Son empreinte dans l’histoire est immense
C’est pour moi celui qui symbolise le mieux l’union entre l’animation et le cinéma. Cette frontière que certains imaginent encore entre d’un côté le noble art (le cinéma) et de l’autre le divertissement pour les enfants (l’animation), elle n’existe pas. Depuis l’imagination des frères lumières, il n’y a pas séparation entre le cinéma d’animation et le cinéma réel. Toute l’histoire de l’animation japonaise en est l’illustration. Seules les techniques diffèrent, l’esprit lui est le même. Et les œuvres de Satoshi Kon incarnent le constat qui en découle, la confusion entre le réel et la fiction. D’abord avec l’impression de se trouver dans un univers réel, familier, car ancrée dans la réalité de notre époque. Puis rapidement de plonger (plus ou moins consciemment) dans un océan d’imaginaire, de fantastique qui oscille en permanence entre le rêve et le cauchemar. Jamais le cinéma d’animation n’a autant joué avec nos repères.
Sa source d’inspiration n’est pas le cinéma asiatique. C’est d’abord le cinéma américain : Slaughterhouse Five (1972) de George Roy Hill, les films de Terry Gilliam Bandits, bandits (1981), Les Aventures du baron de Münchhausen (1988) et Brazil (1985). Mais également la littérature de science fiction, en particulier Philip K. Dick et Yasutaka Tsutsui dont il a adapté Paprika.
Visuellement aussi, Satoshi Kon a inventé un style d’animation, entre réalisme et expressionnisme. Un style qui peut paraitre grossier, peu travaillé, mais qui révèle là aussi une vision, une identité. Visuellement, on constate un vrai contraste entre d’un côté les protagonistes qui versent dans la surenchère et les excès en tout genre, qui se forment et se déforment et les héroïnes dont la représentation est beaucoup plus douce en apparence. Car S. Kon explore leur psychologie et leur force. Il livre une puissante démonstration des barrières, des frustrations, des humiliations qu’elles subissent pour atteindre leurs rêves.
Une des meilleures illustrations est le film « Perfect Blue » sorti en 1997 au Japon. Mima est une jeune chanteuse qui décide de quitter son groupe (et son statut de star) pour se consacrer à une carrière de comédienne. Son départ du monde de la J-pop provoque la colère de certains de ses fans. Des évènements inquiétants surviennent progressivement. Derrière les apparences, ce film est un vrai thriller haletant. La plus grande qualité du film est son scénario. Le spectateur est transporté par les visions et les doutes de Mima. S. Kon sait exactement où il veut amener le spectateur et c’est vraiment réussi. C’est ce qui fait la force du film et captive le spectateur, au fur et à mesure que Mima s’enfonce dans sa paranoïa destructrice.
Car « Perfect Blue » est bien une oeuvre d’anticipation, un lanceur d’alerte dans sa critique du star-système au Japon, ses déséquilibres entre apparence et artistique, les désillusions de la célébrité. Ce qui est incroyable, c’est que le film est sorti il y a plus de 20 ans et que le réalisateur avait anticipé les dérives de la sur-médiatisation des artistes.
Preuve qu’il est aujourd’hui devenu une référence de ce lien entre animation et cinéma, il a influencé les meilleurs réalisateurs dans le monde entier. Voici 3 illustrations :
En 2010, le film “Black swan” de Darren Aronofsky : Le parallèle entre Mima dans son groupe de Jpop et Nina dans la troupe du New York City Ballet est évident. Ce sentiment d’oppression, lié à celui de la gloire porté par l’ambition et la souffrance.
En 2000, le film “Requiem for a Dream”de Darren Aronofsky: La scène ou l’on voit Mima prostrée dans sa baignoire reproduite à l’identique dans le film.
En 2010, le film « Inception » de Christopher Nolan : Il a déclaré que Paprika a été une source majeure d’inspiration pour le personnage interprété par Ellen Page. Les thèmes sont similaires, l’exploration de différents univers, entre rêves et réalité. Certaines scènes également. Une de mes scènes préférée dans Paprika, vous vous souvenez de cette scène avec son costume de groom d’ascenseur ou chaque étage représente un genre différent de cinéma.
« il a ouvert une nouvelle manière d’explorer la psychologie à travers l’animation »
C’est un réalisateur à part dans l’univers de l’animation japonaise. Et je ne dit pas cela parce qu’il est née sur l’île d’Hokkaido. C’est un réalisateur qui nous fait ressentir des émotions uniques. Comme le chevalier d’or des gémeaux, il a ouvert une nouvelle dimension, entre hyperréalisme et visions surréalistes. Nous, spectateur, on est littéralement absorbé, captivé (effrayé aussi par moment) par ses changements de rythmes, ses faux repères, ses fausses pistes. On ne sait plus ce qui est réel ou imaginaire. En abordant tous les genres, Satoshi Kon a livré son portrait psychologique du Japon du XXIe siècle, avec une virtuosité inégalée.
Il expose à dessein un subtil mélange d’animation et de psychologie. Le déroulement non linéaire de ses histoires, les effets de surprise, l’audace de la mise en scène, artistiquement rien n’est laissé au hasard (il a étudié l’art classique à l’université). Le résultat peut choquer mais ne laisse jamais indifférent. Son talent était immense et incontestable.
Dans sa manière travailler, Satoshi Kon est impliqué dans l’élaboration de ses films, de la pré-production à la commercialisation. Il travaillait à chaque film avec quasiment la même équipe : Nobutaka Ike aux décors, Masafumi Mima pour les sons, Susumu Hirasawa pour la musique. Pour comprendre son œuvre, le plus important, c’est de prendre le temps de voir et revoir ses films pour tenter de sortir de ces labyrinthes en forme d’obscur objet du désir.
Car Satoshi Kon porte à l’écran sa vision de la société et surtout de son évolution. Ses œuvres se conjuguent autant au passé, qu’au présent, qu’au futur. Internet d’abord qu’il dénonce sans concession comme un vecteur de solitude et d’isolement : Dans « Perfect blue », c’est sur internet que commence le harcèlement. Dans « Paprika » il absorbe le personnage du commissaire. « Paranoïa » agent dénonce la pression sociale.
Dans « Tokyo God father », les trois personnages sans domiciles fixes, vu comme les rois mages la nuit de la nativité. Ils préfèrent rester marginaux et assument leur vision différente de la vie en société, de l’autre côté des vitrines des magasins. Ils poursuivent un idéal de liberté, loin de l’aliénation de la modernité et de la société de consommation.
Les femmes sont le reflet de ses espoirs. Souvent malmenées, elles projettent ses désirs et ses obsessions. A contrario, les hommes représentent la face sombre de l’humanité.
« Paprika » est la synthèse de son œuvre. Une forme d’apothéose. Il réalise quelque chose d’inédit dans l’histoire du cinéma d’animation : la fusion entre le rêve et la réalité, plus de barrières dans la création, tout devient possible grâce à notre esprit. Mais est-ce vraiment une bonne chose ?
Sa filmographie (longs métrages)
Alors que le processus est toujours dans sa phase de test, l’un des prototypes du DC Mini est volé, créant un vent de panique au sein des scientifiques ayant développé cette petite révolution. Dans de mauvaises mains, une telle invention pourrait effectivement avoir des résultats dévastateurs.
Le Dr. Atsuko Chiba, collègue de l’inventeur du DC Mini, le Dr. Tokita, décide, sous l’apparence de sa délurée alter-ego Paprika, de s’aventurer dans le monde des rêves pour découvrir qui s’est emparé du DC Mini et pour quelle raison. Elle découvre que l’assistant du Dr. Tokita, Himuro, a disparu…
L’histoire : Sagi Tsukiko est une célèbre conceptrice de peluche kawaii. Un soir, alors qu’elle rentre chez elle, elle se fait agresser par un mystérieux gamin armé d’une batte de base-ball et chaussé de rollers jaunes. Tandis que les collègues de Tsukiko croient au canular, la police enquête et découvre que d’autres agressions sont à mettre sur le compte du Shonen Bat (le garçon à la batte). Parallèlement, un étrange journaliste se met également à sa recherche.La série de treize épisodes nous emmène au plus profond de la psychologie des personnages. Schizophrénie, folie, dépression, suicide, paranoïa, prostitution, Satoshi Kon pose une loupe sur les malaises d’une société au bord de la rupture.
La bande-annonce :
Court-métrage
A la fin du film, le terme “Ohayō”, le langage (création trop humaine), marque le retour à la réalité, à la civilisation. Elle sourit enfin, comme si chaque jour était une renaissance. Nous ne sommes pas différents mais jamais exactement pareil.
Mangas (Seinen)
Kaikisen (le pacte de la mer)
L’histoire : Dans la commune d’Amidé, le fils du prêtre shintô Yôzô Yashiro, Yôsuké veille sur l’œuf de l’ondine. Selon une vieille légende, un ancêtre de Yôsuké a fait un pacte avec une ondine : sa famille veillera son œuf ; en retour, les pêcheurs s’assureront la clémence et la générosité de la mer. Mais, aujourd’hui, les habitants ont décidé de faire d’Amidé une station balnéaire attrayante. Peut-on allier tradition et modernité ?
Seraphim : 266,613,336 no Tsubasa
L’histoire : Au XXIe siècle, une épidémie, bientôt connue sous le nom d’Angélisme, ou « Seraphim », change la face du monde. Elle provoque de profonds changements morphologiques et psychologiques chez la personne qui en est atteinte : des ailes lui poussent dans le dos et des hallucinations l’obsèdent avant de mourir. Afin d’endiguer la propagation du mal, deux hommes et un chien, surnommés Melchior, Balthazar et Gaspard, sont chargées d’escorter une jeune fille mystérieuse, Sera, jusqu’à sa région d’origine, en Asie centrale.
Opus
L’histoire : Ce mange (2 volumes) mène le lecteur dans les pas d’un créateur de manga pris au piège de sa propre création. Après des années à avoir tenu les lecteurs en haleine avec « Résonance », Chikara Nagaï commence à penser à une fin. Un de ses héros se rebiffe, mécontent de son sort. Il lui vole un dessin capital pour la suite de l’histoire. Le dessinateur se retrouve alors plongé dans les propres cases de son manga aux côtés de sa jolie héroïne télépathe Satoko et du monstre qu’il a lui-même créé, Le Masque.
Participations
1991 : Roujin Z (film) – Conception des décors
L’histoire : Dans un futur proche, l’humanité a réussi à dompter la technologie et bénéficie de tout le confort moderne. Mais un dernier enjeu pèse sur la société : le vieillissement de la population. Pour résoudre ce fléau grandissant, la médecine est remplacée par la robotique avec la création d’une machine nommée le « Z-001 », capable de prodiguer tous les soins nécessaires aux personnes âgées. Kijûrô Takazawa est le premier cobaye contraint à tester ce robot, bien que ce dernier aurait souhaité rester avec son ancienne infirmière, la jeune Haruko. L’expérimentation tourne mal et le Z-001 se transforme en arme de destruction massive.
1992 : Patlabor 2 (film réalisé par Mamoru Oshii) – Layout
L’histoire : En l’an 2002, devant la prolifération des robots Labor, une escouade Patlabor est créée afin d’empêcher l’utilisation de cette technologie par des criminels. La destruction, en Asie du Sud-Est, d’une équipe de Labor, est la déclaration d’une guerre terroriste mondiale. Désormais, l’escouade Patlabor doit protéger la ville, sous les ordres d’un responsable ambigu, qui n’est autre que Nagumo…
1993 : JoJo’s Bizarre Adventure (OAV) : Episode 5 – scénariste et story-boarder
1995 : Memories (film réalisé par Katsuhiro OTOMO, le réal d’Akira) : scénariste, décorateur, layout (segment la rose magnétique)
L’histoire : MEMORIES regroupent 3 histoires courtes :
- « La rose magnétique » qui raconte l’histoire de deux voyageurs de l’espace qui découvrent un monde magnifique créé par les souvenirs d’une femme;
- « La bombe puante » qui est ‘histoire d’un jeune chimiste transformé par accident, en une arme chimique invincible et mortelle, se dirigeant vers Tokyo;
- « Chair à canon » ou l’on voit une journée quotidienne d’une ville dont la seule activité est de bombardé un ennemi inconnu.
L’animé Berserk (1997) :
Satoshi Kon a participé à ce clip « Forces » pour l’anime Berserk, pour collaborer avec son ami le compositeur préféré, Susumu Hirasawa.
Voilà vous savez tout. J’espère que cet article vous aura appris certaines choses . N’hésitez pas à me laisser un commentaire.
https://japoncinema.com/bande-annonce-du-documentaire-satoshi-kon-la-machine-a-reves/