Exposition d’art contemporain – Impressions de cinéma japonais

C’est un évènement à ne pas rater pour les passionés de cinéma japonais. Une exposition intitulée « Impressions de cinéma japonais », qui se dévoile au coeur du quartier Beaubourg à Paris du 7 décembre 2022 au 7 janvier 2023.

Plus qu’une exposition, c’est une réflexion sur le septième art japonais, qui prend ici une forme nouvelle. Les oeuvres sont, pour la plupart, des impressions de gravures de l’artiste Jean-Marc Forax.

Un style singulier, à découvrir à la galerie Talmart, au 22 rue du Cloître Saint-Merri dans le 4ème arrondissement à Paris.

La source d’inspiration, ce sont les affiches de films japonais.

Cette exposition est un regard sur le cinéma japonais, au prisme d’une mémoire singulière de spectateur, déclinée en impressions : les impressions visuelles laissées par le film, gravées d’abord dans la mémoire, puis dans la matière de la matrice de lino, impressions à l’encre enfin.

L' ARTISTE : Jean–Marc Forax

Né en 1984, Jean-Marc Forax est diplômé des Beaux-Arts de Paris où il s’est spécialisé dans le dessin et a expérimenté autour du rapport du cinéma aux arts graphiques. Il a obtenu en parallèle une licence LLCE de japonais et a rédigé un mémoire de Master autour de l’interdépendance des arts dans le cinéma de Hiroshi Teshigahara.

Il séjourne régulièrement au Japon. C’est au cours de ces voyages qu’il a découvert la figure du « Jizô » auquel il a consacré son premier livre, paru en 2012. En 2018, paraît Splendeur et décadence de la vie de Jean-Marc Forax, aux éditions Aka, un projet inspiré de la vie quotidienne et de la forme du haïku, et qui comportait déjà une inspiration autobiographique.

Il expose régulièrement en France et au Japon.

Depuis 2018, ses travaux portent sur la question du souvenir en lien avec la culture japonaise : ainsi, le Matsuri japonais a inspiré des séries d’aquarelles et de gravures, qui tentent de saisir le mouvant de la sensation de son expérience de ce festival.

A partir de 2021, il se consacre à une série de linogravures et d’aquarelles autour du cinéma japonais.

L'EXPOSITION :

Dans le film After life de Kore-Eda, les défunts sont invités à choisir un seul souvenir de leur vie, puis le reconstituent dans des films bricolés, oscillant entre le film suédé et l’esthétique du cinéma des origines. Les personnages peuvent alors quitter les limbes pour l’éternité avec pour seul souvenir ce film enregistré, recomposition sublimée. Se souvenir, c’est aussi choisir d’oublier 1. La démarche de Jean-Marc Forax, qui choisit quelques images et quelques expériences de spectateur pour les reconstituer artisanalement dans sa version unique, n’est pas sans résonance avec le film de Kore-Eda.

L’art de la gravure partage avec le cinéma analogique ce trait : d’une matrice en négatif sont tirées des copies multiples en positif. La plaque de lino, comme le négatif de la photographie ou du film, laisse place à l’œuvre, qui la redouble de façon inversée. La gouge du graveur agit comme la lumière éclaire les blancs sur la pellicule projetée.

Coïncidence poétique ? Si la gravure est un art ancien, le développement de la linogravure, sur un support plus flexible que le bois ou le cuivre, date de la fin du XIXe siècle ; cette technique est contemporaine de la naissance du film, autre membrane souple qui remplaça la rigide plaque de verre et contribua à la naissance du cinéma. C’est pourtant le plus souvent par des copies numériques et non en projection sur pellicule que Jean-Marc Forax a découvert les images filmiques présentées ici. Donner à voir cette mémoire de pixels par l’inscription dans un support matériel analogique, et par une technique séculaire, n’a rien d’une évidence ; c’est, comme la mémoire, travailler le temps à rebours mais pas nécessairement aller au rebours de son temps.

Exposition d'art contemporain - Impressions de cinéma japonais

Film : Godzilla ( ゴジラ)

Réalisateur : Ishirō Honda (1954)

Les affiches, qui jouent dans l’empreinte que laisse un film, sont réalisées et diffusées par des procédés d’impression. Il s’agira là encore de faire un pas de côté par le choix d’un nouveau médium pour interpréter ces images. Par l’aquarelle, sur un papier destiné à la calligraphie, Jean-Marc Forax fait pièce unique de ces objets multipliés par l’impression standardisée ; le glacis et la transparence, les flous de l’aquarelle, le grain léger du support se substituent au papier glacé, évoquant l’émotion d’un souvenir par un procédé cette fois non mécanique. Dans la série d’aquarelles, l’artiste travaille toujours le rapport du cinéma au souvenir, mais d’une autre manière que dans la série de gravures. A partir d’affiches de films marquantes, il dessine des affiches de films sortis non en salle, mais de son imagination. De nombreux affichistes, en particulier dans le cinéma japonais prisé par Jean-Marc Forax, pratiquent le collage. Ainsi, la Cinémathèque française conserve des maquettes d’affiches de Benjamin Baltimore, notamment pour Ran de Kurosawa – autre film dont le souvenir est décliné en gravure dans l’exposition – maquettes qui documentent ce processus de création singulier. On retrouve cette pratique du collage dans l’esthétique des affichistes japonais jusque dans les années 90, dans des affiches qui exposent directement le caractère hétéroclite des matériaux assemblés pour la composition. Jean-Marc Forax choisit pour inspiration ce type d’affiche juxtaposant des styles divers, que l’aquarelle réunit ici sans pour autant en gommer le disparate. Comme ces affichistes, l’artiste procède à un collage, mais cette fois en imagination : à des affiches de films réels, il ajoute des éléments de sa propre vie. La vibration de l’aquarelle et les dimensions des pièces de la série renversent en effet la place ordinaire des affiches. 

L’affiche, destinée à l’origine à l’espace public et publicitaire, devient ici expression de l’intime. Les impressions des films se fondent dans le cours de nos vies ; à l’inverse, l’artiste dissémine dans les dessins de cette série de films rêvés de menus clins d’œil autobiographiques, des portraits familiers, rappelant par là que la vie et les films s’entrelacent dans la mémoire. 

Anastasia Rostan

Exposition d'art contemporain - Impressions de cinéma japonais

Titre du film : Rivière de nuit
Réalisateur : Kôzaburô Yoshimura (1956)

Exposition d'art contemporain - Impressions de cinéma japonais

Ttire du film : La vie éphémère
Réalisateur : Akio Jissôji (1970)

SYNOPSIS
La belle Yuri est de 24 ans et pas un jour sans que ses parents se plaignent qu’elle est toujours célibataire. Ses trois ans plus jeune frère Masao est de son côté contre les parents. Leur vie est un enchevêtrement de moines bouddhistes, des statues et des tentations interdites, le plus grand d’entre eux est à l’autre.

LA GRAVURE, UNE LECTURE DU CINEMA

Pour qualifier ce travail de gravure, on peut parler d’adaptation, comme on le dit des œuvres cinématographiques qui s’abreuvent à la source d’une œuvre littéraire, les unes et les autres « s’éclairant réciproquement ». Comme toute adaptation, il s’agit d’une lecture, d’une interprétation. Les gravures sont le résultat de choix successifs dans le matériau du souvenir : le choix d’un film parmi les souvenirs d’un spectateur, puis, au sein d’un plan retenu, un arrêt sur image qui fige le mouvement à un instant t. 

Si l’on choisit d’appuyer sur pause quelques secondes plus tard, l’impression laissée par une séquence, voire son sens, peuvent changer considérablement. A ces premières substitutions – le photogramme pour le film, le fixe pour le mouvant, le pur visuel pour l’audiovisuel – s’ajoutent les choix de composition, car graver, c’est creuser des traits, des lignes, des vides dans l’image, c’est souligner telle forme plutôt que telle autre, actualiser seulement certaines formes dans les virtualités de l’image source, dans la matrice de l’image première. La mise sous presse est une nouvelle occasion de porter un autre regard sur l’image, comme dans le tirage photographique. Sans retouche postérieure à l’impression, les gravures sont plus ou moins gaufrées, laissant plus ou moins passer le grain du papier, pour des effets variables. Le film en noir et blanc peut donner lieu à une gravure bichrome en rouge et bleu.

Rapprocher ensuite en série les monochromes ou bichromes obtenus esquisse un nouveau film, rappelant le cinéma muet – d’autant plus que l’artiste privilégie souvent la mise en valeur du geste, et des postures dramatiques. La pratique de la série – qui n’est pas sans rappeler la démarche du montage cinématographique –, d’une certaine manière, fait récit, met en lumière des récurrences, et révèle du cinéma japonais une certaine vision, personnelle ; une histoire, mais subjective, assumée comme telle. C’est cette lecture du cinéma japonais qui oriente le projet. Ce que la sélection, le transfert de médium et la composition par un artiste singulier donnent à voir comme idée du cinéma japonais.
La plaque de lino, recadrant des images inspirées de formats si divers en deux formats, et la réduction de la palette à trois couleurs, confèrent aussi à cet ensemble l’unité d’une vision.

Ces gravures témoignent aussi d’une « affaire commune » entre un artiste et certains cinéastes japonais, pour reprendre la formule de Gilles Deleuze sur les adaptations de Kurosawa : Certes, c’est invisible dans le résultat final, mais les marques de la gouge sur la matrice rappellent étrangement la forme de la touche dans les storyboards de Kurosawa et les décors du segment Van Gogh de Rêves.

Les opérations du cinéma, du travail d’adaptation, et les recompositions de la mémoire  peuvent se faire écho.

Film : Eureka (2000)

Réalisateur : Shinji Aoyama

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