The Haunting of Hill House est une série de 10 épisodes créée par Mike Flanagan et diffusée mondialement depuis le 12 octobre 2018 sur Netflix. Il s’agit de l’adaptation du roman de Shirley Jackson (1959).
De quoi parle la série ? : La famille Crain, Hugh, Olivia et leurs cinq enfants débarquent dans une gigantesque maison qu’ils envisagent de remettre à neuf. Rapidement, les enfants sentent que quelque chose ne tourne pas rond dans la bâtisse. La nuit venue, des bruits, des ombres, des figures spectrales parfaitement terrifiantes viennent perturber le sommeil de la famille.
« Un série qui m’a captivé par son mélange des genres »
Avant de commencer cette série, je pensais que le concept de maison hantée était dépassé, car vu et revu au cinéma, sans jamais parvenir à se renouveler. Les films d’horreur américains me déçoivent depuis longtemps, en fait depuis que j’ai vu des références comme Shinning et Carrie. Lorsque j’ai regardé le 1er épisode, je pensais être encore déçu. Il aura fallu seulement quelques minutes pour me convaincre !
« The Haunting of Hill House » n’est pas une série que les autres.
D’abord parce qu’elle renouvelle le genre (déjà bien dépoussiérée par American Horror Story). Elle le modernise encore en se focalisant sur la psychologie des personnages, leurs failles, leurs doutes et leurs angoisses… Flanagan mélange les genres. Il n’invente rien mais cette nouvelle recette fonctionne à merveille. Avec les bons ingrédients qu’il parvient à sublimer.
En découle un côté introspectif assez marqué, qui renforce l’impression d’immersion totale. Tout est fait pour rompre la frontière avec l’écran, pour inclure le spectateur au milieu de la scène (par exemple plusieurs plans tournent autour des personnages).
On ressent presque un sentiment de fascination, pour la famille Crain (qui parait être la famille idéale) et cette maison, auquel se mêle rapidement la volonté de comprendre le déroulement des évènements tragiques. Recomposer leur ordre chronologique dans ce grand désordre psychologique. Et répondre à cette question centrale, que s’est-il passé, cette nuit, dans la chambre rouge ?
La série comprend 10 épisodes. Chacun se focalise sur un membre de la famille. Ce choix est intéressant car il brouille les pistes. En effet, comme chaque personnage a un point de vue différent, notre perception varie d’un épisode à l’autre. Qui a raison, qui cherche à nous induire en erreur ? Cet enchevêtrement des comportements brouille les pistes et participe au mystère qui fait aussi l’identité de cette série.
J’ai également apprécié que le déroulement de l’histoire ne soit pas linéaire. Il forme une boucle, avec des allers retours, ou chaque séquence est interconnectée (Nell est-elle déjà dans la red room au tout début de la série). Ainsi le 1er et le dernier épisode sont consacrés au personnage de Steven (le grand frère dans la famille Crain). Dans chaque épisode, l’histoire s’articule entre les scènes de la famille lorsqu’elle vivait dans la Hill House et leur vie d’adulte, quelques années plus tard.
Cet aspect circulaire est présent à de multiples reprises dans les visuels de la série : les éléments de décor avec l’escalier en colimaçon, les plans qui tournent autour des protagonistes…
Un autre point fort de cette série est son intensité. Après avoir vu un épisode, difficile de passer à autre chose. On repense à certaines scènes, on s’interroge sur la suite. J’ai dévoré les 10 épisodes en moins d’une semaine. c’est vraiement le genre de série dont on se surprend à repenser, dans les transports ou au travail…pour essayer de comprendre ce que l’on a vu ou de se demander ce que l’on a pu rater. Flanagan veut nous retourner le cerveau et c’est réussi !
(Attention spoiler) L’illustration est la scène de fin : On remarque un détail troublant. Alors que la famille est réunie autour de Luke, qui fête son deuxième anniversaire de sobriété, on remarque que le gâteau est de couleur rouge. Cela signifie-t-il que Luke est toujours pris au piège dans la Chambre Rouge ? Le réalisateur avait annoncé sa volonté initiale d’intégrer un « twist » final. Il a confirmé avoir finalement renoncé. Une autre interprétation est possible…
« Une merveille de réalisation »
Ce que j’ai préféré dans cette série, c’est sa réalisation. Intelligente, créative et ingénieuse, elle mérite tous les superlatifs. Surtout, elle lui confère une ambiance unique. Un bijou qui n’a rien à envier au cinéma. Netflix a vu juste en investissant dans ce projet et prouve une nouvelle fois que ses séries sont largement au niveau des productions cinématographiques. Good game !
Le montage est un travail d’orfèvre qui frôle la perfection. Je n’avais pas ressenti un tel génie depuis le « Shinning » de Kubrick. Pour dérouler l’histoire, le montage n’est pas linéaire. Segmenté, il encercle le spectateur avec pour mieux l’envahir de questions, de doutes sur chaque personnage. Quelles étaient les intentions de la mère ? Quel a été le rôle du père ? A la frontière entre réel et irréel, il regorge d’ingéniosité pour brouiller les pistes, pour induire le spectateur en erreur. Toutes les techniques utilisées le sont à la perfection. Les effets sont dingues. Malgré sa complexité, on a l’impression que tout est pensé dans le moindre détail. A l’écran, le résultat bluffant !
Le flashback est la technique qui domine dans cette série. Il est complétif lorsqu’il permet, par l’utilisation de segments, de combler ou de compléter une lacune antérieure du récit. La série va encore plus loin. Elle adopte un point de vue différent en fonction du personnage. Ainsi en fonction de l’épisode, on aura autant de point de vue sur une scène que des personnages concernés par elle. Là où elle devient carrément géniale, c’est que chaque ellipse se focalise avant tout sur le sentiment ressenti par le personnage. Le spectateur se retrouve avec une scène mais plusieurs interprétations. Laquelle est la bonne ? Qui faut-il croire ?
La technique du Set up/Pay off est parfaitement utilisée. Elle permet de présenter furtivement une information pour y revenir plus tard. Un élément qui parait sans importance est montré (pay in, planté), puis il réapparait et dévoile son sens. (pay off, récolté). Regardez l’horloger dans les épisodes 8 et 9. Cette technique est aussi utilisée avec les objets (la fameuse tasse de thé étoilée de Nell). Elle est parfaitement adaptée dans cette série car elle joue aussi sur la perception de la réalité qui est transformé en fonction du point de vue des personnages.
Un autre point fort de la série est que la tension est permanente. Les jump scare sont quasi-impossible à éviter. Elle est graduelle au fur et à mesure que le mystère s’épaissit. Vous ne risquez pas de vous endormir. L’effet de surprise peut survenir à tout moment (des vidéos montrant les réactions des gens sont déjà sur youtube). J’ai tenté de me préparer mais je suis fait piéger à chaque fois. L’épisode 6 (à mon avis le meilleur) atteint un sommet d’intensité !
Les effets spéciaux sont pourtant peu présents, au profit des effets d’ombre et de mouvements. Ils sont tous extrêmement bien pensés et font mouche. Ce n’est pas forcément ce que l’on voit qui fait peur, c’est ce que l’on ne voit pas. L’imaginaire du spectateur est sollicité de manière permanente. Pour ces raisons cette série se rapproche du cinéma d’horreur japonais. Ce que je n’aime pas dans le cinéma d’épouvante, c’est lorsque les effets sont trop prévisibles. Lorsqu’on assiste à une simple accumulation d’effets spéciaux, sans sens, uniquement pour faire le spectacle. Ici, je n’ai jamais eu l’impression d’effets grossiers ou inutiles. Mieux chaque effet est en lien direct avec l’histoire. Sans s’affranchir de ses codes, Flanagan remodèle le genre pour gagner en profondeur mais aussi en crédibilité.
Je pourrai citer d’autres d’exemples pour illustrer le travail incroyable sur la réalisation et les effets mais c’est difficile sans vous dévoiler l’intrigue. Je vous invite donc simplement à être attentif à chacun de ces effets visuels. Ils constituent autant de pistes importantes, de repères à marquer, à interpréter pour percer le mystère de Hill House. Moi, je me suis souvent fais avoir…
Cette série est un puzzle à reconstituer : chaque épisode est un jeu de piste, la maison un labyrinthe avec ses pièges, ses mystères, et ses pièces cachées.
Car les fantômes apparaissent et disparaissent partout dans la maison. Un peu comme les mythiques apparitions de Tyler Dordon dans Fight club, ils jouent à cache-cache avec le spectateur.
Un mot sur le casting et l’interprétation des acteurs. A mon avis, c’est un sans-faute. Mention spéciale aux enfants. Le personnage de Nell (enfant et adulte) est celui qui m’a le plus touché. Victoria Pedretti et Violet McGraw incarnent à merveille la fragilité et l’humanité de leurs personnages. Pour moi, ce sont les deux plus grandes révélations de la série. J’espère vite les revoir dans un autre registre. Michiel Huisman, en parfait contre-emploi de son rôle de Daario dans Game of Thrones, est surprenant dans son interprétation du grand frère protecteur, qui s’est progressivement perdu dans sa volonté de tout rationaliser.
Enfin, les dialogues sont particulièrement travaillés et aboutis. L’adaptation fait honneur à l’œuvre littéraire et se relève même poème au moment de nous libérer à la toute fin du 10 même épisode.
Je vais maintenant tenter de vous expliquer pourquoi « The Haunting of Hill house » est aussi passionnante sur la forme que sur le fond. Tellement complexe, elle fera sans doute l’objet de multiples analyses. Voici mes impressions.
« Une réflexion sur la puissance de l’imaginaire »
Ce qui m’a beaucoup intéressé, c’est le double degré de lecture que l’on peut avoir sur cette série. C’est ce qui fait son originalité.
Il existe certaines séries que l’on prend plaisir à regarder, du pur divertissement, mais que l’on oublie rapidement. D’autres possèdent quelque chose en plus. « The Hauting of Hill House » fait partie de cette catégorie. En abordant des thèmes en lien direct avec la philosophie et la psychologie, elle nous incite à la réflexion. Elle nous pousse à aller plus loin, à tirer des enseignements pour notre vie quotidienne. Je n’avais pas retrouvé cette impression depuis la saison 1 de True Detective.
« Il y a plus de choses dans le ciel et dans la terre que n’en rêve votre philosophie » a écrit William Shakespeare. Je trouve que cette simple phase, prononcé par Olivia dans l’épisode 9, représente bien le sens de la série.
Il existe depuis toujours une séparation entre la terre et le ciel. Entre le réel, c’est-à-dire ce que nous savons, que nous pouvons démontrer par la science, par l’expérience. Et l’imaginaire, les rêves, le peu ou pas connu, que nous tentons toujours de comprendre dans les sciences humaines.
Cette différence se retrouve en chacun d’entre nous. Dans la série, elle se retrouve dans les traits de caractère de chaque personnage. C’est la différence entre le père et la mère (elle représente le ciel et lui la terre). On la retrouve aussi chez leurs enfants : Steve et Shirley sont rationnels, ils masquent leurs émotions, au contraire des jumeaux et Théo, qui sont plus sensibles et impulsifs. La série souligne cette nécessaire complémentarité (la métaphore du cerf-volant et sa bride). Pour vivre en harmonie, il faut juste qu’il s’écoute et se comprenne pour se compléter et s’enrichir mutuellement.
On s’identifie rapidement à un personnage, à leurs traits de caractère. L’anxiété, l’addiction, la peur, la honte les troubles obsessionnels, sont des troubles que nous ressentons régulièrement. Mais ils laissent en chacun d’entre nous une empreinte plus ou moins profonde.
La maison nous soumet à la « question ». Comment vivre avec ses peurs et ses traumatismes de l’enfance ? Est-il possible de surpasser ses faiblesses ? Sommes-nous tous les fantômes de notre passé ? Si vous êtes en proie au doute, à la solitude, aux problèmes dans votre famille, voir cette série va vous faire du bien. Elle délivre un message positif, d’ouverture sur le monde et les autres. C’est étrange d’écrire cela concernant une série d’horreur mais c’est vraiment ce que j’ai ressenti en la regardant.
Elle aborde une multitude de thèmes. La famille, la peur, l’abandon et le deuil sont des thèmes centraux. Tous ces thèmes font appel nous concerne tous et font appel, à notre vécu, nos traumatismes. Forcement on se sent vite concerné, ce qui renforce l’impression d’immersion.
Les rapports à l’argent, au couple, sont aussi abordés de manière tout aussi juste mais un brin conservateur et moralisateur. Donc pour moi plus secondaire.
En fait, il suffit de piocher dans les aspects qui vous intéressent et de se laisser porter. C’est une expérience vraiment enrichissante.
S’il faut retenir une seule chose, un message un peu simpliste mais qui prendra ton son sens quand vous verrez la série. C’est que nous sommes toujours la clé de nos vies. Pour se détruire ou se construire, pour résoudre nos problèmes ou s’en créer. En reprenant la métaphore de la porte très présente dans la série (la fameuse red room), La question est donc que voulez-vous faire de votre clé ? Quel porte vous lez vous ouvrir et lesquelles resterons fermée ?
« Une porte ouverte vers le bonheur ? »
On pourrait reprocher à cette série son manque de spectacle, de n’être pas assez méchante. Ce serait passer à coté de l’essentiel.
C’est un témoignage sur notre société. Elle s’adresse à notre identité personnelle, à notre « Moi » qui contrôle nos comportements, notre rapport aux autres, à la réalité extérieure et à nos désirs inconscients.
Que vaut réellement l’affirmation de Pascal « tous les hommes recherchent d’être heureux » ? Que vaut aujourd’hui un dogme qui voudrait que tous les individus naissent libres et heureux ?
On a tous entendu la phrase « Pourtant, il (elle) avait tout pour être heureux ! ». L’artiste Angele (dont j’adore le travail sur les textes) dirait dans sa chanson Tout oublier : « c’est simple soit juste heureux, si tu voulais tu le serais ». Mais la psychanalyse nous a appris combien l’homme s’inscrivait dans une condition tragique, qui est de se faire mal tout en sachant qu’il se fait mal. La belle affaire !
« The Hauting of Hill house » tord le cou à la psychanalyse et nous confirme que seul l’amour est source de bonheur. L’amour, c’est l’abandon de tout logique, le renoncement aux schémas rationnels. Sans lui on ne peut tout simplement pas exister librement. Vous pouvez méditez sur la réflexion de Nell dans le dernier épisode, pleine de sens «…c’est tout ce qui compte, le reste c’est des confettis ».
Sur le fond, cette série de fantômes reste centrée sur l’humain, clairvoyante sur le péril de notre société. Que croire dans un monde médiatique ou la fiction et la réalité se confondent de plus en plus, ou il est difficile de démêler le vrai du faux, sur nos non-dits, nos mensonges et notre égoïsme. La maison hantée en devient la matérialisation. L’incubateur de nos sentiments, la chrysalide de nos émotions.
Elle et comparée dans l’épisode 9 à une bête féroce, qui dévore impitoyablement sans être jamais rassasiée. Comment en sortir ? Le dernier épisode nous livre des pistes de réflexions. C’est que nous sommes la clé, pour résoudre nos problèmes et ouvrir toutes les portes qui se ferment devant nous.
Conclusion : « The Haunting of Hill house » est un chef d’œuvre. A la fois intense et surprenante, elle m’a captivé du début à la fin. Elle renouvelle et modernise le thème de la série d’horreur grâce à une réalisation qui mérite tous les superlatifs. Une de mes nouvelles références !
Sur le fond, elle se démarque aussi par la diversité et la pertinence des thèmes abordés. Elle s’adresse à chacun d’entre nous en s’emparant de nos peurs, nos inquiétudes et nos angoisses. Mieux, elle laisse la porte ouverte vers des réflexions positives et utiles sur les liens familiaux et la recherche du bonheur. Cette série est mon coup de coeur de l’année 2018.
Au lieu de hurler de peur, crions au génie !
La bande annonce :