Vous avez manqué le film « Mishima une vie en 4 chapitres », l’un des plus grands écrivains contemporains japonais (diffusé le 15 février sur Arte) ? Vous pouvez vous rattraper en Replay. Le film est disponible jusqu’au 16 mars au lien suivant : Mishima, une vie en 4 chapitres
Ce film est sorti le 15 mai 1985. Il a été réalisé par Paul Schrader et produit par George Lucas et Francis Ford Coppola (tiens, ces noms me disent quelque chose).
L’histoire du film : Le 25 novembre 1970, Yukio Mishima, l’un des plus grands écrivains contemporains japonais, se fait hara-kiri. Quels sont les motifs qui l’ont poussé à l’acte. Est ce la finalité de sa démarche artistique ? Est ce un acte politique ?
Le film est composé de trois parties qui mêlent habilement la vie de Mishima et l’artiste à travers ses romans. La première relate la journée du 25 novembre 1970, la seconde les grandes étapes de sa vie et la troisième expose trois de ses romans, « Le Pavillon d’or », « La Maison de Kyôko », et la tétralogie « La Mer de la fertilité ».
Qui est Yukio Mishima ?
Kimitake Hiraoka (Yukio Mishima est son nom de plume) est né le .
Du côté de son père, il est issu d’une famille de la paysannerie de la région de Kobe. Son grand-père Jotarō Hiraoka fut gouverneur des îles Sakhaline à l’ère Meiji. Du côté de mère, c’est un descendant d’un samouraï de l’ère Tokugawa. Sa grand-mère garda des prétentions aristocratiques
Il est d’abord élevé par elle, qui le protège du monde extérieur, puis a l’âge 12 ans par sa mère. Il entre ensuite dans un collège d’élite Gakushūin. En même temps qu’il découvre les autres garçons et les rivalités, il s’ouvre à la littérature et à la poésie.
Il est convoqué par l’armée pendant la Seconde Guerre mondiale, mais prétend souffrir de tuberculose, et échappe à la conscription. Bien que soulagé d’avoir évité le combat, il se sentira coupable d’avoir survécu et d’avoir raté la chance d’une mort héroïque.
Il n’aura de cesse de cultiver par la suite son goût pour l’art et l’écriture. Mishima publiera près de quarante romans pour un total d’une petite centaine d’ouvrages : essais, recueils de nouvelles et 18 pièces de théâtre. Son œuvre est assez ambiguë :
Jusqu’au début des années 1960, ses écrits sont de type plus européen que japonais. Pourtant, c’est un nationaliste. Son grand rêve de restaurer la grandeur perdue du pouvoir impérial. Pour cela, il va créer sa propre milice baptisée Tatenokai (« société du bouclier »).
Depuis l’enfance, son corps est fragile depuis son enfance. La souffrance devient un thème récurrent dans ses livres. Il va lutter contre sa condition physique en s’astreignant de plus en plus de musculation. Il devient aussi expert en kendo.
En 1970, Mishima achève sa tétralogie « La Mer de la fertilité » avec son quatrième tome, « L’Ange en décomposition ». Le 25 novembre, il poste à son éditeur la fin de son manuscrit.
Puis, il se rend au ministère des Armées accompagné de quatre jeunes disciples pour comettre un coup d’État. Au deuxième étage de l’École militaire du quartier général du ministère de la Défense, quartier d’Ichigaya à Shinjuku (aujourd’hui mémorial des forces japonaises d’autodéfense), il prend en otage le général commandant en chef des forces d’autodéfense et fait convoquer les troupes : il leur tient alors un discours en faveur du Japon traditionnel et de l’empereur. Devant les huées des soldats, il se retire vers 11 h. Suivant le rituel, Mishima se donne la mort par seppuku.
Pourquoi voir ce film ?
Il propose une interprétation de la vie de l’écrivain japonais, à travers une mise en scène de génie et trois esthétiques : l’évocation biographique (en noir et blanc), les années d’enfance à la célébrité.
Un film à la frontière avec le documentaire, avec une reconstitution précise de sa dernière journée et la narration de sa vie, de son œuvre qui mêle la célébration et l’exploration de l’art au culte et à la souffrance du corps. Produit malgré l’opposition de la veuve de Mishima, le film a été en lice pour la Palme d’or, a été primé à Cannes en 1985. Bercée par une bande originale composée par Philip Glass, c’est une symphonie visuelle d’une beauté glacée et d’une rare intelligence.
Yukio Mishima est et restera un artiste complexe, plein de paradoxe et nostalgique de la splendeur du Japon impérial. Plus qu’un « biopic », ce film est toujours aussi fascinant 35 ans après sa sortie.
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