Le cinéma d’horreur japonais (ou j-horror), c’est un peu comme les épinards. On aime ou on déteste. On hésite souvent avant d’en prendre, ils provoquent parfois des hauts le cœur. Mais finalement, on se dit que c’était pas si mal.
La j-horror est unique. Très différente des films d’horreur que l’on connait en occident. Cette singularité résulte à mon sens de deux facteurs principaux.
La réalisation d’abord, centrée sur l’aspect psychologique, créateur de tensions. Les effets spéciaux sont quasiment absents au profit des effets d’ombre et de lumière. Ce n’est pas ce que l’on voit qui fait peur, c’est ce qu’on ne voit pas. L’imaginaire du spectateur est sollicité de manière permanente. Pour ces raisons le cinéma d’horreur nippon nous plonge dans une ambiance unique, que je trouve supérieur au cinéma d’horreur cinéma Américain.
Ensuite l’histoire, qui délivre toujours un enseignement sur la société. Il faut savoir que la représentation du fantôme en Japon est différente de celle que l’on connaît en occident et profondément ancrée dans la tradition japonaise. Le fantôme japonais n’est pas une créature démoniaque. C’est un être à part entière qui cherche avant tout à faire passer un message aux vivants. Dans la croyance populaire, ceux qui ont laissé sur terre des chagrins, des colères, ou une envie de vengeance ne peuvent pas quitter ce monde définitivement. Leur âme se manifeste en apparaissant à certaines personnes pour partager ces souffrances.
Au Japon, les films d’épouvante occupent une place importante dans l’histoire du cinéma. Très en vogue à partir des années 50, ils mettaient en scène d’étranges créatures qui venait rompre le calme de la campagne japonaise. Depuis les années 90, les fantômes ont investi les villes et le quotidien des citadins. C’est le moment ou la j-horror explose et devienne populaire dans le monde entier.
A côté des films de fantômes, il existe au Japon un cinéma d’horreur plus excentrique et gore où les réalisateurs ne s’interdisent rien. IL vous suffit regarder quelques extraits des films de Noboru Iguchi (Dead sushi, the machine girl) pour mieux comprendre.
Souvent critiqué pour son manque de moyens et ses défauts de réalisation, progressivement, le genre s’est modernisé et la folie des réalisateurs s’est un peu canalisée. Aujourd’hui, la réalisation n’est pas toujours exempt de tout reproches, mais ce n’est pas le plus important. Regarder un film d’horreur japonais, c’est avant tout voir quelque chose de différent, s’imprégner d’une ambiance unique. Cela peut vous déstabiliser ou vous déplaire mais vous laissera rarement indifférent.
Voici ma sélection des 5 films d’horreur nippon. Un tour d’horizon pour vous donner une idée de la richesse du genre.
1- Kwaïdan (1964)
L’histoire : Elle est décomposée en quatre épisodes traitant chacun d’un fantôme.
- Les Cheveux noirs : un samouraï abandonne sa femme par dégoût de la pauvreté, et part se marier avec la fille d’une riche famille pour obtenir la richesse. Mais il n’aime pas sa nouvelle femme et est hanté par le souvenir de la première.
- La Femme des neiges : deux bûcherons sont pris dans une tempête de neige. Ils trouvent un refuge, mais arrive une femme étrange qui en tue un de son souffle glacial. Elle épargne l’autre, qui gardera la vie aussi longtemps qu’il ne racontera pas ce qui s’est passé cette nuit-là.
- Hoïchi sans oreilles : un jeune aveugle recueilli par des moines près de la baie de Dan-no-ura, s’absente chaque nuit pour suivre un étrange guerrier et chanter au maître de celui-ci l’épopée de la bataille qui s’est déroulé dans la baie quelques siècles plus tôt.
- Dans un bol de thé : un écrivain retranscrit une histoire où un samouraï voit flotter dans son bol de thé le visage d’un jeune homme narquois. Pour chasser cette vision il avale le thé. Mais bientôt, le jeune homme refait son apparition.
Mon avis :
Kwaïdan peut être considéré comme la racine du cinéma d’horreur japonais moderne. Tous les films de fantômes (kaidan eiga en japonais) découlent et s’inspirent directement de ce film. Plus qu’un film d’horreur (il est parfois impressionnant mais ne fait pas vraiment peur), c’est un véritable hommage aux contes traditionnels. Par sa mise en scène, il rappelle aussi le film « rêves » d’AKira Kurosawa.
Méconnu en France (malgré un grand prix au festival de Cannes en 1965), je vous invite à découvrir ce film qui vous captivera pas sa mystère et son esthétisme. Une excellente porte d’entrée pour découvrir l’aspect traditionnel du cinéma d’horreur japonais.
En plus, si vous avez lu mon analyse de « Rêves » et ma critique de « Senses », vous savez que j’adore les films en épisodes.
2- Audition (1999)
L’histoire :
Aoyama est producteur de films. Un jour, il décide de se remarier et organise une audition pour une série télévisée fictive afin de trouver sa nouvelle compagne parmi les candidates. Il tombe instantanément amoureux. Il la rappelle et dîne en tête à tête avec elle. Commence alors pour Aoyama une plongée vertigineuse.
Mon avis : Ce film est une réussite sur tous les plans (scénario, réalisation, performance des acteurs).
Le réalisateur Takeshi Miike est pour moi le maître absolu de la J-Horror. Il est inclassable et le seul à concilier une véritable folie et une parfaite maîtrise. Audition en est la parfaite illustration. Il mélange les genres (drame familial, comédie sentimental et film d’horreur) pour mieux déstabiliser le spectateur. C’est parfaitement réussi. Le résultat est glaçant de réalisme, laissant l’impression à la fin du film de sortir d’une hallucination.
Les révélations du scénario sont primordiales donc j’évite tout spoiler. Une seule question : Qu’est ce qui se cache derrière la beauté envoûtante de Asami ? Je vous laisse voir le film pour le découvrir.
3- Ring (1998)
L’histoire :
Une étrange rumeur circule à propos d’une cassette vidéo qui, une fois visionnée, déclenche une terrible malédiction. Une jeune journaliste va mener l’enquête.
Mon avis : C’est certainement le film japonais le plus connu au monde. Considéré par certains comme le meilleur film d’horreur de tous les temps et pas d’autre comme un film surcoté. Pour ma part, ce film m’a marqué par son originalité. Ce n’est pas un chef d’œuvre mais c’est le type de film dont on se souvient longtemps.
La principale raison, c’est cette scène mythique et le personnage de Sadako qui a marqué l’histoire du cinéma. Aujourd’hui, il possède même un petit coté rétro (avec la présence de la fameuse VHS).
Ce que je souhaite aussi valoriser, haut delà du film, c’est le roman Ringu écrit par Kôji Suzuki, considéré comme le Stephen King japonais. Le film opère de larges coupes (par rapport au livre) se concentrant sur les faits marquants. Cette simplification (malgré les critiques qu’elle a suscité) a certainement contribué à son succès commercial dans le monde entier.
Par contre, on ne peut que regretter les adaptations « made in USA » et les suites qui voulaient (un peu trop) surfer sur la vague et le succès commercial du film.
4- Dark water (2002)
L’histoire :
Yoshimi élève seule, dans des conditions difficiles sa fille âgée de six ans. Pour améliorer leur quotidien, elle décide d’emménager dans un appartement plus grand. Mais une fois sur place, les lieux se révèlent insalubres. Des bruits étranges retentissent à l’étage supérieur. Puis, du plafond, commence à tomber de l’eau, qui, lentement, envahit le domicile. Chaque goutte devient alors une bombe destinée à faire voler en éclats la vie de Yoshimi.
Mon avis :
On peut faire à ce film certains reproches (en particulier son rythme très lent qui peut agagcer). S’il figure dans mon classement, c’est avant tout pour sa mise en scène exceptionnelle. On est immergé dans cette ambiance pesante à travers des décors urbains, vides et anxiogènes. Une atmosphère glauque et pesante, présente tout au long du film. Les effets de surprises sont très réussis. Rien n’est montré (ou presque) ce qui captive l’attention du spectateur. Je trouve que l’histoire est particulièrement aboutie ( ce qui est rare pour un film d’horreur).
Hideo Nakata prouve aussi sa force de conviction. Sa volonté de donner un sens et une esthétique au cinéma d’horreur. Certainement son film le plus abouti. Une référence !
5- Tokyo Gore Police (2008)
L’histoire :
Une flic intégrée à un groupe de barjots traque les pires mutants qui pullulent sur terre. Derrière ce phénomène se cache un savant fou fanatique d’expériences en tout genre.
Mon avis :
Impossible de faire un classement J-horror sans parler de ce type de film « défouloir ». Ce style « inclassable » qui est assez populaire au Japon. Proche du cinéma indépendant et de la culture underground, sa production relève souvent du financement participatif. Il représente une forme d’exutoire, exubérant et délirant de la société japonaise.
La recette est toujours la même : scénario déjanté, réalisation et effets spéciaux à la rue et déferlement d’hémoglobine. Si vous êtes adeptes de films d’auteurs, passez votre tour.
Sans aucune règle ni aucune limite, ce genre de film ne fait jamais l’unanimité chez les spectateurs. Un conseil : Il faut le prendre au second degré, et vous verrez qu’un film d’horreur japonais peut aussi être un bon divertissement. A voir au moins une fois pour se faire une opinion.