe naturelle qui a ravagé le nord du Japon en 2011. Quand une catastrophe naturelle survient, elle fait rapidement « la une » des informations, mais la majorité des personnes oublie progressivement cet évènement, comme Taki dans le film.
A travers du prisme de l’oubli sur un plan individuel des deux adolescents, c’est aussi sur le plan de la mémoire collective que le réalisateur veut nous mener.
Le message est clair, ne pas oublier la tradition et ne pas l’opposer à la modernité. Bien que ce message soit assez simple, il constitue l’essence même du Japon. Il suffit de se balader dans Tokyo pour le constater. Le film aborde subtilement ce thème et parvient à nous avertir sur la nécessité pour les générations futures de ne pas tourner le dos au passé et aux traditions qui font l’identité si singulière du japon et de ses habitants.
La séquence-clé de la danse des deux sœurs en habit traditionnel lors de la cérémonie dans le village est censée rappeler ce qui s’est passé il y a très longtemps. Mais les gens, y compris les danseuses et le public, ont complètement oublié le sens de l’histoire qui va pourtant se répéter.
Cette scène montre aussi la fabrication du sake, dans la pure tradition japonaise. Les héroïnes fabriquent l’alcool en le mélangeant à leur salive. On découvrira ensuite que c’est grâce à cet acte fondateur que les deux héros vont pouvoir se réunir. La nature et la tradition sont donc bien les liens organiques entre le présent et le passé est déterminant pour le futur.
A vouloir aborder plusieurs thèmes, le film aurait pu se perdre dans un empilement de séquences sans liant. Au contraire, il parvient à nous convaincre par la profondeur des messages délivrés et surtout à nous enchanter par la dynamique de son action et la beauté de son animation.
Un message en particulier m’a bouleversé que je vais essayer de retranscrire : même si l’esprit oublie parfois trop vite (on accumule tellement d’informations), le cœur, ce qui nous touche vraiment, on se souvient toujours. Si on s’arrête sur ce ressenti, le film prend une tout autre dimension. Celui de l’instant vécu, qui est éphémère, entre en résonance avec l’empreinte qu’il peut laisser dans notre cœur, qui elle est éternelle.
« Un film d’animation révolutionnaire ? »
Le film reprend clairement les codes des mangas et des animés (musique, codes vestimentaires, lieux ou se déroulent les scènes, humour) en parvenant à les transposer au cinéma. Le parti pris pour la modernité et le dynamisme de l’action est une volonté affirmée par Shinkai.
Le thème du garçon qui se transforme en fille nous rappelle avec une certaine nostalgie l’animé « Ranma 1/2 ».
Lorsqu’on lui parle du cinéma d’Akira Kurosawa, le réalisateur répond par une boutade qu’il n’a jamais vu un seul film de ses films mais que par contre que « juliette je t’aime » et « evangelion » constituent pour lui des sources d’inspiration intarissable. Plus récemment, les scènes de vie urbaine rappellent aussi l’anime « nana » dont le manga puis l’animé avaient connu un gros succès au japon au milieu des années 2000.
En reprenant ces ingrédients connus par toute une génération, « you name » propose une nouvelle recette, et la magie opère !
Un point qui pourrait être moins apprécié et le design-character et le caractère des personnages qui ont pour point commun d’être assez simple. Au final, je pense que c’est la volonté de Shinkai pour que le spectateur puisse s’identifier aux personnages. Même si les deux héros sont assez lisses, on est transporté dans leur univers respectif avec humour et émotion. Par contre, l’utilisation de la majorité des personnages secondaires est vraiment trop poussif et proche de la caricature pour me convaincre totalement.
« Le Japon esthétiquement magnifié »
Au delà de l’histoire, la qualité de l’animation est ce qui m’a le plus plu et touché dans ce film. Le travail réalisé est tout simplement magistral. Mention spéciale pour la retranscriptions des quartiers de Tokyo qui est vraiment bluffante. Les plans de la campagne japonaises ne sont pas en reste et révèlent toutes les facettes de ce pays. L’animation prend vie sous nos yeux. Tout simplement magnifique !!
Par ce souci apporté aux détails, on a presque l’impression d’un film en prise de vues réelles et non plus un film d’animation.
Ce film est une véritable déclaration d’amour pour le Japon.
Pour ceux qui comme moi ont eu la chance d’aller récemment au Japon, le film est une mine d’or de références. On se prend au jeu de reconnaitre les endroits de Tokyo ou on est passé, on s’émerveille sur les plans de la campagne japonaise. Plus encore, ce sont tous les clins d’œil sur la vie quotidienne au Japon (melon pan et autres distributeurs de lait fraise) qui sont là pour faire resurgir souvenirs et anecdotes, comme on pourrait revoir ses propres photos et vidéos de vacances.
Pour ceux qui ne connaissent pas ce pays, le film a tout pour vous donner envie de réserver votre billet d’avion pour Narita. On comprend mieux pourquoi l’excellent distributeur EUROZOOM n’a pas attendu trop longtemps pour sortir le film en France et en faire un succès commercial.
« Quel est sa place dans l’animation japonaise ? »
La pertinence des thèmes abordés, le dynamisme de l’action et surtout la place accordée à l’histoire d’amour sont surement les clés du succès du film au Japon. Son esthétisme et sa représentation bluffante du Japon sont celles sa consécration à l’étranger.
Mais est ce suffisant pour comparer ce film à ceux du studio Ghibli ?
A mon sens, comparer les deux univers serait une erreur. Les films du studio Ghibli nous offrent des expériences singulières, oniriques et envoutantes grâce auxquelles on s’évade et on s’abandonne complètement.
Avec « Your name » Shinkai ne cherche pas à nous faire découvrir un univers fantastique. Il veut simplement que le spectateur puisse s’identifier à ses personnages, partager leurs problèmes quotidiens et mettre en lumière les moyens d’y remédier.
Il cherche aussi à mettre en lumière les problèmes actuels de la société japonaise : la difficulté de jeunes qui doivent concilier leur scolarité et leur travail précaire ou le discrédit et le désintérêt dont font l’objet les hommes politiques. En ce sens, ce film est aussi utile au public en tant que prise de conscience collective. Ces éléments expliquent aussi le succès du film au Japon.
Vous l’aurez compris, plutôt que comparer le travail de Shinkai à celui de Miyazaki, il faut apprécier ces deux approches de l’animation qui doivent coexister. Le succès de « your name » confirme une chose, c’est la demande, le besoin et les attentes du public en matière de cinéma d’animation. Reste à savoir si ce grand succès commercial servira aussi à redonner de l’élan à un secteur qui connait malgré tout des difficultés : manque de financement, retard et annulation de projets, cadences de travail… Je l’espère sincèrement.
Conclusion : Par la pertinence des thèmes abordés, la qualité de son histoire et le dynamisme de son action « Kimi no na wa » est un très bon film d’animation. Par la qualité de son animation et sa capacité à transporter le spectateur au Japon dans un parcours initiatique entre tradition et modernité, il m’a bluffé et émerveillé. Une très belle déclaration d’amour qui le propulse au panthéon des films d’animation !
Jouissif pour ceux qui connaissent le Japon, je conseille aussi vivement ce film à tous ceux qui s’intéressent de près à ce pays ou qui veulent simplement découvrir sa culture.
Ce qui m’a bouleversé, c’est sa vibration, qui marque l’histoire de l’animation de son empreinte. Si on s’arrête sur ce message, le film prend une tout autre dimension. Celui de l’impression que l’instant vécu, éphémère, peut s’oublier rapidement. Mais que la vérité, c’est que les moment importants, les rencontres, tout ce qui entre en résonance avec notre cœur, sont éternels.